Corps de l’article

L’an prochain, Nouvelles pratiques sociales célébrera son 30e anniversaire. Cet événement se produira cependant dans un contexte qui a profondément changé si on le compare à celui de 1988, moment de la fondation de la revue, ou même à celui de l’automne 2008 où nous organisions le colloque qui soulignait nos vingt premières années d’existence.

Nous avons déjà fait état dans ces pages de l’évolution rapide du monde de la publication scientifique au Québec dans le contexte du passage au numérique. Nous assistons, entre autres choses, à un rapprochement de plus en plus organique entre le Fonds de recherche du Québec — société et culture (FRQSC) et Érudit avec l’objectif de consolider autour de cette plate-forme d’édition électronique l’ensemble des activités de publication scientifique en français. Cette consolidation a comme objectif principal d’assurer la pérennité d’une édition francophone académique dans un contexte global où un petit nombre de maisons d’édition internationales (Sage, Elsevier, Springer et autres) contrôlent la publication d’un nombre grandissant de revues. Le soutien financier aux revues scientifiques reste incertain pour les prochaines années. Tant le CRSH que le FRQSC ont retardé le prochain concours de soutien aux revues scientifiques à l’année 2019-2020. Les contributions directes des universités à la survie des revues ont, à toutes fins pratiques, disparu, l’ensemble des oeufs se retrouvant dans le panier FRQSC/Érudit/Bibliothèques. Les revenus d’abonnement ont disparu et ne seront que marginalement remplacés par l’achat de droits d’accès numériques.

Malgré tout, la santé financière de la revue reste bonne. À l’automne 2017, le FQRSC a décidé d’octroyer un financement supplémentaire aux revues qui avaient été recommandées mais non financées lors du dernier concours. Sur trois années (2016-2017, 2017-2018 et 2018-2019), nous avons obtenu un financement total de 50 000 $. De plus, le fonds assure désormais le paiement direct auprès d’Érudit des frais de numérisation et de mise en ligne des articles. Avec les réserves accumulées, nous pourrions poursuivre la publication de la revue sans nouvel apport de fonds pour les cinq prochaines années.

De la finalité de Nouvelles pratiques sociales

Même si la revue reste capable de maintenir ses activités de publication, cela reste insuffisant. Dès le moment de sa fondation, Nouvelles pratiques sociales a voulu être beaucoup plus qu’un simple canal de publication de recherches académiques sur l’intervention et sur son renouvellement. En retournant à quelques textes publiés par d’anciens directeurs de la revue, il est possible de voir que la création, le maintien et l’enrichissement de liens solides entre le milieu académique et le monde de la pratique de l’intervention s’imposaient comme essentiels dès le départ. « … dans le domaine du travail social, l’enseignement et la recherche de qualité doivent constamment être alimentés et testés par des interactions avec des ressources enracinées dans les milieux de pratiques. » (Vaillancourt, 1988, p. 3) Que cette création de liens doit permettre la participation des intervenants et des destinataires de services à la définition même de ce que doit être l’intervention.

Ces perspectives scientifiques pèsent déjà lourdement […] Mais, en plus de minorer la participation politique des intervenants eux-mêmes et des citoyens et citoyennes à la définition collective de leurs problèmes de même qu’à l’élaboration des pratiques d’intervention qui leur sont destinées, ces perspectives tendent à nier l’existence de contradictions et de conflits dans le social.

Parazelli, 2004, p. 3

Que finalement, la démocratie devienne le socle incontournable de toute pratique d’intervention. « Comment se manifeste l’idéal démocratique dans les pratiques d’intervention et d’action sociales ? » (Rhéaume, 2009, p. 1)

Cependant, nous devons reconnaître que cette mission d’animation du monde de la recherche et de l’intervention devient de plus en plus difficile à réaliser. Devant des pressions, réelles ou ressenties, de la part des organismes subventionnaires et devant les difficultés à réaliser concrètement le projet plus large de la revue, il faut constater qu’une priorisation de la publication de textes de nature plus académique s’est peut-être produite.

