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Introduction

Cet article s’appuie sur un projet de recherche participative amorcé en 2015, portant sur l’expertise québécoise en matière d’intervention en soutien au développement des communautés, nommée ici intervention collective. Celle-ci se définit comme 1. intervention salariée avec un groupe de personnes, une ou plusieurs associations, ou une collectivité de type territorial, identitaire ou d’intérêt ; 2. intervention pratiquée selon un processus par lequel ce groupe, cette association ou cette collectivité identifie des problèmes, mobilise des ressources et développe une action collective pour y répondre ; 3. intervention orientée vers la solidarité et la participation sociale au moyen de pratiques démocratiques (Comeau, Bourque et Lachapelle, 2018). Le projet visait à documenter une pratique complexe et peu codifiée, non définie et encadrée comme profession, faisant appel à une grande diversité de formations et d’expertises, et réalisée dans une grande variété de milieux de vie, d’organisations et de domaines d’intervention (Lachapelle, 2017). Par-delà la diversité de ces pratiques qu’au Québec et en France on qualifie parfois de « métiers du développement » (Robitaille, 2016), celles-ci ont comme objet commun d’intervention des problématiques de pauvreté et d’inégalités sociales et économiques vécues par des personnes, des groupes et des collectivités, abordées dans une approche de territoire vécu et favorisant des formes plus ou moins directes de participation citoyenne.

Réalisé grâce à un financement de la Fondation Lucie et André Chagnon, il s’est appuyé sur l’expérience terrain d’intervenant.e.s chevronné.e.s encore en emploi ou récemment retraité.e.s, qui ont contribué à des réalisations importantes dans leur pratique et ont accepté de nous les raconter. Ce faisant, ceux-ci s’engageaient aussi à se livrer à une démarche interactive sujets-chercheurs d’introspection et d’analyse critique, non seulement de leur pratique professionnelle mais aussi de leur histoire personnelle et familiale qui les y a menés. En faisant appel à l’expérience et à la réflexion critique de ces intervenant.e.s, nous présumions que, par-delà les modèles classiques reconnus en intervention collective, que nous pourrions qualifier de méta-modèles, les intervenant.e.s ont dans leur pratique expérimenté ou développé d’autres modèles peu connus ou reconnus, de plus ou moins grande portée, à mettre en valeur et à situer dans le vaste champ de l’intervention collective.

Nous avons ainsi pu réaliser 12 récits en co-production, constituant chacun une pièce majeure illustrant un cas singulier de pratique diffusé au fur et à mesure de leur production[1]. L’analyse transversale de ces 12 récits, de 70 à 109 pages chacun pour un total de plus de 1100 pages, constitue le rapport final de recherche. Par les connaissances ainsi générées, nous espérions pouvoir alimenter les programmes universitaires et contribuer à la formation de base des nouvelles générations d’intervenant.e.s collectives (majoritairement féminines), particulièrement celles qui ne peuvent compter sur un dispositif commun de transmission des savoirs expérientiels de cette pratique que permettait le mentorat individuel de pairs au sein de leur organisation et ou de communautés de pratiques dans leur secteur d’intervention. Les nombreux départs à la retraite et les profondes modifications aux conditions de pratique générées par les restructurations récentes des réseaux socio-sanitaire et scolaire et des organisations régionales et locales du développement limitent de tels transferts de savoirs à la jeune génération de praticien.ne.s. Toutes ces transformations organisationnelles ont non seulement affecté le soutien et l’encadrement de cette pratique professionnelle, mais aussi fragilisé sa reconnaissance au sein même du réseau de la santé et des services sociaux et autres institutions dédiées à l’action publique. À la suite des restructurations, certains gestionnaires, parfois profanes en la matière, se sont vu confier des équipes alors que les outils pour mieux comprendre cette pratique professionnelle atypique étaient lacunaires. Outiller les gestionnaires et accompagner la prochaine génération de praticien.ne.s devenaient un potentiel rempart à l’instabilité vécue, voire au déficit de reconnaissance, de cette pratique pourtant essentielle au développement de communautés saines et solidaires.

Dans un premier temps, nous situerons brièvement le projet dans son objet, son contexte et sa méthodologie, et donnerons un aperçu sommaire des profils-type de pratique de nos narrateurs. Dans un second temps, nous explorerons l’impact que la démarche a pu avoir chez les sujets comme mise à niveau « objectivé » de leur histoire d’intervention collective. Dans un troisième temps, nous expliciterons la nature des rapports que la démarche nous a amenés à développer avec les sujets, et les enjeux méthodologiques et éthiques inhérents à la « posture clinique » implicite que nous avions choisie à travers l’approche biographique. En conclusion, quelques réflexions sur les contributions de ces approches pour le développement des connaissances en intervention collective.

