Les comptes rendus

Les transitions à la vie adulte des jeunes en difficulté. Concepts, figures et pratiques, Martin Goyette, Annie Pontbriand et Céline Bellot, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2011, 408 p.[Notice]

  • Annamaria Colombo

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  • Annamaria Colombo
    Haute école fribourgeoise de travail social (Suisse)

Cet ouvrage collectif fat suite à un colloque international qui s’est tenu en juin 2009 à Montréal, intitulé Des liens maintenant pour l’avenir. Fruit d’une collaboration entre une équipe de chercheurs et des acteurs professionnels oeuvrant auprès des jeunes, ce colloque portait sur la question des transitions à la vie adulte des jeunes en difficulté. L’organisation de cet événement découlait d’une volonté commune d’une équipe de recherche québécoise composée notamment par les éditeurs de cet ouvrage, travaillant depuis plusieurs années sur les questions d’accompagnement à l’autonomie des jeunes, de l’Association des centres jeunesse du Québec (ACJQ), ainsi que de partenaires d’organismes jeunesse de partager leurs connaissances respectives sur les interventions entourant le passage à la vie adulte des jeunes. Comme l’indiquent Martin Goyette et Annie Pontbriand dans leur avant-propos, l’objectif était de s’interroger sur les situations qui aident ou nuisent à la création de liens avec les jeunes. L’ouvrage qui en découle, dirigé par Martin Goyette, Annie Pontbriand et Céline Bellot, regroupe quatorze contributions de chercheuses et chercheurs de différents pays, ayant participé au colloque. Il est organisé en trois parties, qui sont reprises dans le titre de l’ouvrage : concepts, figures et pratiques. La question de l’autonomie est au coeur de ces contributions. Celles-ci mettent en lumière un paradoxe. D’une part, dans le contexte actuel de multiplication des repères normatifs et d’affaiblissement des institutions de socialisation traditionnelle, l’initiative et la responsabilisation des jeunes sont valorisées, aussi bien par les adultes que par les jeunes, dans les politiques, les discours et les pratiques, dans une optique libérale qui met l’aspiration à l’indépendance au centre du fonctionnement social et du développement humain. Mais d’autre part, plusieurs contributions soulignent, dans un regard critique, la charge normative et contraignante du recours à ce concept, qui dans bien des cas, comme le souligne Jacques Moriau, « loin de constituer un support dans la trajectoire du jeune, fait au contraire peser une contrainte supplémentaire » (p. 26). Les trois contributions qui constituent la première partie, portant sur les concepts importants pour lire les transitions à la vie adulte, attirent l’attention sur le risque de dérive associée à l’utilisation de concepts dépeignant la situation des jeunes en omettant les nuances et la complexité de leur réalité. Intitulée « Sois autonome! », la contribution de Jacques Moriau met en lumière de manière critique comment l’allongement de la période de la jeunesse et la rupture de concordance entre la majorité légale et les seuils sociologiquement observables sont mis en lien dans les politiques publiques et dans les médias avec des incapacités individuelles, à travers une « grammaire de la responsabilité ». Or, il soutient que le ciblage des politiques sur la catégorie spécifique des « jeunes adultes » répond davantage à des considérations de répartition politique qu’à une nécessité sociale et sociologique associée à un groupe particulièrement déficitaire et vulnérable. Cette vision occulte le fait qu’il ne s’agit que d’une tranche d’âge au sein d’une population précarisée et contribue surtout à faire reposer les problèmes de vulnérabilité sur les épaules des jeunes, tout en occultant la question des droits collectifs permettant cette autonomie et les réflexions autour des conditions favorisant un accès égalitaire des jeunes à l’indépendance. À partir de l’analyse de trois figures de jeunes en difficultés, Marc Molgat défend la pertinence d’adopter une perspective fondée sur les transitions pour penser la jeunesse et propose une critique de la théorie de l’âge adulte émergent. Trop centrée, à son avis, sur les perceptions des jeunes, cette approche occulte les effets des inégalités sociales sur le passage de ces jeunes à la vie adulte, alors que les analyses …