Corps de l’article

Trans* people have been already studied [...] but you never listened to our voices. [...] What trans people need is […] data, ideas, plans and strategies, but we need to see them coming from people like us, people who don’t, right now, seem to make it into your little position of power.

Tagonist, 2009, s.p.

Introduction[1] 

Les propos de cette personne trans tenus sur son blogue exposent les tensions qui peuvent exister entre les groupes opprimés et marginalisés (ex. les personnes autochtones, racisées, handicapées, issues de la diversité sexuelle et de genre) et les chercheur.euse.s issu.e.s de groupes privilégiés qui font des études à leur sujet. Par « groupes privilégiés », nous entendons, à la suite d’auteures féministes qui ont conceptualisé les privilèges blancs ou masculins (McIntosh, 1988 ; Young, 1990), des personnes qui, de par leur appartenance à certains groupes, ont bénéficié historiquement et continuent de jouir de privilèges sur la base de leur blancheur, de leur genre, de leur statut socio-économique, de leurs capacités ou autres. Comme le soutient Iris Marion Young (1990), étant donné que l’oppression n’est pas toujours le résultat d’actions concertées et délibérées et qu’elle est structurelle, elle se loge dans plusieurs pratiques, discours, institutions, principes normatifs, etc., qui confèrent des privilèges aux individus qui n’appartiennent pas aux groupes opprimés. Dans les dernières années, les voix des personnes marginalisées se sont fait entendre au regard des réalités vécues au sein des milieux universitaires ; qu’il s’agisse d’une appropriation de leurs expertises sans leur donner le crédit ou la rémunération nécessaire, d’un discrédit de leurs connaissances[2] en fonction de certaines normes scientifiques, le plafond de verre auquel plusieurs font face ou l’ignorance de leurs perspectives dans les recherches à leur sujet (Ashley, 2021 ; Baril, 2017), les propos de ces personnes questionnent les épistémologies positivistes/postpositivistes en recherche. Leurs voix prolongent ainsi les réflexions proposées depuis des décennies dans plusieurs champs comme en études féministes, critiques sur la race ou sur le handicap (Alcoff, 1991 ; Garland-Thomson, 2002 ; Haraway, 1988 ; Hill Collins, 2000 ; Wendell, 1996).

Dans cet article, nous soutenons qu’il est important de se préoccuper des enjeux et relations de pouvoir à la source de certaines tensions entre les groupes marginalisés et les chercheur.euse.s en travail social parce que, d’une part, les départements universitaires en travail social, malgré leurs efforts à inclure des personnes issues de la diversité, sont encore majoritairement composés de professeur.e.s en position de privilège (Baril, 2017 ; Statistique Canada, 2020). D’autre part, cela nous semble crucial puisque les recherches en travail social ont la particularité d’étudier des phénomènes sociaux qui touchent précisément des groupes opprimés. Au Canada, la recherche en travail social a pris naissance au XIXe siècle dans un contexte où le positivisme étant prédominant (René et Dubé, 2015). Afin de produire des connaissances valides, les chercheur.euse.s devaient ainsi maintenir une distance avec les groupes étudiés, afin de respecter des principes de neutralité et d’objectivité. Les chercheur.euse.s ont longtemps été considéré.e.s (et continuent de l’être) comme détenant l’expertise sur les réalités des groupes étudiés (René et Dubé, 2015). Cela est problématique à notre avis, car le positivisme/postpositivisme impose une distance entre les chercheur.euse.s et les groupes opprimés et ne remet pas en question le fait que toute connaissance est située (sur le plan social, culturel, politique, etc.), comme le suggèrent les théories du point de vue et des savoirs situés (Haraway, 1988 ; Hill Collins, 2000).

Dans le but de s’éloigner du paradigme positiviste/postpositiviste, plusieurs modèles de recherches ont été proposés en travail social afin de se rapprocher des sujets étudiés et de coconstruire des connaissances avec ces personnes, tels que les recherches anti-oppressives (Pullen Sansfaçon, 2013), les recherches participatives (Lee, 2017 ; René et al., 2013) et les recherches-actions (Gélineau et al., 2009). Ces recherches favorisent une proximité avec les participant.e.s puisqu’elles requièrent un contact direct entre les chercheur.euse.s et les groupes marginalisés (Gélineau et al., 2009). Bien que la notion de proximité soit polysémique (Clément et Gélineau, 2009), celle qui nous intéresse est liée à la relation de proximité entre les chercheur.euse.s et les personnes étudiées, particulièrement dans un contexte où les chercheur.euse.s font partie de groupes privilégiés. Si cette proximité est souhaitable afin d’établir un lien de confiance, elle devient parfois aussi un espace où se rejouent les relations de pouvoir (Foucault, 2001), notamment si les chercheur.euse.s en position de privilège ne se sont pas suffisamment renseigné.e.s sur les réalités des groupes opprimés ou n’ont pas entamé un processus d’autoréflexion critique sur leur positionnalité, par exemple en déconstruisant leurs biais et préjugés (Medina, 2013 ; 2017). De fait, l’ignorance d’enjeux structurels, tels que le racisme, le sexisme, le cisgenrisme ou le capacitisme, peut engendrer des attitudes et des comportements problématiques, des microagressions et un climat non sécuritaire pour les participant.e.s dans les recherches. Nous croyons que ces formes d’ignorance peuvent nuire à la production de connaissances justes. Afin d’éviter cela, cet article propose de développer une proximité épistémique (c’est-à-dire sur le plan des connaissances) pour fonder les pratiques d’allié.e dans les recherches en travail social.