DerriÈre les compÉtences, des pratiques À mieux connaÎtre et À reconnaÎtre…

Les rares études empiriques et les modèles visant à documenter et à encadrer l’intervention collective ont abordé le plus souvent celle-ci sous l’angle des processus collectifs à l’oeuvre dans les initiatives d’action collective concertée (thématique, territorial) ou d’action communautaire autonome (Vachon [1993] ; Klein [2011] ; Communagir [2012] ; Avenel et Bourque [2017] ; Lachapelle et Bourque [2020]). L’intervenant.e collectif.ve en devient alors un des acteurs déterminants certes (avec les élus, les partenaires institutionnels et communautaires, les citoyens ou usagers), dont le rôle clé est affirmé sous l’angle du leadership de processus qui contribue à la mobilisation, au déploiement et à l’entretien d’un système local ou communautaire d’action concertée. Ce leadership de liaison vient en complément et en appui aux leaderships politique, citoyen-communautaire et institutionnel qui déterminent la capacité de mobilisation d’une communauté locale (Lachapelle, 2017).

Les études et cadres de références qui ont par ailleurs cherché à définir cette expertise inhérente au leadership de processus l’ont fait sur la base des compétences génériques mises en oeuvre dans l’action « professionnelle » de soutien à des démarches d’action locale concertée ou de programmes de promotion et support au développement local, qui comprend autant les dimensions économique, sociale que culturelle. Robitaille (2016) a ainsi répertorié quatre grandes compétences[2] à partir de typologies développées en France (ARADEL, 2005) et d’un ensemble de fonctions-types observées chez une grande variété de « métiers du développement territorial » au Québec, incluant aussi bien des conseillers en soutien à l’entrepreneuriat privé que des organisateurs communautaires et des conseillers intervenant à partir d’organismes publics et communautaires et de programmes de développement encadrés par la Politique nationale de la ruralité et des politiques régionales ou municipales de développement social. À travers une recherche sur les tâches-types des organisateurs et organisatrices communautaires de CISSS intervenant en développement local et des agents de développement rural, Lachapelle (2017) a pu associer ces tâches à une fonction générique de « liaison » exercée à l’égard d’un système local d’action (SLA) porteur de la mobilisation locale, qui se déploie dans l’action en cinq volets génériques interdépendants : connaître le milieu, mobiliser les acteurs, garantir la cohésion du SLA, démocratiser les rapports au pouvoir, rendre accessibles les ressources.

Le RQIIAC (2010, 2020)[3], organe quasi professionnel des organisateur.trice.s communautaires exerçant en CISSS et CIUSSS, s’est donné un cadre de référence de la pratique de support à l’action et au développement communautaires dans un contexte d’établissement public et a défini aussi les fonctions-types qu’on doit lui attribuer. Il s’agit sans doute de l’exercice le plus élaboré de définition d’une pratique professionnelle et d’encadrement déontologique réalisé en dehors du cadre d’une profession formellement définie et légalement reconnue.

Tout en reconnaissant les acquis de ces corpus de connaissances et en s’en inspirant, nous avons voulu aller au-delà ou derrière ces compétences identifiées, en général exercées dans un contexte organisationnel et communautaire de pratique marqué par la complexité, la polyvalence et l’imprévisibilité. L’intervention collective ou le travail professionnel de ces « accompagnateurs » du développement des communautés locales doit toujours composer avec des enjeux et des paradoxes comme la double imputabilité envers l’employeur et envers les acteurs collectifs, la conciliation des attentes de l’employeur ou des bailleurs de fonds avec les attentes des communautés, la rencontre d’une pluralité de cultures organisationnelles, la gestion des rapports de pouvoir et de compétition présents dans l’action collective et concertée, etc. Ces dimensions des rôles et fonctions de l’intervention collective demeurent encore mal documentées.

De plus, la multiplicité des compétences requises et la diversité des situations d’intervention font des métiers du développement une « profession » dite floue (Jeannot, 2011) et souvent mal comprise, auxquels les formations actuelles de base de premier ou même de 2e cycle dans le champ des sciences humaines ne peuvent préparer complètement et adéquatement. Selon ce qu’on en sait, la maîtrise de la « polyvalence comme spécialité », caractéristique de cette pratique, ne s’obtient qu’à travers l’expérience qui vient avec la durée dans le poste, avec le support professionnel et le mentorat de « seniors » en place dans les organisations et dans un cadre d’éducation continue par les pairs. Chaque intervenant.e, à partir de ce qu’il-elle est comme personne ou de ce qu’il-elle possède comme bagage théorique et pratique, est appelé.e à se « construire » dans la pratique, en découvrant graduellement le « style » personnel d’intervention qui lui convient et qu’il-elle alimente par sa posture d’apprentissage continu. En outre, la capacité d’agir avec efficacité auprès des groupes et des collectivités s’obtient par la crédibilité autant personnelle que professionnelle acquise dans la communauté et au sein de l’organisation où il-elle oeuvre. Cet aspect confère au savoir-être une dimension majeure où le sens éthique et le respect des savoirs et vécus des acteurs « accompagnés » sont déterminants. Par-delà et derrière les compétences et fonctions qu’on peut nommer, il y a des qualités et habiletés, et aussi des attitudes et valeurs qui les colorent et contribuent à en définir la posture d’intervention (Robitaille, 2016 ; Mercier, 2020) : autonomie au travail, curiosité et aptitude à la créativité, capacité de fonctionner dans l’incertitude et le flou des règles et structures, entregent et habiletés communicationnelles, maîtrise du travail d’équipe, leadership mobilisateur, engagement militant, vision large et globale du développement, valeurs démocratiques fortes, dont la priorisation de la participation citoyenne. En somme, il ne s’agit pas juste de décoder ce qu’ils-elles font et comment ils-elles le font, mais aussi pourquoi !

