Avant-propos

Articuler l’individuel et le social[Notice]

  • Audrey Gonin

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  • Audrey Gonin
    École de travail social, Université du Québec à Montréal

Ce numéro de Nouvelles pratiques sociales est, une fois de plus, très riche sur le plan de ses contenus. Le dossier thématique de ce numéro, consacré à l’intersectionnalité, est particulièrement volumineux puisqu’il comprend 12 articles. Dans ce contexte, la rubrique Perspectives ne comprend qu’un seul texte, de manière exceptionnelle, et nous avons également reporté la publication de l’article gagnant du concours étudiant de l’année 2014. Le texte de Dany Boulanger, lauréat du concours, sera donc publié dans le prochain numéro de la revue. Par contre, nous avons pu adjoindre à ce numéro deux échos de pratiques, qui entrent en résonance avec le dossier thématique, car ils rendent compte de pratiques basées sur un cadre d’analyse intersectionnel. Le numéro comprend également une note de recherche portant sur le statut de la recherche en travail social. Un fil conducteur unit la plupart des textes de ce numéro, qui analysent sous différents angles l’articulation des niveaux individuel et social. Entre individualisme méthodologique et déterminisme social des conduites, plusieurs auteur.e.s développent des perspectives qui permettent d’intégrer des dimensions subjectives, d’une part, et matérielles ou structurelles d’autre part. Les interrelations entre ces dimensions peuvent ainsi être explorées, identifiées et analysées, ce qui ouvre des pistes stimulantes pour la recherche et l’action dans le champ du travail social. Le dossier de ce numéro est intitulé « Intersectionnalité : regards théoriques et usages en recherche et en intervention féministes ». La présentation du dossier rédigée par ses deux responsables, Elizabeth Harper, professeure à l’École de travail social de l’UQAM, et Lyne Kurtzman, agente de développement du Service aux collectivités de l’UQAM, permet tout d’abord de situer l’émergence et le développement du concept d’intersectionnalité, ainsi que ses ancrages sociaux et théoriques. Ensuite, leur texte identifie les enjeux qui caractérisent actuellement le champ de l’intersectionnalité. La diversité des concepts mobilisés par les auteur.e.s s’inscrivant dans ce paradigme, mais aussi des usages de la notion, des significations qui lui sont accordées et des perspectives théoriques avec lesquelles elle est articulée, sont autant d’éléments pouvant générer une imprécision ou une ambiguïté de ce cadre d’analyse. Toutefois, le grand nombre de recherches et de pratiques mobilisant le concept d’intersectionnalité dans les dernières années amène à considérer sa pertinence et sa fécondité pour l’analyse des processus de (re)production des inégalités sociales, des discriminations, tout comme des rapports sociaux asymétriques s’exprimant aux niveaux méso ou microsocial (violences, enjeux de pouvoir…). Les textes réunis dans ce dossier permettent d’opérer des clarifications théoriques, tout en discutant des points faisant actuellement l’objet de débats. Par ailleurs, ils illustrent différents usages de l’intersectionnalité, ceux-ci contribuant à éclairer les spécificités et les potentialités de ce cadre d’analyse. Nous publions dans ce numéro une entrevue que Marjolaine Goudreau, du RÉCIFS (Regroupement, échanges, concertation des intervenantes et des formatrices en social), a réalisée avec Vincent de Gaulejac, professeur de sociologie à l’Université Paris – Diderot. Intitulée « Le travail social à l’épreuve de l’idéologie managériale », cette entrevue discute certains des enjeux soulevés dans le champ du travail social par le développement de la nouvelle gestion publique. Vincent de Gaulejac y partage notamment son analyse au sujet de l'écart existant entre les finalités que les intervenant.e.s sociaux donnent à leurs interventions, d’une part, et d’autre part une logique organisationnelle par laquelle les objectifs sont définis de manière quantitative. En ce sens, le sociologue dénonce la « quantophrénie » (la maladie de la mesure), qui repose sur la prémisse selon laquelle seuls les chiffres seraient susceptibles de décrire la réalité. Selon de Gaulejac, ce phénomène est plus fondamentalement inscrit dans le cadre d’un renversement anthropologique conduisant à envisager les êtres humains comme …