Compte rendu

Construire le rapport théorie-pratique : expériences de formatrices et formateurs dans une haute école de travail social, sous la direction de Sylvie Mezzena et Nicolas Kramer, IES éditions, 176 p.[Notice]

  • Krystof Beaucaire

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Composé de six articles de divers membres du corps enseignant de la Haute École de travail social de Genève (HES-SO/Genève), Construire le rapport théorie-pratique n’est pas animé par une conception unitaire ni normative de ce qui devrait constituer un tel rapport. Plutôt, c’est dans le contexte d’un retour sur leurs approches pédagogiques que chaque auteur.e développe à sa manière à la fois une conception singulière des liens unissant théorie et pratique ainsi qu’une réflexion sur les méthodes de transmission de tels enjeux auprès des étudiant.e.s. De fait, tout au long de l’ouvrage, c’est autant à des théoricien.ne.s qu’à des pédagogues d’expérience que nous avons affaire. C’est donc au fil de dialogues internes, venant combiner réflexivement expérience concrète et théorisation, que se construisent six parcours, d’abord singuliers, mais toujours aussi en relation avec leurs homologues. La suite de cette recension tâchera de résumer brièvement ces parcours, composant chacun un chapitre de l’ouvrage. L’introduction, de Mezzena et Kramer (dirigeant l’ouvrage), vise d’abord à contextualiser de façon plus théorique les avenues pédagogiques abordant le rapport entre théorie et pratique, de manière à révéler dans quelle mesure ce dernier peut concrètement se manifester. L’enjeu principal est celui de l’élaboration d’une théorie pouvant renvoyer à (et faire parler) la pratique, puis de sa mobilisation dans le domaine de l’enseignement. En effet, la distance qui existe entre le milieu professionnel et le domaine de la recherche complexifie la théorisation de l’expérience pratique, rendant plus difficile son appréhension par les futur.e.s professionnel.le.s. S’il n’est pas question de proposer une théorie pouvant s’appliquer parfaitement à toute situation, il n’est pas non plus question d’abolir le potentiel de la théorie, par exemple par une essentialisation « présentant la personnalité des professionnel.le.s comme étant au coeur du savoir-faire » (p. 19). Plutôt, il conviendrait de parler d’une « pratique truffée d’idée » (p. 32). Renvoyant ainsi aux auteurs du pragmatisme américain, James et Dewey, Mezzena et Kramer proposent plutôt la nécessité d’appréhender le rapport entre théorie et pratique comme une co-construction, l’expérience étant à même de produire son lot de connaissances, puis d’informer à nouveau la pratique. Inversement, plutôt que d’indiquer systématiquement une marche à suivre, la connaissance issue de la théorie servirait plutôt à donner des orientations à l’action. La défense d’un rapport dialectique entre théorie et pratique donnera le ton aux textes suivants, marquant l’importance de ne pas tomber dans un effacement de l’un au profit de l’autre. Le premier chapitre, de Kim Stroumza, entame plus concrètement l’ouvrage avec un retour sur un séminaire par lequel doivent passer les étudiant.e.s du bachelor de travail social. Exposé.e.s à un entretien entre une assistante sociale et une jeune femme, ces dernier.ère.s sont ensuite invité.e.s à en faire une analyse critique. De fait, nous est présenté leur parcours intellectuel, théorisé en première partie de l’article, alors que chacun.e est appelé.e à non seulement réfléchir à différentes manières d’approcher la situation présentée, mais également à mettre concrètement en pratique ses idées. S’effectue alors un double travail, d’abord d’interprétation, puis d’expérienciation (p. 52) donnant vie, au sein d’un contexte scolaire plus théorique, à la constitution d’expériences véritables. Dans « L’étudiant.e à la recherche d’une différence qui crée sa différence », Antonio Testini fait état d’une pratique visant à exposer les étudiant.e.s à leur propre parcours dans une démarche autoréflexive. Notons que celle-ci vise bien plus qu’un simple retour descriptif. Dans la perspective où « les professionnel.le.s n’accomplissent pas une tâche en se conformant à une forme prédéfinie mais, tout en étant en prise directe avec les événements » (p. 80), Testini vise plutôt à mener l’étudiant.e, à travers un entretien individuel, à réfléchir …

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