L’entrevue

PraTIC d’une Maison de Jeunes : L’Escalier et la cyberintimidation chez les jeunesEntrevue avec Geneviève Bouchard de la Maison des Jeunes L’Escalier de Lachine[Notice]

  • Sylvie Jochems

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  • Sylvie Jochems
    École de travail social, Université du Québec à Montréal

Plusieurs intervenants.es communautaires se demandent comment intervenir avec les médias sociaux. Les intervenants.es jeunesse sont particulièrement interpellés par cette question alors que la grande majorité des jeunes du Québec utilisent les médias sociaux. Il faut savoir que 90,5 % des 18-24 ans en 2012 sont utilisateurs des médias sociaux. Déjà en 2009, 64 % des 12 à 17 ans possédaient un ordinateur de table et 39 % un cellulaire (Centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO), 2012; 2009). NPS a réalisé cette entrevue avec Mme Geneviève Bouchard dans le but de mieux faire connaître de nouvelles pratiques telles que celles qui concernent la prise de parole par les jeunes dans l’espace public élargi (Cardon, 2010) que représente maintenant le web. Cette formation qu’a initiée Mme Bouchard, loin d’être moralisatrice, adopte une approche éthique où les jeunes s’approprient et s’interrogent sur leurs usages et la portée de leur parole, de l’exposition de leur vie privée dans l’espace public qu’est le web.

Je suis travailleuse de milieu à la Maison des Jeunes L’Escalier de Lachine depuis 5 ans et demi maintenant. Je suis avec les 9-12 ans et avec le secteur famille. Je dois faire de la présence en milieu scolaire et de l’intervention psychosociale. Je dois faire le lien avec l’ensemble des partenaires du terrain, donc tous les acteurs de l’école, tous les spécialistes : CLSC, DPJ, police et tout ça. Je dois animer des ateliers culturels et de sensibilisation pour les sujets sensibles et monter des projets avec les jeunes selon ce qu’ils veulent. À la Maison des Jeunes L’Escalier de Lachine, bien que je n’aie pas le titre de chargée de projet, je suis chargée de « mon » projet. Lorsqu’on voit sur le terrain une problématique, si on a une question, c’est souvent par initiative personnelle qu’on va décider de mettre sur pied des formations. Donc, la formation sur les droits fondamentaux, qui a plus de quatre ans, est une formation conjointe que j’ai préparée avec une collègue. On s’est dit que c’était important que les jeunes connaissent un peu leurs droits fondamentaux. On préparait ça de semaine en semaine. Puis, il y a eu la semaine où on préparait la formation sur le droit à la liberté d’expression, le droit à la vie privée. À ce moment-là, quand on a donné cette formation, Facebook a émergé dans nos vies. Tout d’un coup, tout le monde parlait de ça. Tout le monde avait un compte. Tout de suite, j’ai été là-dessus, et j’étais en campagne anti-Facebook la première année. J’ai essayé d’informer des gens, mes amis propres, des jeunes, des femmes seules qui mettaient leur adresse. Au début, on assistait vraiment à n’importe quoi. Mais on voulait en parler parce que finalement on était tous des enfants là-dedans, parce que nous on n’a jamais appris à vivre avec ça. On a commis et on commet parfois les mêmes dérives. Facebook est entré dans nos vies comme un gros éléphant. Je pense que, personne ou peu de gens au départ, se sont arrêtés pour regarder le train passer et l’analyser avant de plonger dedans. Quand Facebook est arrivé, j’étais en train d’étudier le droit à la vie privée et cela a teinté mon regard, je pense, sur cet animal. J’ai choisi personnellement de reculer, d’attendre, d’observer, et vraiment juste voir comment cela allait se développer et d’y penser. Après ça, à plusieurs reprises, j’ai eu envie de me créer un compte. Souvent, en fait, il s’agissait d’évènements graves [qui se passaient dans mon milieu de travail]. Je pense à une exposition grave de la vie privée où on a dû renvoyer un collègue. Je pense aussi à une femme qui avait fait une fausse couche à six mois et qui avait mis une photo de son bébé sur Internet. Trois ou quatre ans plus tard, j’en suis encore là. Mais, je veux être de mon époque. Donc, puisque je ne suis pas réactionnaire, j’ai voulu quand même connaître ça en profondeur. Aussi, parce que dans mon travail c’est un incontournable. Si je ne connais pas ça, c’est tout un pan de mon travail qui disparaît. C’est tout un univers des jeunes qui est très présent, très prenant, et si je ne suis pas au courant de ces choses-là, je perds 50% de mon champ d’action. J’ai fait une formation d’un an sur l’intimidation avec un groupe de sixième année parce qu’ils étaient en train de mettre l’école sens dessus dessous avec leurs comportements. C’était entre 2009 et 2010. On a commencé, du début novembre jusqu’en juin, à une heure …

Parties annexes