L’approche biographique collaborative comme rÉcits de pratiques professionnelles

Ce type d’agir professionnel, qui met le focus sur l’intervenant.e qui se construit et s’utilise « comme son principal outil » dans la pratique, doit-il faire appel à un type particulier de personnes, par la personnalité, l’histoire familiale, les valeurs, les motivations, les référents idéologiques ? Ce sont ces dimensions sous-jacentes à la pratique que nous avons voulu aborder, en recourant à la méthodologie générale de l’approche biographique telle que développée en recherche qualitative dans le champ des sciences humaines (Bertaux, 2005 ; Desmarais, 2009). Considérant les participant.e.s à la recherche comme des « acteurs-sujets », cette approche les invite à s’impliquer comme partenaires actifs ou protagonistes du processus de recherche. Ils et elles deviennent les sources premières de données par leur capacité à fournir ou à reconstituer les éléments clés d’une pratique sociale significative ou exemplaire, soit les traces concrètes de la place objective occupée dans un système d’action collective. S’agissant de pratiques professionnelles comme objet d’étude, nous assumons avec Guay et Thibault (2012) que celles-ci 

ne sont pas guidées uniquement par une base théorique prédéterminée ni seulement par les savoir-faire de la société dominante, mais elles sont aussi fondées sur les connaissances dérivées de l’apprentissage expérientiel et en grande partie par le processus de socialisation (Guay, 2011). Ces différents processus d’apprentissage constituent le lien entre la personne et la culture, et fondent, en fait, l’identité du narrateur (Racine, 2000).

Les dimensions du parcours personnel qui ont pu influencer la pratique professionnelle de l’acteur-sujet nous intéressent dans la mesure où celles-ci permettent de dépasser la narration ou l’énonciation de ce parcours et de cette pratique et de remonter aux influences premières de son développement personnel et professionnel ainsi qu’aux éléments analytiques et théoriques sur lesquels son expérience s’est appuyée ou qu’elle recèle de façon implicite. Des trois modèles courants de cette approche tels que proposés par Guay et Thibault, soit autobiographique (issu de l’acteur), biographique (reconstitué par le chercheur) et dialectique (collaboration entre chercheur et acteur), nous avons retenu ce dernier dans la mesure où l’effort de théorisation et de modélisation est davantage du ressort du chercheur, auquel l’acteur est appelé à contribuer, non pas pour le valider en tant que tel, mais en vue de le questionner et l’enrichir par son propos réflexif sur sa pratique telle qu’expérimentée par lui-même. L’acteur narrateur devient alors producteur de connaissances par sa démarche d’expression et de compréhension de sa propre expérience dont il permet de dégager le sens qu’il lui reconnaît et le savoir qu’elle contient à partir de l’exercice de reconstitution de son parcours professionnel enraciné dans son histoire personnelle.

Notre approche s’est appuyée aussi sur celle utilisée dans le magistral récit (Blondin et al., 2012) de l’expérience professionnelle de Michel Blondin, pionnier de l’animation sociale, de l’éducation populaire et de l’intervention collective au Québec. S’appuyant sur les catégories de Mayer et Ouellet (2000), les auteurs de ce récit font état de trois types de récits : biographique (qui raconte l’histoire de vie du narrateur), thématique (centré sur une période ou un aspect de son histoire de vie) ou édité, celui qu’ils ont retenu, qui permet de « réorganiser un récit biographique ou thématique par périodes historiques, par exemple, et d’ajouter des commentaires, des explications supplémentaires sur le contexte social d’un évènement ou d’une séquence du récit mise à jour par la personne qui raconte son expérience » (Blondin et al., 2012, p. 5). Sous ce type, l’auteur se raconte et le chercheur devient « collecteur de récit (qui) collige l’information, ajoute au besoin des éléments d’information qui permettent une mise en contexte de l’expérience racontée ».