Mobilisant les théories des injustices épistémiques développées notamment par Fricker (2007) et les développements qu’en a faits Medina sur l’ignorance (Medina, 2013 ; 2017), cet article propose une analyse documentaire à partir d’une recension critique des écrits sur les concepts d’allié.e et de proximité (Bishop, 2015 ; Grant et Booth, 2009)[3]. Les écrits analysés ont été sélectionnés à partir des résultats générés dans la littérature grise et scientifique (bases de données spécialisées, Googlescholar et catalogues universitaires) à partir des mots clés suivants (en français et traduits en anglais) : allié.e.s, proximité, travail social, recherche, privilège, oppression, militantisme. Les critères de sélection ne discriminaient pas en fonction de la provenance géographique des documents, mais plutôt en fonction de la langue anglaise et française. Pour les références les plus pertinentes retenues dans le corpus aux fins de cet article, des fiches de lecture ont été rédigées pour procéder à une analyse des données sur le plan conceptuel (Grant et Booth, 2009). Cette recension critique des écrits nous a permis de constater le caractère lacunaire de la mise en relation entre la notion de proximité en recherche et celle d’allié.e, du moins sur le plan épistémique.

Cet article suggère ainsi de fonder les pratiques d’allié.e en recherche sur le concept de proximité épistémique développé à l’origine en géographie et en économie (Bahlmann et al., 2016), mais inexploré dans les recherches en travail social. De fait, bien que la notion de proximité ait été développée sous de nombreux angles, comme en témoignent les cinq figures de la proximité dans la recherche et la pratique clinique qui visent à rapprocher certains groupes marginalisés, chercheur.euse.s et clinicien.ne.s comme les décrivent Clément et Gélineau (2009, p. 4), soit « la proximité intersubjective, expérientielle, spatiale, écosystémique et décisionnelle », il n’en demeure pas moins que la proximité épistémique demeure absente de cette typologie comme de plusieurs autres. Nous souhaitons ainsi enrichir, par cette mise en relation des notions de proximité épistémique et d’allié.e, ces différents pans de littérature.

Pour ce faire, cet article se décline en trois sections correspondant à trois objectifs. D’abord, nous effectuons une recension critique des écrits sur le concept d’allié.e, surtout mobilisé dans le champ de l’enseignement, de l’intervention et de l’action sociale, mais trop peu exploré en recherche. Ensuite, après une analyse de différentes définitions de la notion de proximité et une définition du concept original de proximité épistémique, nous en proposons une redéfinition à la lumière des théories des injustices épistémiques. Enfin, à partir de cette redéfinition, nous offrons quelques recommandations pour des pratiques d’allié.e en recherche en travail social.

Le concept d’alliÉ.e

Selon leur mission de justice sociale, les travailleur.euse.s sociaux.iales devraient se positionner en faveur d’une démarche d’allié.e dans leur pratique auprès de groupes opprimés afin de contrer les problèmes sociaux, économiques et politiques qu’ils vivent (Mullaly et West, 2018). La notion d’allié.e se définit souvent comme une pratique plutôt qu’une identité (Becker, 2017 ; McKinnon, 2017 ; Nixon, 2019). Reynolds définit ainsi ce concept :

Allies belong to groups that have particular privileges, and work alongside people from groups that are subjected to power in relation to that privilege. The role of the ally is to respond to the abuses of power in the immediate situation, and to work for systemic social change […]. Allies work collectively to contribute to the making of a space in which the person who is subjected to power gets to have their voice heard and listened to

Reynolds, 2013, p. 56

Être allié.e implique donc d’agir pour soutenir les luttes des personnes affectées par les systèmes d’oppression, tels que le racisme, le classisme, l’hétérosexisme, le cisgenrisme ou le capacitisme. Toutefois, le fait d’être une personne qui s’allie avec des groupes opprimés ne fait pas automatiquement d’elle une alliée, puisque certains comportements peuvent être préjudiciables, comme nous le verrons plus loin. Ce qui distingue une personne alliée est le fait de s’engager dans une démarche de justice sociale et autoréflexive (Brown et Ostrov, 2013 ; Droogendyk et al., 2016). Il existe plusieurs façons d’être allié.e, par exemple à travers l’organisation d’actions politiques, telles que des pétitions, des manifestations et du lobbying (DeTurk, 2011 ; Goodman, 2011). Pour cet article, nous focalisons cependant sur le concept d’allié.e dans un contexte de recherche. Nous argumentons qu’être allié.e, dans ce cas, nécessite une certaine proximité avec les personnes concernées, notamment une proximité épistémique, à travers laquelle les différents types de savoirs, incluant les savoirs expérientiels des groupes opprimés, sont inclus dans la production de connaissances. La production de connaissances, dans ce cas, est orientée vers une plus grande justice sociale.