Des difficultés actuelles

Comme revue, Nouvelles pratiques sociales ne peut s’extraire d’un contexte social plus large, pas plus qu’elle ne peut l’ignorer.

Nous faisons face à un problème majeur au niveau du renouvellement de l’équipe de direction de la revue qui est actuellement composée de professeurs et de professeures qui ont déjà contribué de manière importante à la vie de la revue et qui aimeraient passer à autre chose et de jeunes professeurs en début de carrière. Au cours des dernières années, de nombreux appels ont été faits à l’assemblée des professeurs de l’École de travail social de l’UQAM afin de trouver de nouvelles personnes. Certains ont également été sollicités sur une base individuelle. Le tout reste cependant et jusqu’à maintenant sans succès. Ceci n’est pas étranger aux pressions de plus en plus fortes que les nouvelles et nouveaux professeurs subissent afin de développer une carrière professorale de plus en plus axée sur les activités de recherche qui sont jugées plus « rentables » pour les universités. Sans être formellement découragée, l’implication dans des activités à caractère plus collectif, comme l’engagement dans une revue, est vue comme de plus en plus difficile à susciter et à maintenir.

Nous constatons également depuis quelque temps que le nombre de personnes qui participent aux rencontres du comité de rédaction demeure faible, particulièrement du côté des personnes provenant des milieux de pratique et des régions. Le contraste est frappant si l’on se souvient de rencontres du comité de rédaction du début des années 2000 où il n’était pas inhabituel de voir un nouvel appel de contributions discuté et commenté par plus d’une quarantaine de personnes. Les nouvelles technologies, la possibilité de participer virtuellement aux rencontres n’ont pas permis de renverser cette tendance. L’idée même d’engagement collectif ou social s’est profondément transformée au cours des dernières années. Cet engagement est toujours recherché et demeure porteur de sens mais il s’accomplit maintenant dans des projets plus spécifiques, plus ponctuels en lien avec les intérêts plus immédiats de la personne ou même en lien avec son identité. À cause de son caractère général et de ses liens avec la gestion quotidienne de la revue, la forme d’implication demandée aux membres du comité de rédaction ne permet possiblement plus l’animation d’un débat et la création de liens entre milieux académiques et d’intervention.

Nous assistons parallèlement à une modification profonde des pratiques de lecture de textes scientifiques ou académiques. Dans un contexte où les personnes n’ont même plus un objet physique à manipuler et avec la multiplication des accès numériques aux contenus, la lecture est désormais orientée vers la recherche de publications directement liées à un intérêt de recherche ou d’intervention immédiat. Ces pratiques prennent alors le pas sur la lecture semestrielle d’une revue. Le projet d’animation d’un milieu, d’organisation d’un débat, de réflexion large et continue et de développement de partenariats entre milieux universitaires et lieux de pratique qui est le propre de la mission d’une revue comme Nouvelles pratiques sociales est possiblement en bonne partie incompatible avec une forme dématérialisée de la revue. Le monde numérique offre d’autres formes possibles d’animation d’un milieu, que ce soit par le moyen de blogues ou par les réseaux sociaux, mais de telles activités demandent à la fois des énergies importantes et différentes de celles qui sont actuellement disponibles.

Quelques pistes pour l’avenir

Sans entreprendre une démarche qui s’étendra sur quelques années, le comité de rédaction a débuté, lors de sa dernière rencontre, l’examen des pratiques démocratiques développées par la revue au cours des dernières années, particulièrement en lien avec les objectifs que nous avions adoptés et les résultats obtenus. Les pistes suivantes ont alors été dégagées et devraient se concrétiser au cours des prochains mois.

Premièrement, nous voulons travailler à une augmentation importante de la place faite dans la revue aux contributions en provenance des milieux de pratique. La revue dispose déjà d’un espace ouvert à de telles contributions. Il s’agit de la rubrique Échos de pratique. Nous voulons nous engager dans des efforts de sollicitation constants auprès des intervenantes et des intervenants afin de permettre à leurs expériences, à leurs innovations et à leurs points de vue d’être mieux connus. Ces efforts de sollicitation resteront cependant vains sans support à l’écriture. Nous allons donc travailler à mettre en place des mesures concrètes afin de faciliter l’écriture (conseils, implication d’étudiantes et d’étudiants des cycles supérieurs, lecture, commentaires et édition). Les efforts de sollicitation des milieux de pratique seront également organisés autour du thème propre à chaque numéro de la revue avec comme objectif ultime de produire des dossiers thématiques qui donneront une place comparable aux contributions des intervenants et des chercheurs.