L’approche biographique ainsi abordée sous un angle constructiviste, soit en considérant le sujet comme détenteur d’un réel pouvoir de penser et d’agir en interaction avec les éléments structurels et culturels que lui impose son environnement, rejoint certaines dimensions de l’approche narrative développée en intervention clinique (Gusew, 2017). Visant par la démarche de recherche à produire des connaissances pour la pratique et la formation, nous avons aussi comme but de contribuer au développement de pratiques d’intervention collective initiatrices de changement social dans les communautés locales et de conditions de pratiques qui les favoriseront. En outre, le processus de construction de récits repose sur une posture de partage d’expertises de savoirs, le chercheur devenant accompagnateur du sujet-acteur à qui il fournit par ses propositions sur le processus et le contenu le cadre lui permettant de reconstituer son histoire et de réaliser la meilleure objectivation possible de son expérience. Ce qui implique une posture semblable au clinicien de l’approche narrative, soit d’aborder l’interaction sur une base de respect, de sensibilité et de souplesse par rapport au savoir du sujet dans toutes ses dimensions, dans un rôle d’aide active à l’exploration et à l’analyse de son vécu et du savoir implicite ou organisé qu’il contient. Le même mouvement inversé se produit quand il s’agit de propulser le savoir singulier du sujet vers une certaine forme de théorisation visant à une généralisation transférable, le sujet devenant contributif par sa capacité à y apporter sa réflexion critique et son questionnement.

Les sujets recherchÉs, l’objet et la procÉdure de cueillette des rÉcits

Compte tenu des moyens limités dont nous disposions et de la lourde tâche impliquée dans la réalisation de chacun des récits, nous avons limité à 12 notre choix d’intervenant.e.s-narrateur-trice.s, ce qui nous apparaissait représenter un minimum pour refléter l’état actuel des pratiques d’intervention collective, selon notre connaissance de la diversité et de l’hétérogénéité des champs de pratique. Suivant la méthodologie de la théorie ancrée (Glaser, 1992), nous aurions pu fixer ce nombre d’après l’atteinte de l’effet de saturation des données produit à travers la démarche progressive de cueillette ; mais s’agissant d’un premier exercice du genre, mené à titre exploratoire, nous considérions justifié de procéder non pas par souci d’exhaustivité et de représentativité des pratiques possibles, mais par exploration de pratiques exemplaires, au sens de significatives par la durée, l’ampleur et l’originalité. Ces pratiques ont été choisies d’après les critères suivants : équilibre homme-femme, diversification générationnelle et géographique, importance relative des champs de pratique selon leur diversité et importance connues (organisation communautaire en CSSS, agent.e.s de développement rural en CLD, etc.). Nous avons établi une liste d’intervenant.e.s possibles que nous avons complétée après consultation de quelques têtes de réseaux de l’intervention collective au Québec.

Considérant les objectifs poursuivis, nous avons choisi de délimiter les volets de l’exploration des récits sous deux grands axes, le premier au contenu principalement narratif et le second au contenu analytique. 1. L’axe informatif couvrait les dimensions suivantes : trajectoire familiale, scolaire et professionnelle ; principales réalisations structurantes sur le plan professionnel et leurs effets ; conditions de succès des interventions collectives décrites, dont la gestion des rapports avec l’employeur ou commanditaire ; rôles, fonctions et compétences en oeuvre dans ces réalisations et la fonction en général ; référents normatifs, théoriques, méthodologiques, personnels, familiaux, culturels, communautaires présents dans l’intervention. 2. L’axe analytique portait sur les enjeux et défis de l’intervention collective tels que vécus à travers l’expérience générale de l’intervenant.e, soit des thèmes transversaux appuyés sur les contenus précédents : la participation citoyenne et des premiers concernés dans l’intervention collective ; les représentations de la dimension territoriale comme cadre de l’intervention collective ; les rapports avec les élus et avec le leadership politique ; les interactions avec les autres « agent.e.s de développement » présent.e.s sur le territoire ; la prise en compte des communautés culturelles dans l’action collective ; l’appréciation de la fonction de liaison et d’exercice du leadership de processus développée par Lachapelle (2017) ; l’articulation des fonctions de soutien, de représentation, de bailleur de fonds, etc. ; la gestion des conflits d’allégeance ou des multiples imputabilités inhérentes à la fonction ; les rapports à l’éthique de la fonction d’accompagnement : construction, contenu, gestion des conflits éthiques, etc. Ces contenus constituaient des thèmes certes communs à l’ensemble des narrateurs, chacun pouvant cependant l’aborder à sa façon et en déborder au besoin, apportant d’autres thèmes jugés pertinents avec la thématique générale.