Une variété de qualités peut caractériser une personne alliée et la motiver à assumer ce rôle : être passionnée par la justice sociale ; être dotée d’empathie ; être touchée par la problématique (personnellement ou à travers des proches) ; avoir été socialisée, par diverses expériences, à accueillir la diversité ; cultiver un regard critique sur soi (DeTurk, 2011, p. 572). Ces caractéristiques constituent des ressources importantes dans les luttes pour la justice sociale, incluant en recherche, notamment lorsque la position de privilège peut être utilisée à bon escient dans l’intérêt de groupes opprimés (Bishop, 2015 ; DeTurk, 2011 ; Reynold, 2013). Par exemple, les personnes alliées peuvent user de leur position d’autorité pour sensibiliser les institutions et les groupes privilégiés à inviter les groupes opprimés à parler de leurs réalités. De fait, les discours de personnes opprimées sont souvent délégitimés en raison de préjugés liés à l’appartenance à un ou plusieurs groupes historiquement marginalisés, notamment en raison d’aspects identitaires (Beresford, 2005 ; Fricker, 2007).

Leurs discours sont aussi discrédités en raison d’un supposé manque de neutralité imputable à une trop grande proximité et émotivité relativement à la situation d’oppression (DeTurk, 2011 ; Dotson, 2011 ; McKinnon, 2017). Par exemple, en recherche, les perspectives des personnes vivant avec des handicaps et des enjeux de santé mentale ont longtemps été ignorées et discréditées par les chercheur.euse.s en raison de formes de capacitisme ou de sanisme comme l’ont démontré les travaux en études critiques du handicap/Mad (Garland-Thomson, 2002). La théoricienne féministe du handicap Susan Wendell (1996, p. 122) parle ainsi de forme d’« invalidation épistémique », qui consiste à accorder plus d’autorité aux discours des professionnel.le.s de la santé et aux chercheur.euse.s qu’aux personnes handicapées elles-mêmes quant à leurs réalités. Beresford (2005, p. 7) remarque que c’est le cas pour les personnes dites malades mentalement :

This problem is magnified for mental health service users because their identity is generally devalued and they are frequently treated as though their knowledge is suspect because they are seen as irrational and lacking reliable perceptions and judgement.

À l’inverse, les discours des groupes privilégiés sont rarement remis en cause (Godrie et Dos Santos, 2017 ; LeGallo et Millette, 2019 ; Nixon, 2019). Un des rôles d’allié.e en recherche est alors de mobiliser son statut de privilège au sein des institutions universitaires pour soutenir la création d’espaces où les personnes concernées sont davantage entendues par les instances de pouvoir, espaces dont elles sont trop souvent exclues, plutôt que d’uniquement parler au nom de ces dernières (Alcoff, 1991). Ainsi, dans le cas de la recherche en santé mentale, les chercheur.euse.s peuvent user de leur crédibilité et légitimité afin de proposer des projets qui favorisent l’inclusion des personnes concernées dans la production de connaissances, en leur attribuant un rôle central dans la recherche, incluant dans la formulation de la problématique, la collecte et l’analyse des données et la diffusion des résultats (Beresford, 2005). À l’instar des contributions dans plusieurs champs d’études critiques, comme en études féministes ou en études critiques du handicap/Mad (Alcoff, 1991 ; Garland-Thomson, 2002 ; Wendell, 1996), nous n’argumentons pas que seules les personnes opprimées, de par leur identité et leurs savoirs expérientiels, détiennent la vérité et peuvent produire des connaissances justes, mais plutôt que ces personnes, à travers leurs vécus d’oppression et la collectivisation de ces expériences avec d’autres, peuvent potentiellement détenir un avantage épistémique pour analyser les rapports d’oppression. En d’autres mots, nous n’adhérons pas à une conceptualisation essentialiste des théories du point de vue et des savoirs situés, mais nous croyons que les expériences d’oppression vécues peuvent potentiellement devenir les lieux de développement d’outils épistémiques menant à la production de connaissances plus représentatives (Alcoff, 1988 ; Haraway, 1988 ; Hill Collins, 2000 ; Wendell, 1996). Sous cet angle, le travail d’allié.e en recherche n’implique pas de s’abstenir de produire des connaissances ou de faire des recherches sur un groupe opprimé si l’on n’appartient pas à ce dernier, mais bien de prendre conscience de nos privilèges, des potentiels biais que l’on a sur cette thématique, de même que considérer les potentiels avantages épistémiques que possèdent les groupes opprimés au regard de leurs réalités en fonction de leurs savoirs expérientiels, d’où l’importance de cultiver une proximité épistémique avec ces derniers.

