Le dossier : L’action communautaire : quelle autonomie ? Pour qui ?

L’action communautaire : quelle autonomie pour ses destinataires ?Présentation du dossier[Notice]

  • Louis Gaudreau,
  • Michel Parazelli et
  • Audréanne Campeau

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  • Louis Gaudreau
    Professeur-chercheur, École de travail social, Université du Québec à Montréal

  • Michel Parazelli
    Professeur-chercheur, École de travail social, Université du Québec à Montréal

  • Audréanne Campeau
    Étudiante à la maîtrise et adjointe de recherche, École de travail social, Université du Québec à Montréal
    campeau.audreanne@courrier.uqam.ca

L’autonomie est un principe fondamental de l’action communautaire qui se décline sous deux formes étroitement liées. La première se rapporte aux organisations qui sont les moteurs de cette action (les organismes communautaires) et qui, pour mener à bien leur mission, doivent disposer des moyens de définir eux-mêmes leurs orientations et activités. La seconde renvoie aux individus et collectivités visés par l’action communautaire qui trouvent dans la relative liberté dont jouissent les organismes communautaires la possibilité de faire entendre leur voix, d’exercer un plus grand contrôle sur leurs conditions d’existence et donc, de mener une vie plus autonome. Le principe d’autonomie et son affirmation ont joué un rôle structurant dans l’histoire du mouvement communautaire québécois. On le retrouve formulé de manière implicite dans le projet social porté par les premiers comités de citoyens et groupes populaires qui ont vu le jour au cours des décennies 1960 et 1970. Ces initiatives visaient à regrouper des individus d’une même communauté (paroisse, quartier, village) afin qu’ils prennent part activement et collectivement à son développement. En s’appuyant sur des stratégies diverses — la participation pour les comités de citoyens (Garneau, 2011) et l’éveil de la conscience et de l’action politiques pour les groupes populaires (Doré, 1985) —, ces associations avaient en commun d’offrir aux individus des espaces de réflexion et de prise de parole grâce auxquels ils pourraient développer une capacité d’action autonome. Dès la fin des années 1970, l’idéal d’autonomie a ensuite accompagné la mutation de ces associations en groupes professionnalisés et spécialisés, aujourd’hui appelés « organismes communautaires », qui connaîtront un essor important (Lamoureux et al., 2008). À partir du moment où ces organismes se tourneront vers l’État pour obtenir du financement, l’autonomie acquerra un nouveau statut. En plus d’être un principe central de leurs interventions auprès de la population, elle en deviendra également une revendication, c’est-à-dire une demande adressée à l’État afin que les programmes de financement public qui leur sont destinés respectent leur mission et leurs manières de faire. Dès lors, la question de l’autonomie de l’action communautaire sera indissociable du rapport que les organismes entretiennent avec l’État et de leur degré d’indépendance à l’égard des orientations que ce dernier souhaite donner aux politiques publiques. La revendication d’autonomie gagnera par la suite en importance dans un contexte de crise économique et de remise en question de l’État providence. Le gouvernement québécois cherchera alors à déléguer aux organismes communautaires la prise en charge de services à la population et par conséquent à interférer dans le choix de leurs orientations et activités. C’est notamment dans ce contexte que la toute première coalition provinciale de regroupements d’organismes communautaires verra le jour (Coalition des organismes communautaires du Québec (COCQ), 1988 ; Parazelli, 1994). L’enjeu de l’autonomie sera d’ailleurs au coeur d’importantes campagnes initiées par le mouvement communautaire dans les années 1990 et qui mèneront à l’adoption en 2001 d’une politique de reconnaissance et de soutien de l’action communautaire intitulée L’action communautaire : une contribution essentielle à l’exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec. En faisant de l’autonomie de l’action communautaire l’objet d’une politique publique à part entière, l’État québécois affirmait ainsi l’importance, pour son propre développement et celui de la société québécoise, d’organismes enracinés dans leur communauté, dotés d’instances démocratiques et libres de déterminer leur mission et leurs pratiques (Parazelli, 1994, p. 21). En dépit des grands espoirs suscités par son adoption, la politique est encore source de tensions et déceptions. Le mouvement communautaire reproche notamment aux différents ministères responsables du financement des organismes de ne pas accorder autant d’importance à cette politique qu’à leurs propres priorités, c’est-à-dire de préférer …

Parties annexes