Deuxièmement, dans le but de renforcer les liens entre milieux universitaires et de pratique et afin de continuer à travailler au renouvellement démocratique des pratiques d’intervention sociale, nous voulons développer différents mécanismes qui permettraient les échanges autour de la préparation et de la publication de chaque dossier thématique. Nous pensons, par exemple, à l’organisation de conférences, de mini-colloques ou de webinaires autour du lancement des appels à contributions de chaque numéro ou bien au moment de la publication de celui-ci.

Finalement, nous voulons revoir la composition du comité de rédaction afin d’en dynamiser le fonctionnement. Le comité de rédaction est actuellement composé de 35 personnes (18 représentants des universités et milieux de pratique, sept membres de l’exécutif, neuf membres internationaux et un membre fondateur). Nous voulons mettre en place un modèle différent, plus léger. Nous pensons à un comité de rédaction à géométrie variable et qui serait composé de l’exécutif actuel auquel se joindraient, le temps de leur implication, les personnes responsables des dossiers thématiques en cours. Nous conserverions alors un comité plus large (orientation, scientifique, réflexion) qui se réunirait moins souvent.

Le comité de rédaction poursuivra le travail sur cette question à l’automne et les changements dans le contenu et la forme de la revue devraient commencer à être visibles dès l’an prochain.

* * * * *

Dans ce numéro, nous présentons un substantiel dossier thématique préparé par Audrey Gonin, Yanick Farmer et Sylvie Jochems qui porte sur l’éthique dans le champ de l’intervention sociale et de la santé. L’entrevue, réalisée par Catherine Chesnay, s’intéresse aux enjeux liés aux pratiques dans les services d’injection supervisée. Nous présentons également cinq articles dans la rubrique Perspectives, des Notes de recherche sur les relations entre chercheurs et partenaires du monde de la pratique et finalement, un Écho de pratique sur l’utilisation du jeu de rôle dans une intervention de sensibilisation et de transfert de connaissances.

Le dossier thématique

Audrey Gonin, Sylvie Jochems, toutes deux professeures à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal, et Yanick Farmer, professeur au département de communication sociale et publique de l’UQAM ont travaillé à la préparation et à la publication du dossier thématique intitulé Éthique et pratiques dans le champ de l’intervention sociale et de la santé : nouveaux enjeux, nouveaux contextes. Ce dossier compte neuf articles en plus d’un texte de présentation rédigé par les personnes responsables de sa préparation.

L’accélération des transformations sociales, qu’elles soient d’ordre technologique, culturel ou social, conduit à l’émergence et à la mise en perspective de questions éthiques nouvelles. Ces transformations remettent en question l’ensemble des modes de régulation sociale, particulièrement au niveau du droit. De leur côté, les intervenants sociaux, qui oeuvrent souvent dans des contextes mal balisés et caractérisés par l’incertitude, font face de manière quotidienne à ces nouveaux enjeux éthiques. Quels sont donc les défis et les opportunités, sur les plans de l’éthique et de l’intervention, qui sont liés à ces transformations sociales ? Les différents articles du dossier explorent l’ensemble de ces questions en s’intéressant dans un premier temps aux questions éthiques liées à l’intervention : le défi éthique de la reconnaissance et le développement d’approches « transaffirmatives », les impacts de la participation sur le développement des compétences citoyennes, l’éthique de la reconnaissance et le vieillissement, le lien entre les enjeux éthiques de l’intervention en protection de la jeunesse et les nouvelles technologies de communication et la double contrainte entre engagement et mandat organisationnel vécue par les intervenants. Dans un second temps, quelques articles à portée plus théorique examinent des enjeux plus larges comme la complexité des sociétés plurimoralistes et le rôle d’arbitrage de l’éthique, la portée éthique des pratiques de réflexivité en intervention, la montée en puissance de l’empowerment comme visée éthique du soin et les enjeux infrapolitiques et biopolitiques ainsi que la prise en charge des questions éthiques dans le champ de la santé.