Les attitudes et les comportements nuisibles des allié.e.s

La posture d’allié.e est parfois remise en question en raison de son potentiel de nuire aux groupes concernés en perpétuant parfois des inégalités malgré de bonnes intentions (Carlson et al., 2020 ; Kalina, 2020 ; McKinnon, 2017). Nous avons recensé dans la littérature plusieurs comportements d’allié.e.s non spécifiques à la recherche, mais qui peuvent s’appliquer au contexte de recherche et nuire aux groupes marginalisés, dont les quatre suivants.

Le premier comportement nuisible découle des motivations qui incitent à devenir allié.e. Si les motivations et les intérêts personnels dépassent celui de défendre les intérêts des groupes concernés, il existe un danger de verser dans ce que Kalina nomme le « performative allyship » : « The “ally” is motivated by some type of reward. On social media, that reward is a virtual pat on the back for being a “good person”. […]. In essence, it is a show » (2020, p. 478). Ce statut permet de se donner bonne conscience (Kalina, 2020) et les actions peuvent demeurer minimes envers les groupes concernés, ce qui arrive souvent en contexte de recherche.

Le deuxième comportement est celui où la personne alliée est mise sur un piédestal pour ses contributions sans qu’elle remette en question cette idéalisation et ses impacts. Les chercheur.euse.s se retrouvent souvent dans une telle posture très valorisée socialement. Cette attention porte ombrage aux luttes menées par les personnes opprimées (Kalina, 2020).

Le troisième comportement nuisible est celui où, dans l’espace public, la personne alliée prend plus de place que les groupes opprimés (Carlson et al., 2020 ; DeTurk, 2011). Sans réduire le rôle des chercheur.euse.s à celui de créer des espaces où les voix des groupes opprimés peuvent être entendues, les chercheur.euse.s peuvent utiliser leurs privilèges afin de favoriser la prise de parole par ces groupes marginalisés, par exemple au sein de réunions de recherche, de discours dans les médias ou lors de conférences.

Le quatrième comportement nuisible est celui de l’auto-identification en tant qu’allié.e, où la personne qui s’autoproclame alliée se voit comme sauveuse de certains groupes (Carlson et al., 2020). La personne croit que les oppressions ne concernent que les personnes opprimées et le fait de jouer l’héroïne lui évite de se questionner sur ses responsabilités face à ces oppressions (Carlson et al., 2020 ; McIntosh, 1988). Il s’agit également d’une dynamique que l’on retrouve en recherche, où plusieurs chercheur.euse.s en travail social mènent des travaux dans une perspective dite d’allié.e.s pour venir en aide à des groupes marginalisés pour les « sauver ». À la lumière des travaux sur les comportements et attitudes nuisibles de certaines personnes alliées, nous soutenons que certains de ces comportements pourraient être évités ou réduits, si les chercheur.euse.s développaient une proximitéépistémique avec les groupes opprimés. Celle-ci permettrait de partager une vision commune des situations d’oppression et de ce qui doit être fait pour les transformer.

La notion de proximitÉ ÉpistÉmique À l’aune des injustices ÉpistÉmiques

La notion de proximité est plurielle et complexe (Clément et Gélineau, 2009). Celle que nous privilégions, liée au processus de recherche, est celle qui invite à « […] explorer la création d’un espace où cette rencontre [entre chercheur.euses et groupes opprimés] est rendue possible […] » (Gélineau et al., 2009, p. 304). C’est lorsque les chercheur.euse.s se mettent en posture d’écoute et de proximité par rapport aux groupes opprimés et lorsque différents savoirs s’entrecroisent, par exemple les savoirs scientifiques et expérientiels, que des connaissances plus justes et représentatives peuvent émerger selon nous. Tel qu’indiqué plus tôt, Clément et Gélineau (2009, p. 5-6) identifient plusieurs figures de la proximité, dont la « proximité expérientielle » dans laquelle « [l]’individu est vu comme un expert. Il est le seul à avoir une connaissance personnelle et approfondie de sa condition […] [et] est donc détenteur et producteur d’une “parole de vérité” ». Bien que nous insistons ici sur l’importance des savoirs expérientiels en recherche, il nous semble capital de ne pas réduire la recherche aux seuls savoirs découlant des expériences d’oppressions. Sous cet angle, la notion de « proximité intersubjective », dont parlent Clément et Gélineau (2009, p. 5), nous semble plus pertinente, puisqu’elle fait référence aux rapprochements, échanges et dialogues entre une diversité de personnes. Plus spécifiquement, nous croyons que cette proximité intersubjective devrait être couplée à une proximité épistémique, c’est-à-dire sur le plan des connaissances, un type de proximité non théorisé par Clément et Gélineau ni en travail social en général.