Les deux types de données ont été recueillies en deux temps différents, successifs et progressifs, à travers deux entrevues semi-dirigées de l’ordre de deux à trois heures chacune. L’intervenant.e a avait accès au préalable aux guides d’entrevue prévus, étant invité.e à se rappeler les faits pertinents recherchés et à les documenter (y compris de les illustrer avec des photos et documents imprimés). Les deux entrevues ont été réalisées selon un intervalle de temps (entre 2 et 6 mois) pouvant permettre la validation par l’intervenant.e du texte de la première entrevue transcrite intégralement. Le document final constituant la synthèse des deux entrevues, complété en général après environ 12 mois d’interactions continues, était proposé comme le récit de sa pratique, soumis pour son approbation en vue de sa publication. Cependant, comme il ne s’agissait pas d’une autobiographie, son approbation formelle ne portait que sur ses énoncés sur les deux axes de contenu, la dimension analyse et théorisation demeurant la responsabilité ultime des chercheurs. Lorsque complétés à leur satisfaction et avec leur accord, leurs récits ont été diffusés au fur et à mesure en intégral numérique sur le site de la Chaire de recherche en organisation communautaire. Les 12 récits complétés ont fait l’objet d’une analyse transversale dégageant des profils-types de pratique en termes de parcours personnels et professionnels, de savoirs et référents théoriques, méthodologiques, idéologiques et éthiques sous-jacents à leur histoire et à leur pratique.

Dans l’ensemble de la démarche de recherche, la dimension dialectique a été déterminante du processus de co-construction de chaque récit de pratique d’intervention collective, ce sur quoi porte l’objet du présent article. Conformément à la démarche proposée, les sujets-narrateurs n’ont donc pas formellement et directement participé à l’analyse transversale des 12 récits, ni contribué à la production des conclusions qui s’en sont dégagées. Ils n’ont pas non plus été impliqués dans la rédaction du présent article. Le partage des rôles narrateur-chercheur/analyste dans cette dynamique de co-construction n’exigeait en effet pas des intervenants.e.s d’adhérer aux analyses et généralisations que les chercheurs dégageaient de leurs récits, ce qui en principe pouvait les réduire au statut d’informateurs dont les propos alimentaient une analyse de contenu classique en recherche qualitative. Il n’en demeure pas moins que leur influence dépassait ce simple statut, car s’ils n’étaient pas tenus de participer et d’adhérer aux analyses, en cas de désaccord ou malaise sérieux avec leur contenu, ils conservaient le choix de mettre fin à la collaboration et de refuser de co-signer la publication de leur récit. Ce qui a fait de l’ensemble de chaque récit un produit issu de cette relation dialectique chercheur-narrateur, qui a été déterminante de la qualité et de la validité non seulement de l’analyse de chaque récit, mais aussi de l’analyse transversale des 12 récits qui a fait l’objet du rapport final[4] et de l’ouvrage qui en est tiré[5].

Les intervenants-narrateurs : un aperçu de leurs profils

La démarche a donc permis entre 2015 et 2020 la co-rédaction de 12 récits biographiques de pratiques avec des intervenant.e.s (hommes-femmes à parts égales), en centres urbains (7) comme en milieux ruraux[6]. Plusieurs (5) étaient retraités récents, ou sur le point de l’être, et présentaient dans la pratique spécifique d’intervention collective inventoriée des engagements échelonnés sur des horizons temps variant d’au moins 15 ans (3) et de près de 35 ans (6). Ces intervenant.e.s avaient travaillé dans un CISSS-CIUSSS comme organisateur ou organisatrice communautaire (4), un CLD comme agent.e.s de développement rural (2), ou encore à la coordination d’organismes communautaires et de concertations intersectorielles de lutte à la pauvreté (2), dans des fondations privées supportant et encadrant des initiatives de développement local communautaire (2) et dans des instances municipales ou régionales (CRÉ) de promotion et coordination en développement social ou santé globale (2).

La presque totalité a réalisé au minimum une formation universitaire de 1er cycle dans des disciplines variées : travail social (4), sociologie (2), géographie (2), psychosociologie-andragogie, loisirs, droit, MBA. L’une ou l’autre formation a fourni des clés importantes pour la pratique. Pour la sociologie et la géographie par exemple, cela a permis d’aborder la fonction en y apportant en dominante des capacités d’analyse et de visualisation du territoire ou de problématique, de conceptualisation de démarches et rédaction de projets dans le développement de ressources. Pour le travail social, la composante animation et coordination pouvait mieux y préparer. Mais dans tous les cas, c’est l’intégration de leurs acquis de savoirs de base à leur savoir-être comme premier moteur de l’action qui a permis de compléter ceux-ci et de les transférer dans un savoir-faire progressivement élargi.

Les origines familiales ne sont pas caractérisées par des conditions de classes définies, les milieux de provenance de caractère bourgeois, intellectuel, ouvrier, commerçant, agricole étant également représentés. On peut cependant retracer chez les parents une présence dominante de valeurs sociales progressistes et de pratiques d’engagement dans leurs communautés d’appartenance, par exemple sur le plan du développement des coopératives, des organisations caritatives, religieuses progressistes.