L’entrevue

Réalisée par Catherine Chesnay, professeure à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal, l’entrevue présente le contenu d’une rencontre avec Carole Morissette, médecin et chef médical au secteur prévention et contrôle des maladies infectieuses du CIUSSS du Centre-Sud de l’Île de Montréal. Cette conversation fascinante permet de connaître et de comprendre quelques-uns des principaux enjeux qui sont liés à l’implantation sur le territoire montréalais de services d’injection supervisée (SIS). Ces services sont définis largement comme des endroits où les personnes qui font usage de drogues par injection peuvent, dans un contexte sécuritaire et sous la supervision d’un personnel qualifié, s’injecter ces drogues. De tels services existent, sous des formes différentes, dans de nombreux pays, et ce, depuis le milieu des années 80. La situation montréalaise est caractérisée par la présence d’utilisateurs de drogues injectables bien au-delà des limites du centre-ville, dans des quartiers comme Hochelaga-Maisonneuve ou le Centre-Sud. Ceci a conduit à l’implantation progressive de différentes initiatives comme le travail de rue, les sites de distribution de matériel stérile et le développement de liens avec la communauté d’utilisateurs. Les SIS viennent compléter cet éventail de services. La définition de pratiques et d’actes professionnels qui sont mis en action dans les SIS et particulièrement des limites de ces pratiques n’est pas chose facile. Considérons, par exemple, quelles actions peuvent être posées par une infirmière au moment même où l’utilisateur s’injecte la drogue. Doit-on limiter cette action à de simples conseils sur la manière de procéder ? Apporter une aide plus directe en aidant l’utilisateur à choisir ou trouver la veine qui servira à l’injection ? Le développement de ces pratiques a fortement été encadré par les interventions de Santé Canada, par le cadre législatif, par l’avis du Collège des médecins et de l’Ordre professionnel des infirmières mais également par les protocoles mis en place dans d’autres SIS (par exemple celui de Insite à Vancouver) et par la contribution d’intervenants communautaires et de pairs. L’entrevue se conclut par l’examen des enjeux d’acceptabilité sociale et par un échange sur le rôle que pourront jouer les SIS dans la crise des opioïdes qui frappe à nos portes.

Les articles en perspectives

Résultat d’une collaboration entre Marie-Michèle Lord, candidate au doctorat en sciences biomédicales à l’UQTR, Pierre-Yves Therriault, Lyne Desrosiers, Ginette Aubin, tous du département d’ergothérapie de l’UQTR et Hélène Carbonneau, du département d’études en loisir, culture et tourisme de la même université, le texte Innovation et travail : quels enjeux pour les intervenants sociaux du secteur de la santé et des services sociaux propose une réflexion sur les enjeux et les effets de l’implantation d’innovations dans un service de soutien à domicile sur les intervenants qui y travaillent ainsi que sur leurs sources de plaisir et de souffrance au travail. Suite à l’implantation d’une nouvelle approche pour des clientèles qui présentent un problème d’Alzheimer, quatre entretiens de groupe ont été réalisés avec des intervenants qui ont vécu le changement. Les résultats de la recherche font état de sources de plaisir au travail qui sont liées par les intervenants à la reconnaissance de leur travail et de leur personne, à l’autonomie dans l’organisation du travail et à l’appartenance à un groupe. À l’opposé, la souffrance vécue est associée à l’incapacité de rencontrer les exigences fixées et à l’isolement vécu dans le travail. En conclusion, les auteurs rappellent l’importance d’étudier les impacts de l’innovation sur le travail et la santé des travailleurs.