Le concept comme tel de proximité épistémique, créé initialement dans les domaines de la géographie et de l’économie (Bahlmann et al., 2016 ; Touburg, 2013), amène l’idée que la proximité en recherche ne réside pas seulement dans le partage d’un espace physique commun ou d’un dialogue intersubjectif, mais qu’elle existe aussi au niveau épistémique dans la production de connaissances, c’est-à-dire en partageant un vocabulaire, des référents, des idées et des perspectives similaires:

Epistemic proximity involves the extent to which people share a similar worldview enhanced by shared meanings and language. [That] should be understood as those socially construed beliefs and understandings of reality that shape how people perceive and act upon reality

Bahlmann et al., 2016, p. 151

Bien que cette définition s’arrime en partie à notre vision de la proximité en recherche en insistant, entre autres, sur le partage de référents et de perspectives similaires dans la création de savoirs, cette notion originale de proximité épistémique n’explore pas les relations de pouvoir qui existent entre les chercheur.euse.s en position de privilège et les groupes opprimés, notamment dans un contexte de recherche où les savoirs expérientiels des groupes marginalisés sont inclus dans la production de connaissances. C’est la raison pour laquelle nous mobilisons le potentiel inexploité de ce concept à la lumière des théories des injustices épistémiques.

Les injustices épistémiques

En fonction de la recension critique des écrits que nous avons effectuée sur les concepts d’allié.e et de proximité, nous soutenons qu’une plus grande proximité épistémique entre chercheur.euse.s et groupes opprimés permettrait aux personnes alliées d’éviter les pratiques nuisibles, notamment celle de parler au nom des groupes marginalisés sans véritablement les écouter et légitimer leurs paroles, ce qui constitue une forme d’injustice épistémique, décrite par Fricker (2007, p. 20) comme « a kind of injustice in which someone is wronged specifically in her capacity as a knower ». Pour Fricker, les injustices épistémiques se déclinent sous deux formes : les injustices testimoniales et les injustices herméneutiques. Les injustices testimoniales renvoient au fait que les discours de certaines populations sont discrédités et délégitimés en raison de stéréotypes et de préjugés associés aux dimensions comme la race, le genre ou le statut social (Fricker, 2007, p. 30-31). L’injustice herméneutique renvoie au manque de référents, de concepts, de théories et de discours pour interpréter les situations d’injustice, d’inégalités et de violence vécues par les groupes opprimés, en dehors des schèmes dominants, ce qui invisibilise leurs expériences et les oppressions vécues (Fricker, 2007 ; Godrie et Dos Santos, 2017). Les théories des injustices épistémiques sont riches en notions comme la marginalisation épistémique, la mort épistémique, les communautés épistémiques, etc. (Dotson, 2011 ; Medina, 2017 ; Pohlhaus, 2017). Bien que certaines de ces notions puissent se rapprocher du concept de proximité ou entretenir des liens avec celui-ci, le concept de proximité épistémique n’a pas encore été, à notre connaissance, mobilisé à l’intérieur de ce cadre analytique. Pour notre analyse, le concept qui nous semble le plus pertinent pour théoriser la notion de proximité épistémique est celui proposé par José Medina (2013 ; 2017) sur l’ignorance épistémique, qui peut créer une distance entre les personnes privilégiées et les personnes opprimées dans la compréhension des oppressions vécues par ces dernières.

L’ignorance épistémique

Pour José Medina, il existe plusieurs formes d’ignorance épistémique (2013, 2017), mais celle qui retient notre attention est l’ignorance active (Medina, 2013, p. 39), qui consiste à ne pas vouloir comprendre le monde (et ses oppressions) autrement qu’à partir du point de vue de sa position sociale privilégiée (Medina, 2017). Medina s’attarde à l’arroganceépistémique (2013, p. 31) (« epistemic arrogance »), qui contribue à l’ignorance active et qui consiste en une attitude où une personne se pense cognitivement supérieure aux autres par rapport à ses connaissances. Cette attitude contribue à instaurer des relations inégalitaires entre les chercheur.euse.s et les groupes opprimés, qui découle du fait que certaines personnes privilégiées surestiment leur capacité à acquérir et à produire des connaissances, alors que certaines personnes opprimées sous-estiment la leur en fonction de normes dominantes intériorisées (Medina, 2013, p. 28).