Le cheminement personnel vers la fonction exercée est également varié. Quelques-un.e.s l’ont intégrée au sortir de leur formation initiale de 1er ou 2e cycle, laquelle leur fournissait des atouts déterminants pour les principales exigences de la fonction qu’ils-elles ont pu exercer sur un long terme en y acquérant graduellement les connaissances et compétences complémentaires que les changements dans l’organisation et la communauté d’intervention ont entraînées. Le contexte initial d’intervention y demeurait quand même assez flou et nouveau, les amenant à occuper la fonction avec une grande marge de manoeuvre, leur capacité d’initiative et d’innovation leur permettant de développer progressivement leur « style » d’intervention, à la fois en adaptation aux besoins de la communauté et en mode d’initiation et promotion de nouvelles façons de faire le développement de la communauté à laquelle ils-elles se sont durablement identifié.e.s.

Tout en vivant ce même type d’intégration dans la fonction, la majorité de nos narrateurs ont occupé celle-ci après un parcours personnel plus sinueux et lointain. Parcours de vécus personnels de relative marginalité liée à la monoparentalité, à l’immigration, au militantisme politique ou social, à des voyages « exploratoires » permettant de se définir, de formations plus tardives réalisées parfois en cours d’emploi. En général, les savoirs théoriques et méthodologiques et acquis dans des organisations communautaires ou publiques, dont le mandat rejoignait ou (ré)activait leurs aspirations et valeurs, les ont préparés à l’intervention collective et les feront y adhérer comme une certaine continuité de parcours.

La teneur de la fonction n’est bien sûr pas la même pour tous ces acteurs, et a même pu pour chacun varier dans le temps. Ainsi, pour des organisateurs ou organisatrices communautaires (OC), dépendant des territoires et de l’évolution de leur développement, la dimension accompagnement de groupes et de communautés, notamment des tables territoriales de concertation sur des thématiques, en particulier la pauvreté, a graduellement supplanté celle de développeur et d’entrepreneur collectif, à la fois en support à la création de ressources communautaires et aux groupes d’action communautaire existants. L’intervention se réalise souvent en relation directe avec les « premiers concernés » (usagers, citoyens, élus), et aussi dans un rapport indirect par le biais des représentants institutionnels et communautaires participant à des actions et instances de mobilisation au nom de leurs « membres ». Dans les cas de la philanthropie, l’action est vue comme un travail de création et d’animation de conditions structurantes pour le développement des communautés et le changement social.

Dans tous les cas, à des degrés variables selon la nature des « dossiers ou projets », la finalité de l’action demeure centrée sur une vision globale de développement du territoire, sur un souci de démocratie participative, sur des stratégies de renforcement du pouvoir d’agir (empowerment) des individus, avec, pour trame de fond, la lutte à une diversité d’inégalités. Le faire avec et le faire par le citoyen, l’usager, le membre du groupe ne sont pas toujours possibles, ni même nécessaires, dépendant de l’état d’avancement des dossiers et du besoin de partage des expertises requises. Le faire pour doit alors demeurer assujetti à la satisfaction des besoins et l’atteinte des objectifs déterminés par les concernés, ou à tout le moins décodés par des modes appropriés de consultation obéissant à des règles éthiques et méthodologiques privilégiant de façon continue non seulement l’écoute et le respect de leurs vécus et savoirs, mais la considération de ceux-ci dans les positionnements qui guident l’action collective.

Pour conclure ce bref aperçu des profils, retenons l’auto-définition imagée que les narrateurs ont donnée à leur fonction par-delà sa désignation formelle, qui traduit bien le sens ou le caractère principal qu’ils et elles leur ont donnée selon le contexte singulier de leur pratique : « artisane de la participation citoyenne », « allumeuse de réverbère de l’empowerment individuel et collectif » ; « développeur de conditions favorables au développement collectif » ; « sociologue de l’action collective » ; « OC engagé au service de sa communauté, en apprentissage continu » ; « intervenante généraliste en développement territorial » ; « militant entrepreneur, architecte du social » ; « sage-femme du développement collectif » ; « intervenante engagée en développement solidaire et durable » ; « conseiller-accompagnateur des acteurs du développement social » ; « artisane de la concertation intersectorielle » ; « animateur d’entrepreneurship territorial ». Ces appellations créatives illustrent bien la nature complexe de la profession autant que la richesse de sa contribution pour les communautés.

L’action de narration et de co-rÉdaction du rÉcit : occasion de bilan professionnel et personnel…

Tel qu’indiqué antérieurement, la visée globale du projet était de contribuer à mieux outiller praticien.ne.s et gestionnaires de cette pratique peu connue et formalisée, mal reconnue sur le plan professionnel, réalisée dans des conditions difficiles, que la synthèse faite par un narrateur a bien décrite :

[…] tout intervenant collectif navigue entre des espaces et des logiques qui peuvent être paradoxaux. Il interagit avec des acteurs sociaux qui ont des cultures organisationnelles diverses, des intérêts parfois contradictoires et des cadres de références qui ne se rejoignent pas nécessairement. Il se trouve aussi au centre de rapports de pouvoir entre paliers territoriaux, entre grandes institutions et petites organisations. Bref, il ne doit rien tenir pour acquis et il n’y a pas de mode d’emploi qui le guide dans les actes qu’il doit poser. Il doit constamment utiliser son sens du jugement, son expérience et son intuition pour trouver des solutions, dénouer des situations et continuer à apprendre. En fait, la pratique elle-même devient une source d’apprentissage et de développement professionnel particulièrement dans un contexte où la réalité n’est pas stable, claire et simple de compréhension. Les anciens repères qui nous permettaient de comprendre notre environnement social sont tombés. La réalité est plus complexe, moins prévisible. Aujourd’hui, le paradoxe et l’instabilité deviennent presque une norme sociale. Nous sommes continuellement plongés dans le changement pour le pire et pour le meilleur.