C’est à travers l’étude détaillée de 230 dossiers traités dans le district judiciaire de Montréal en 2009 que Marcelo Otero, professeur au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal explore le mode des autorisations judiciaires de soins dans le texte intitulé Traiter les intraitables : l’univers des autorisations judiciaires de soins à Montréal. Devant des situations personnelles complexes, tant le droit que la psychiatrie procèdent à ce que l’auteur nomme une réduction phénoménologique qui a pour effet de transformer cette situation en une catégorie technique en permettant le traitement juridique ou médical. Le processus d’obtention d’une autorisation judiciaire de soins devient le théâtre de cette transformation. L’article décrit le fonctionnement des audiences devant le juge (durée, présence et représentation des personnes, expertises et contre-expertises, délais, taux d’acceptation), les caractéristiques des personnes visées (âge, sexe, lieu de résidence, état civil, territoire socio-économique), les difficultés dans la vie des personnes (types de difficultés, comportements problématiques) et s’intéresse finalement aux diagnostics, symptômes et traitements. L’article se termine en revenant sur le déséquilibre des ressources disponibles lors des audiences pour chacune des parties et sur l’absence presque absolue de traitements alternatifs et complémentaires dans les décisions du tribunal.

Pierre Artois de l’Institut de sociologie de l’Université libre de Bruxelles est l’auteur d’un article intitulé Les pratiques évaluatives et leurs effets dans l’intervention sociale. L’importance grandissante donnée aux pratiques d’évaluation dans le domaine de l’intervention sociale et surtout la nouvelle rationalité associée à ces pratiques ne peut faire l’économie de l’examen des effets de ces pratiques sur l’intervention, sur les intervenants et sur les destinataires de services. L’évaluation de situations sociales reste, pour l’essentiel, un exercice de comparaison et de classification des personnes en lien avec une série de critères. Cependant, l’importance donnée au cours des dernières années à des critères d’évaluation basés sur la rationalisation des coûts, sur la mesure chiffrée des résultats de l’action et sur l’attention portée à des actes générant un caractère performant transforme profondément l’intervention et les organisations. L’article explore ces enjeux dans le secteur de l’insertion professionnelle en région bruxelloise. L’analyse est menée au niveau méso, celui des organisations et des services en s’intéressant aux changements dans la nature des services et dans l’organisation du travail, changements qui induisent des conséquences réelles sur les destinataires de l’intervention. Au niveau micro, l’auteur examine la souffrance des intervenants face aux choix quotidiens qu’ils doivent faire entre la qualité des services et le respect des normes liées à l’évaluation.

Docteur en anthropologie, Eduardo Gonzáles Castillo est chercheur associé à la Chaire de recherche du Canada sur l’évaluation des actions publiques à l’égard des jeunes et des populations vulnérables (CRÉVAJ) et professeur adjoint au département de criminologie de l’Université d’Ottawa. Dans un texte intitulé Le travail de rue et l’environnement social des jeunes, il explore la manière dont les pratiques de proximité, habituellement associées au travail de rue, s’insèrent dans l’environnement social des jeunes. En s’appuyant sur les résultats d’une recherche menée auprès de jeunes et de travailleurs de rue de l’arrondissement de Montréal-Nord, l’auteur remet en question l’idée que les jeunes de la rue vivent dans une situation de rupture sociale complète qui les place dans une situation jugée à risque. Or, malgré les difficultés évidentes dans leurs rapports avec différentes institutions et instances publiques, il faut aussi constater que leur proche entourage est souvent composé de rapports sociaux (famille, pairs) qui demeurent actifs même dans le contexte de la rue. Après une description sommaire du travail de rue et des caractéristiques du programme de travail de rue qui agit à Montréal-Nord, l’article présente les résultats de la recherche sur la situation des jeunes. La discussion qui s’en suit explore quelques interventions qui s’articulent autour d’une intervention différenciée selon le genre, sur la médiation des relations avec la famille et sur l’intervention au sein des groupes de jeunes afin d’organiser quelques activités ou bien apporter une solution aux conflits.