Puisque les personnes privilégiées, universitaires ou non, se voient souvent accorder plus de crédibilité dans leur capacité à contribuer à la production de connaissances (ou capacité épistémique) (Fricker, 2007 ; Godrie et Dos Santos, 2017), on pourrait croire d’emblée qu’elles sont avantagées sur le plan épistémique par rapport aux populations opprimées qui, elles, souffriraient de désavantages épistémiques. Or, la thèse de Medina (2013) consiste à affirmer que ce ne sont pas les groupes opprimés qui souffrent d’un désavantage épistémique, mais bien l’inverse. De fait, comme l’ont démontré les théories du point de vue situé adoptées en études féministes, critiques sur la race ou sur le handicap (Garland-Thomson, 2002 ; Haraway, 1988 ; Hill Collins, 2000 ; Wendell, 1996), en ignorant plusieurs dimensions de vie des groupes opprimés, ce sont les groupes privilégiés qui sont désavantagés sur le plan épistémique, car leurs connaissances du monde demeurent souvent plus partielles que celles des groupes marginalisés. Medina nomme cela « l’ignorance des privilégié.e.s », une notion liée au concept de double conscience (« double consciouness ») du théoricien critique de la race W. E. B. Du Bois ([1903] 1994) selon qui une personne opprimée n’a pas le choix d’être consciente à la fois de sa vie d’opprimée (ex. racisée) et de la vie (et des actions) des personnes qui l’oppriment (ex. racistes). Cette double conscience amènerait la personne opprimée à devenir hyper consciente de ces deux positions sociales. Elle détient donc des connaissances sur les deux réalités. Inversement, la personne privilégiée posséderait une vision monolithique de la réalité, celle de sa position privilégiée, et présenterait souvent un désintérêt, voire un mépris, à l’égard d’autres perspectives. C’est dans cet esprit que Medina affirme que les groupes opprimés sont davantage outillés sur le plan épistémique que les groupes privilégiés.

La proximité épistémique dans la recherche en travail social

Ce constat de Medina sur l’ignorance épistémique est à notre avis essentiel pour réfléchir à la production des connaissances en travail social. Non seulement cette discipline s’ancre dans un environnement universitaire qui n’est pas exempt de préjugés, de stéréotypes et d’oppressions, mais elle est aussi constituée en grande partie de personnes privilégiées dont les capacités épistémiques sont souvent plus valorisées que celles des personnes opprimées se trouvant au coeur de leurs travaux (Baril, 2017). Pour nous, réinterpréter le concept de proximité épistémique à la lumière des théories des injustices épistémiques et de la notion d’ignorance épistémique implique de considérer les profondes imbrications entre la proximité, l’ignorance et les connaissances.

Notre définition de la proximité épistémique en recherche se veut donc un concept éthique lié à la compréhension commune des oppressions vécues par les groupes opprimés, ou similaire à celle-ci et à la conscience et responsabilité des chercheur.euse.s de ne pas reproduire ces oppressions dans leurs recherches. Nous croyons que, dans un contexte de recherche, l’ignorance des oppressions et de leurs diverses ramifications, autant celles vécues par les groupes opprimés que celles commises par les groupes privilégiés, mène à une ignorance épistémique et à la production d’une vision partielle des savoirs diffusés sur ces groupes. Autrement dit, en « étudiant » ces groupes marginalisés sans développer une réelle proximité épistémique avec eux, on court le risque de reproduire les attitudes nuisibles évoquées plus tôt.

Selon nous, la proximité épistémique devient un outil qui permet aux chercheur.euse.s de développer davantage de connaissances sur les oppressions vécues par les groupes opprimés fondés sur leurs voix, leurs référents, leurs revendications et leurs visions du monde. Nous soutenons que la prétention à la neutralité en recherche issue du positivisme/postpositivisme nuit à la compréhension des oppressions vécues parce qu’elle demande d’éviter toute proximité envers les groupes étudiés alors qu’au contraire, cette proximité sur le plan intersubjectif et épistémique est souhaitable pour développer des savoirs et des connaissances plus précis, représentatifs et justes au regard des groupes opprimés. Plus précisément, cette proximité épistémique permet une reconnaissance des savoirs expérientiels détenus par les groupes opprimés, à travers une meilleure intégration de ces sujets marginalisés dans diverses étapes des processus de recherche.

Recommandations pour les alliÉ.e.s dans la recherche en travail social

Même si plusieurs recommandations sont proposées pour agir en tant qu’allié.e.s lors d’activités d’intervention et de militantisme (Bishop, 2015 ; Droogendyk et al., 2016), les recommandations sont beaucoup moins nombreuses en ce qui concerne la recherche. Il existe bien sûr des travaux pour développer des pratiques éthiques de recherche auprès de groupes opprimés (Butler, 2002 ; Mertens et Ginsberg, 2008), mais ceux-ci ne portent pas ou peu sur la notion d’allié.e.s comme telle. Bien que les réflexions présentées dans cet article s’ancrent dans des préoccupations éthiques, nous proposons ici des recommandations explicitement liées à la notion d’allié.e qui est souvent occultée dans les discussions sur l’éthique de la recherche. Nous avons élaboré ces recommandations à partir de la recension critique des écrits sur les concepts d’allié.e et de proximité, en nous inspirant des travaux et recommandations déjà existants dans le champ de l’action sociale et de l’enseignement, tout en les appliquant au contexte de la recherche. À notre avis, ces recommandations favorisent le développement d’une proximité épistémique qui se veut critique, éthique, engagée et respectueuse entre chercheur.euse.s en position de privilège et groupes opprimés, en diminuant l’ignorance épistémique et en favorisant une compréhension commune des oppressions vécues. Nous recommandons cinq étapes : 1) introspection ; 2) auto-éducation ; 3) autoréflexioncritique ; 4) écoute active ; 5) tenue d’un journal de bord.