À la fois valorisés et reconnaissants d’avoir été choisis pour participer au projet, les sujets ont abordé la démarche comme une contribution à la mise en valeur et à la promotion aussi bien personnelle que collective de la pratique à laquelle ils se sont identifiés comme à un projet et même parfois un chantier de changement social[7]. Dans les cas des sujets proches ou déjà en retraite, l’exercice leur a permis une rétrospective de leur carrière, devenue un véritable bilan de leur cheminement personnel et professionnel, une sorte de legs. Mais pour tous les narrateurs, cet exercice de mémoire systématique sur l’histoire de leur parcours personnel et professionnel, provoqué par une certaine forme « d’inquisition » bienveillante de notre part, leur a permis une prise de conscience sur des éléments de continuité et d’intégration de leur cheminement personnel et professionnel, parfois recherché et choisi, parfois provoqué par des imprévus qui se sont présentés alors qu’ils étaient prêts à les accueillir comme étape « naturelle » dans leur parcours personnel.

Le récit de mon parcours m’amène très certainement à établir des liens entre les différentes dimensions de ma vie sur les plans personnel, professionnel et pédagogique. Ce qui m’apparaissait au départ comme un parcours anarchique et décousu m’apparaît aujourd’hui beaucoup plus cohérent et logique. La construction intuitive de ma profession d’agente de développement a comporté l’avantage de me garder toujours ouverte à intégrer de nouvelles formations et de nouveaux savoirs et à ajouter constamment des expériences de partage à travers les réseaux et organisations auxquelles j’avais accès.

C’est là que la perspective clinique de la démarche peut se révéler chez les sujets, à travers la reconstitution de leur histoire, par l’analyse qu’on les a amenés à faire sur les « circonstances atténuantes » qui les ont amenés à certains choix, sur le sens et l’orientation – posture, style d’intervenant – qu’ils ont donnés plus ou moins consciemment à une pratique fondée sur l’engagement aussi bien défini par des valeurs qu’intellectuel et relationnel. Chaque récit nous confirme que cette dimension d’engagement est précisément ce qui caractérise cette pratique face aux modèles acquis et demande des personnalités créatives et innovatrices, capables d’opérer en dehors des schèmes établis ou définis, dans des agirs combinant art et expertise technique qui, pour agir autrement, sont capables de penser autrement[8]. Au-delà des modèles implicites mis en oeuvre dans les pratiques, la démarche de recherche leur a permis de mieux nommer les « compétences » plus discrètes liées à leur propre personnalité, leurs origines familiales ou développées à travers leur parcours et même, à l’occasion, de réhabiliter certaines parties de leur pratique qui demeuraient en tension. Une tension parfois générée par des postures plus critiques qu’il convenait d’adoucir ou de filtrer pour demeurer en phase avec cette fonction de liaison qu’ils et elles assument.

Elle nous a aussi permis – chercheurs et sujets – de reconnaître que l’intégration de ces savoirs s’est faite à la façon de l’artisan inscrit dans une relation de « compagnonnage » acceptée plus ou moins consciemment. Cette intégration a été certes réalisée en emploi avec les pairs ou à travers des communautés de pratiques, mais provient tout autant des dynamiques d’accompagnement appuyées sur l’écoute et le respect des expertises des communautés, citoyens et usagers. On peut y voir alors, chez plusieurs intervenant.e.s qui se définissent globalement comme des accompagnateurs et accompagnatrices de communautés, et non des gestionnaires ou technicien.ne.s de programmes, l’effet de la posture clinique évoquée, qui repose en ces cas sur un partage d’expertises visant directement ou indirectement le renforcement du pouvoir d’agir des premiers concernés. Posture qui a favorisé chez eux l’attrait d’un métier certes flou, peu balisé et supporté, mais attirant par ses dimensions de faible normativité, fournissant un espace de créativité, d’audace, de transgression et même de conspiration (Jacquier, 2015) provoqué à la fois par la perspective de contribuer à changer le monde, et aussi d’exercer tout en le créant un métier rassembleur des forces vives des communautés.