Le succès de l’implantation de mécanismes d’intervention auprès des communautés locales, particulièrement dans le domaine de la santé publique, suppose le développement de connaissances sur ces communautés et surtout, leur implication et leur participation dans le développement de ces connaissances. Ultimement, le développement de ces connaissances devrait avoir un impact sur le développement des communautés. Dans un texte intitulé La caractéristique des communautés locales : quand la santé publique se fait actrice du développement, Paule Simard, chercheure à l’Institut national de santé publique du Québec, Clara Benazera, contractuelle à l’Institut, Ginette Boyer, de l’Université de Montréal et coordonnatrice de la chaire de recherche du Canada sur les approches communautaires et inégalités de santé et Martin Charland, agent de planification, de programmation et de recherche à l’Institut présentent une évaluation des effets de l’utilisation d’un dispositif participatif de caractérisation des communautés sur le développement de celles-ci. Cette recherche évaluative, menée dans trois régions du Québec, utilise les principes d’action du dispositif ainsi que ses différentes étapes d’action afin d’en dégager les effets. Les résultats font état de la création d’espaces de concertation dans les communautés, de l’émergence d’actions intersectorielles, de l’acquisition de nouvelles compétences chez les participants et discute des effets du dispositif sur la participation citoyenne. Les auteurs discutent ensuite des principaux défis qui restent à surmonter dans le travail auprès des communautés locales.

Notes de recherche

Sous la forme de notes de recherche et dans un texte intitulé Proposition d’un cadre conceptuel illustrant trois dimensions des relations entre chercheurs et partenaires de la pratique, Mathieu-Joël Gervais, François Chagnon et Nathalie Houlfort, respectivement doctorant, professeur retraité et professeure associée au département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal, présentent les usages possibles de la théorie du capital social pour explorer la construction des relations entre les mondes de la recherche et de la pratique. L’article présente tout d’abord, à partir du cadre théorique choisi, les trois dimensions d’étude de ces relations. Il s’agit des dimensions structurelles (la présence de mécanismes formalisés d’échange entre chercheurs et praticiens), relationnelles (la qualité des relations et des échanges entre les personnes) et cognitives (l’existence de cadres de référence partagés entre les différents acteurs). Les auteurs posent ensuite quelques hypothèses sur la manière dont ces trois dimensions ont un effet sur l’utilisation dans l’intervention des connaissances produites par la recherche. Finalement, en discussion, le texte établit la nécessité de porter une attention particulière aux aspects relationnels et cognitifs de la relation entre chercheurs et praticiens, trop souvent laissés de côté, et d’étudier cette relation sous l’angle d’une ressource qui se construit progressivement.

Écho de pratique

Dans le mode de l’intervention, le jeu de rôle reste une méthode pédagogique et un moyen d’apprentissage qui est fréquemment utilisé. Il l’est habituellement dans une perspective thérapeutique ou bien pour permettre l’acquisition ou la transformation des manières d’assumer une fonction professionnelle. La contribution présentée dans ce numéro, qui s’intitule Le jeu de rôle comme outil de sensibilisation et de transfert de connaissance : le cas de l’insalubrité résidentielle, explore l’utilisation du jeu de rôle dans un contexte où il s’avère nécessaire de développer une collaboration intersectorielle entre différents intervenants. Le texte a été préparé par Sandy Torres, détentrice d’un doctorat en sociologie et qui poursuit des activités de recherche sur une base autonome et par Maude-Amie Tremblay, qui a agi comme coordonnatrice du projet Ensemble et bien logé et travaille comme conseillère au CIUSSS de la Mauricie et du centre du Québec. Alors que l’action contre l’insalubrité résidentielle constitue un enjeu d’importance pour travailler à l’amélioration des conditions de logement des personnes en situation d’exclusion sociale et de pauvreté, il est possible de constater l’existence de zones grises où aucun intervenant ne considère que son organisation devrait prendre l’initiative. Des logiques d’intervention et d’action différentes entrent dans une compétition qui a pour effet de laisser plusieurs personnes dans des conditions difficiles. L’article présente les résultats d’une intervention faite auprès d’intervenants du secteur municipal, du milieu communautaire, du réseau de la santé et du monde municipal, intervention basée sur l’utilisation du jeu de rôle afin d’améliorer la collaboration intersectorielle dans le domaine.

Bonne lecture !