La première recommandation consiste en un travail d’introspection sur ses motivations à mener une recherche (Medina, 2013). Selon nous, des intérêts personnels liés à la recherche ne sont pas nécessairement négatifs, à condition que ces intérêts ne soient pas les seuls et qu’ils n’éclipsent pas les autres. Plusieurs démarches de recherches participatives (Lee, 2017 ; Pullen Sansfaçon, 2013 ; René et al., 2013) proposent des pistes de réflexion qui permettent de cultiver une introspection éthique et responsable et une humilité en recherche à travers un ensemble de questionnements qui nous ont inspiré les suivants : Pourquoi cette thématique m’intéresse-t-elle ? Dans quel but ? À qui ma recherche servira-t-elle ? Comment ma recherche pourrait-elle être réutilisée ou utile pour les groupes marginalisés ? En quoi ma recherche pourrait-elle contribuer à une plus grande justice sociale ? En quoi ma recherche pourrait-elle nuire à ces groupes malgré mes bonnes intentions ? Comment puis-je éviter les impacts potentiellement nuisibles de ma recherche sur ces groupes ? Est-ce que je mène cette recherche dans le but de faire avancer ma carrière ? Est-ce que j’entreprends cette recherche pour recevoir la reconnaissance de mes pair.e.s ? Cette première étape s’effectue avant même de lancer le processus de recherche, puisque certaines réponses pourraient réorienter la recherche.

La deuxième étape consiste à faire sa propre éducation par rapport aux oppressions que vivent les personnes avec qui nous faisons la recherche, démarche que plusieurs considèrent comme essentielle au rôle d’allié.e (Carlson et al., 2020 ; DeTurk, 2011 ; LeGallo et Millette, 2019). Nous insistons sur le fait que la personne doit faire son éducation par elle-même, c’est-à-dire éviter de demander aux personnes opprimées de la faire, en partie ou en totalité, une fois impliquées dans les processus de recherche. Par exemple, dans le cadre de recherches participatives, plusieurs groupes de recherche mobilisent des partenaires communautaires ou des comités consultatifs composés de membres de groupes marginalisés pour mener le projet. Il arrive souvent que ces groupes de recherche ne connaissent que peu les termes ou concepts utilisés par les communautés marginalisées, les réflexions des activistes et des auteur.e.s clés dans ces communautés (ex. connaître les études épidémiologiques sur les réalités trans, mais ne pas connaître les travaux en études trans), ce qui force les communautés marginalisées à éduquer les chercheur.euse.s durant les projets de recherche. Plusieurs auteur.e.s ont abordé ce phénomène où les populations marginalisées sont fatiguées et épuisées de devoir éduquer des personnes qui ignorent leurs oppressions (Ashley, 2021 ; Baril, 2017).

Ainsi, pour bien s’informer sur le sujet, nous invitons les chercheur.euse.s à s’éduquer en appliquant une optique critique à leurs choix de lectures. Cela signifie de valoriser la littérature scientifique produite par et pour les communautés en question ou encore la littérature grise, les blogues de groupes militants, les balados, les documentaires, les ateliers d’éducation populaire donnés par les groupes communautaires, etc. Ces sources sont encore trop souvent ignorées par les groupes de recherche qui s’appuient sur des sources dans des disciplines ou des approches plus traditionnelles. Par exemple, s’il s’agit d’une recherche auprès de personnes en situation d’itinérance, il serait pertinent de s’informer en consultant les groupes de droit au logement et de défense de droits, les revues non traditionnelles faites par et pour les personnes itinérantes, les publications d’organismes communautaires, etc., plutôt que de se fier uniquement aux travaux scientifiques en travail social ou en sociologie de la déviance. À nos yeux, la littérature grise et celle issue des champs d’études anti‑oppression (ex. études féministes, études trans, études critiques de la race, études critiques du handicap) constituent des richesses inestimables pour comprendre les vécus des personnes marginalisées dont les voix sont souvent exclues de la littérature scientifique traditionnelle ou interprétées selon les paradigmes et les concepts dominants. De plus, la littérature grise et celle émergente dans ces champs nous aident à confronter notre vision monolithique du monde telle qu’expliquée par Medina : elles nous proposent une autre perspective du monde et des oppressions à partir du point de vue des personnes opprimées.