Les rapports chercheurs-sujets : enjeux mÉthodologiques et Éthiques

Les sujets narrateurs de notre recherche auraient-ils pu embellir les pratiques qu’ils nous ont racontées, surtout le caractère exemplaire des réalisations présentées et le rôle qu’ils y ont joué? Les précautions prises, quant à la mise à disposition de pièces à l’appui des réalisations, permettaient certes d’en assurer une relative authenticité et, par-delà notre préjugé favorable général envers ce type de pratiques et envers le sujet choisi pour en témoigner, notre propre connaissance de ce terrain nous permettait d’en questionner et d’en apprécier la valeur. Mais comme nous ne recherchions pas l’exhaustivité et la représentativité, étant en mode exploratoire sur le non-dit et le vécu réel des pratiques, ces contenus servaient aussi de matériaux informatifs de départ à un partage de réflexions et d’analyses sur le comment et le pourquoi des agirs relatés, aussi bien des sujets eux-mêmes que des acteurs accompagnés ou impliqués. Partageant l’objectif recherché de mieux connaître et faire reconnaître le « métier », le rapport chercheur-sujet en devient un de complicité qui se développe par l’attitude emphatique du chercheur exprimée par ses questions, son écoute, sa capacité d’entrer en relation comme véritable partenaire de la construction de l’histoire du sujet.

Cette « posture clinique » implicite que nous avions choisie à travers l’approche biographique a permis de nous définir comme co-chercheurs, le sujet demeurant le producteur et la source première des données que le chercheur aide à repérer et à nommer, en même temps que le sujet contribue à leur analyse par le retour et le bilan qu’il fait de l’une ou l’autre dimension de sa pratique ou le bilan d’ensemble de son parcours. Le recadrage factuel et analytique fait par le chercheur au fil du récit le complète et le relance, notamment à travers le passage du discours à l’écrit où le chercheur assume le leadership de la mise en forme en même temps qu’il aide à clarifier et parfois à compléter le contenu. Ce qui soulève pour le chercheur le défi éthique et méthodologique du respect de la singularité de l’énoncé des faits racontés et de la réflexion qu’il suscite chez le sujet. En se définissant comme « collecteur de récit », le chercheur fait face au risque constant de guider la collecte selon ses propres perceptions et interprétations du vécu du sujet, basées sur son propre vécu d’intervenant ou chercheur participatif, et sur son schéma « implicite » d’analyse de la pratique qu’il veut mettre en valeur.

Si la démarche exige du sujet un réel engagement à exposer ses bons coups devant ses pairs, les organisations responsables et la communauté scientifique, ce dernier s’engage aussi à faire un retour sur soi qui peut à la limite le remettre en question par les côtés sombres des moins bons coups qu’il découvre par sa propre réflexion ou par le questionnement que lui partage le chercheur. De même, le chercheur doit respecter la partie du contrat l’engageant à donner priorité à la parole du sujet, s’assurer de mener un processus exploratoire qui respecte la singularité de son expertise, de se remettre en écoute avant de la voir comme composante du modèle généralisable auquel il pourrait s’arrimer ou contribuer à formaliser.

Il s’agit donc d’une démarche qui exige de maintenir une distance nécessaire et une nette différenciation entre les rôles, et en même temps de s’y investir dans une posture de complicité, réciprocité qu’en intervention clinique on associe en général à l’empathie. Posture définie par les deux pôles à maintenir en équilibre pour une démarche qui permet de relier le singulier du vécu du sujet à une généralisation typique de l’approche de la théorie ancrée, que nous recherchons par l’analyse transversale des histoires vécues et des récits qui en témoignent.

Conclusion

Comment s’assurer que la somme des singularités aille au-delà de l’addition de leur valeur respective et nous mène à des généralisations générant des connaissances valides du point de vue scientifique autant pour la pratique que pour la formation ? Nous n’avons certes pas la prétention de tirer de ces 12 récits de nouveaux standards de pratiques complétant ou même questionnant le corpus de connaissances existant en termes de cadres de référence ou de compétences et modèles expliquant et orientant la pratique. Cependant, par l’analyse transversale permettant de faire la synthèse des différences et des convergences de chacun des récits, il est possible d’en tirer des généralisations à tout le moins à titre exploratoire et de les relier aux corpus de connaissances existantes. Nous pouvons ainsi réaliser une mise en forme de profils et de modèles qui apportera un éclairage nouveau sur ces pratiques autant qu’un regard critique et enrichi des modèles existants, en les validant, les complétant ou les questionnant. De telles connaissances devraient pouvoir contribuer à alimenter la formation continue des intervenant.e.s collectif.ve.s.

Il nous apparaît également possible d’esquisser les éléments d’un éventuel corpus spécifique de formation à l’approche d’accompagnement favorisant le renforcement du pouvoir d’agir des concernés dans les pratiques d’intervention collective investiguées, à acquérir comme spécialisation de niveau 2e cycle pour des intervenant.e.s occupant des fonctions comparables, et issu.e.s de formations de 1er cycle y préparant. Pour être cohérente avec ce type de pratiques d’accompagnement, toute nouvelle avenue de formation devrait cependant emprunter des approches pédagogiques respectueuses des dynamiques praxéologiques qui les animent et des processus de co-construction de leur développement.