L’entrevue

Retour sur l’occupation du square VictoriaEntrevue avec Kristian Gareau, Josianne Millette et Valérie Provost, militants et militantes au sein du mouvement Occupons Montréal[Notice]

  • Louis Gaudreau et
  • Élisabeth Côté

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  • Louis Gaudreau
    École de travail social, Université du Québec à Montréal

  • Élisabeth Côté
    Étudiante de 2e cycle, École de travail social, Université du Québec à Montréal

Dans la foulée des grandes mobilisations qui se sont succédé en 2011 (printemps arabe, manifestations en Grèce, en Espagne et Occupy Wall Street), plusieurs groupes à travers le monde ont répondu favorablement à l’appel à l’occupation lancé par le mouvement Take the square pour le 15 octobre de la même année. À Montréal, des centaines de personnes se sont rassemblées pour ériger un campement autogéré au square Victoria, qu’elles ont rebaptisé « place du Peuple » pour l’occasion. Nouvelles pratiques sociales (NPS) a voulu en savoir davantage sur les motivations des personnes qui y ont pris part, sur les moyens et stratégies qui ont été privilégiés, de même que sur les perspectives d’avenir de ce mouvement. Trois participants.es d’Occupons Montréal ont accepté de nous partager leur expérience : Kristian Gareau, travailleur communautaire dans le domaine de l’environnement, Josianne Millette, étudiante au doctorat en communication et assistante de recherche à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), et Valérie Provost, diplômée de deuxième cycle en études littéraires de l’UQAM. Fidèles aux structures décentralisées de leur mouvement, ils précisent qu’ils n’en sont pas des représentants.es officiels et qu’ils s’expriment à titre personnel. Nous présentons dans ce qui suit une synthèse des propos qu’ils ont tenus lors d’une entrevue réalisée le 24 novembre 2011, quelques heures avant le démantèlement de l’occupation du square Victoria qui a eu lieu le lendemain matin. Les gens ont été prompts à répondre à l’invitation, même si ce n’était pas nécessairement réfléchi au départ. Il y avait dans cette réponse quelque chose qui relevait du « ressenti », d’un sentiment d’injustice que certains ont nommé l’indignation et qui est difficile à expliquer parce qu’il est jusqu’à un certain point de l’ordre de l’indicible. Le mot « indignation » a toutefois été quelque peu galvaudé. Certaines personnes ont été mal à l’aise d’être qualifiées d’« indignées ». Les participantes et participants sentaient plus ou moins clairement qu’il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas, quelque chose qui ne faisait pas leur affaire. Par contre, ils ne trouvaient pas nécessairement de lieux ou d’occasions pour aller plus loin, pour que ce soit différent. Ils étaient à l’affût d’une occasion de joindre un mouvement qui leur parlerait. Ce rassemblement a aussi été motivé par un désir de participer à la définition du destin collectif. Traditionnellement, les mouvements sociaux ont eu tendance à travailler en silo (féminisme, écologisme, etc.), à se ghettoïser. Maintenant, il y a une volonté de collaboration qui s’exprime dans une prise de conscience que nous faisons tous partie d’un même système et que nous pouvons agir ensemble. D’ailleurs, l’absence de chef, de porte-parole et de revendications précises, parfois reprochée au mouvement, était plutôt un choix cohérent avec le désir d’ouverture et d’accessibilité exprimé par celui-ci. Cela a permis aux gens de se sentir interpellés, de réaliser qu’il était possible de s’impliquer et de participer réellement. « Nous sommes les 99 % » est surtout un slogan symbolique qui met en perspective les écarts de richesse et le fait que 1 % de la population détient 40 % de la richesse financière. Il sert à illustrer qu’un nombre important d’individus sont dépossédés de leur pouvoir politique, du partage des richesses et de la participation publique. De plus, l’expression « Nous sommes les 99 % » n’a pas l’ambition de représenter le 99 % à la manière d’un tout englobant, mais renvoie plutôt à la somme de chacun de nous qui formons les 99 % : je suis les 99 %, tu es les 99 %, elle est les 99 %; ensemble, « Nous sommes les 99 % ». Ce …

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