La troisième recommandation consiste dans un travail d’autoréflexion critique sur ses privilèges par rapport aux groupes opprimés impliqués dans les recherches (Lee, 2017 ; Pullen Sansfaçon, 2013). L’autoréflexion critique demande un travail d’évaluation constante de ses propres attitudes, expériences, valeurs et actions qui peuvent mener vers une marginalisation des groupes concernés (Pullen Sansfaçon, 2013, p. 360). Nous invitons donc les chercheur.euse.s à examiner leurs rapports avec les personnes concernées en prenant conscience de potentielles discriminations et oppressions liées à la problématique étudiée et en cernant les préjugés et les stéréotypes qui sous-tendent certains comportements. Par exemple, un.e chercheur.euse dans le champ de la santé mentale pourrait réfléchir aux oppressions que pourraient expérimenter les personnes vivant avec des enjeux de santé mentale et aux manières dont son propre statut et ses privilèges pourraient contribuer à la reproduction de ces oppressions. Nous proposons quelques questions de réflexion : Comment je me situe par rapport à cette population ? Quelles sont les oppressions vécues par ce groupe et en quoi ma recherche pourrait-elle en reconduire certaines ? Quels impacts ces oppressions peuvent-ils avoir sur leur vie ? Comment les vécus de cette population sont-ils liés à d’autres oppressions, comme le racisme, le capacitisme ou l’hétérosexisme ? Existe-t-il des mots, des questions ou des attitudes qui pourraient leur être nuisibles et que je devrais éviter lors de mes interactions avec ces personnes ou dans mes outils de recherche ? Ai-je des idées préconçues sur la santé mentale et, si oui, lesquelles ? Comment puis-je les déconstruire ?

La quatrième recommandation est d’être véritablement à l’écoute de l’autre. Plusieurs auteur.e.s ont soulevé le fait que les personnes privilégiées peuvent avoir l’habitude de beaucoup parler et de très peu écouter (Carlson et al., 2020 ; Nixon, 2019). Pour nous, écouter dans un projet de recherche signifie apprendre à se taire et à croire les expériences de discrimination que vivent les personnes concernées. Les questions suivantes pourraient aider les chercheur.euse.s en ce sens. Par exemple, dans le cadre d’entrevues semi-dirigées, lorsqu’une personne marginalisée raconte un acte d’oppression vécu, ai-je tendance à lui couper la parole ou à minimiser son récit en interprétant son vécu comme étant exagéré ou à justifier les actes d’oppressions vécus comme étant des incidents isolés ? Ai-je tendance à interpréter les actes d’oppressions uniquement à partir de mon point de vue (ignorance épistémique) ? Ai-je tendance à être sur la défensive lorsque l’incident me concerne ou concerne une personne du groupe privilégié auquel j’appartiens ?

La cinquième recommandation consiste en la tenue d’un journal de bord qui permet d’écrire, sans censure, l’évolution de nos pensées et de nos émotions liées au processus de recherche et de réfléchir aux critiques reçues de la part des autres. Nous proposons de diviser le journal en cinq sections : 1) nouvelles connaissances acquises lors de l’auto-éducation ; 2) processus d’introspection ; 3) processus d’autoréflexion critique ; 4) réalisations/émotions liées à l’écoute active ; 5) espace libre de réflexion. Il ne s’agit là que de quelques réflexions sur les potentielles sections de ce journal, qui pourrait en inclure d’autres comme le volet action politique, pour ne donner que cet exemple. Ce journal pourrait aussi devenir un instrument de recherche en soi dont les données pourraient être mobilisées pour le développement de nouvelles pistes en épistémologie et méthodologie de la recherche.

En somme, ces cinq recommandations guidées par une proximité épistémique ont pour but d’amener les chercheur.euse.s, dans leur rôle d’allié.e.s, à réfléchir à leurs privilèges afin d’éviter de verser dans l’ignorance sur le plan épistémique et ainsi de reconduire des oppressions.

Conclusion

Malgré le fait que le travail social démontre un intérêt pour l’oppression des groupes marginalisés, il existe dans ce champ peu d’écrits concernant les pratiques d’allié.e.s en recherche pour les chercheur.euse.s issu.e.s de groupes privilégiés permettant d’éviter de reproduire des oppressions. La notion de proximité épistémique développée dans cet article peut servir d’outil aux chercheur.euse.s en position de privilège, afin de déconstruire certains de leurs préjugés et biais dus à l’ignorance épistémique. Nous proposons une posture fondée sur une proximité épistémique qui facilite des pratiques d’allié.e.s dont l’objectif est de mieux comprendre les oppressions vécues par les populations marginalisées situées en dehors de leurs schèmes de référence de privilégié.e.s, et ce, dans le but de mieux représenter les réalités des groupes opprimés dans la production de connaissances. Pour guider nos réflexions, nous nous sommes appuyé.e.s sur les théories des injustices épistémiques et plus précisément sur la notion d’ignorance épistémique qui contribue à invisibiliser certains aspects de vie des groupes opprimés. L’adoption d’un véritable rôle d’allié.e pourrait être facilitée, comme nous l’avons vu dans cet article, par le développement d’une proximité épistémique entre les chercheur.euse.s plus privilégié.e.s et les groupes opprimés.