Les comptes rendus

Penser la vulnérabilité, Viviane Châtel et Shirley Roy (sous la dir.), Québec, Presses de l’Université du Québec, 2010, 240 p[Notice]

  • Frantz Siméon

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  • Frantz Siméon
    Étudiant de 3e cycle, Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Sherbrooke

Ce livre est produit sous la direction de Vivianne Châtel, enseignante à la Chaire francophone de travail social de l’Université de Fribourg et chercheuse au Centre de recherche sur les liens sociaux (CERLIS), Paris V-Sorbonne, et de Shirley Roy, professeure titulaire au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal et une des fondatrices du Collectif de recherche sur l’itinérance, la pauvreté et l’exclusion sociale. Il est le fruit de deux années de séminaires. Cet ouvrage est une réflexion destinée à un large public comprenant tant les étudiants, les formateurs, les intervenants et les responsables administratifs et politiques. Il se fixe le but de porter un regard nouveau sur la notion de vulnérabilité. Une vulnérabilité présentée généralement sous l’angle de la dimension financière, qui se rapporte uniquement à l’individu, seul responsable (il doit être mobile, efficace, performant, heureux) de son inscription dans la dynamique de production et de consommation (manque de moyen de subsistance dans un univers de consommation). Son analyse porte sur les dimensions sociales et politiques de la vulnérabilité en essayant d’identifier les conditions de cette vulnérabilité, ses modalités passées et présentes et les défis qu’elle pose dans une société globalisée. Plusieurs concepts clés permettent de saisir le sens de l’ouvrage. Les sociétés contemporaines contrastent avec les sociétés modernes telles que définies par les Lumières. La société moderne est exactement le contraire de la société contemporaine occidentale selon l’ouvrage. Le concept d’autodétermination et d’autonomie mis de l’avant par la société contemporaine détruit la possibilité du vivre-ensemble à cause de l’esprit de compétition qu’il charrie et donc empêche de bâtir le bien commun auquel le politique se réfèrerait comme gestionnaire. Ce serait selon nous une sorte de perversion de l’idéal des Lumières. Le deuxième axe (axe sociopolitique) de l’ouvrage porte sur le principe de la responsabilisation du sujet et tente de déconstruire cette responsabilisation. En effet, c’est un ouvrage qui dans son ensemble permet d’identifier l’idéologie individualiste des sociétés occidentales contemporaines et, conséquemment, ouvre la voie à la déconstruction de ce mode de régulation sociale porteur de vulnérabilité. Par ailleurs, il convient de noter que des auteurs comme Shirley délaissent le terrain de la pauvreté comme moyen pour expliquer la vulnérabilité. Christopher McAll quant à lui l’investit par des exemples pratiques issus de recherches empiriques tout en identifiant le processus inscrit dans les rapports sociaux, le résultat et le mécanisme de production de cette pauvreté. Toutefois, il est nécessaire de souligner que le pauvre est certes vulnérable, mais la vulnérabilité n’est pas nécessairement synonyme de pauvreté. En effet, le propos de l’ouvrage dans son ensemble semble porte sur le fait que la vulnérabilité ne peut se réduire à la notion de pauvreté. En outre, la vulnérabilité ne peut se comprendre en dehors de la notion d’exclusion sociale qui constitue le cadre théorique et méthodologique de départ permettant d’interroger les rapports sociaux. C’est la thèse de Shirley Roy qui refuse de s’enfermer dans une discussion sur le concept pour explorer les enjeux théoriques sous-jacents aux tentatives d’explication de l’exclusion en se rattachant aux rapports sociaux à l’oeuvre dans les sociétés contemporaines. Elle veut identifier l’éclairage qu’apportent ces enjeux à la compréhension du phénomène et propose une démarche méthodologique axée sur la complexité, l’interdisciplinarité et la triangulation des méthodes pour mieux cerner la problématique. Pour cette auteure, il faut partir de la notion d’exclusion sociale pour comprendre celle de la vulnérabilité. Elle semble donc prendre le contrepied de la réflexion de McAll. Dans sa comparaison entre les sociétés contemporaines telles que vécues et les sociétés modernes telles qu’imaginées, Fecteau fait ressortir la perversion du concept de liberté issue de la …

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