Corps de l’article

Introduction

La proximité est une notion vaste et protéiforme qui fait référence tant à des services qu’à des pratiques, des relations et des perceptions. Nous nous intéressons particulièrement aux représentations qu’elle nourrit dans le champ de l’intervention sociale. Plus précisément, nous choisissons comme point de départ le regard des intervenants sociaux relevé dans le travail de M. Manier, qui la définit comme « une compétence relevant de la qualité de la relation, de l’empathie et de la compréhension des publics vulnérables » (2013, p. 17). Ce travail s’inscrit dans la veine d’autres travaux portant sur la proximité qualifiée de relationnelle (Crevier, 2010, p. 182). La mention de « relationnelle » signifie qu’analyser les pratiques avec l’angle d’approche de la proximité permet d’étayer une compréhension des représentations que véhiculent intervenants et usagers de la proximité à l’aune d’une lecture se concentrant sur les interactions quotidiennes et mettant en lumière les savoir-faire des acteurs (Crevier, Couturier, Morin, 2010).

Nous envisageons la proximité comme une modalité relationnelle polymorphe que nous décrirons dans ses pratiques et ses représentations avec chaque fois les enjeux associés. La proximité sera tour à tour abordée comme un ensemble de savoir-faire et de savoir-être et comme un rapport à l’autre dont nous renseignerons les marqueurs. Dans le champ de l’intervention sociale, les pratiques de proximité semblent prises en étau entre la désirabilité et le risque. Le désir de l’intersubjectivité permet de créer une relation forte et d’accompagner les personnes de manière individualisée. Le risque d’une dépendance et d’un lien qui ferait obstacle à l’autonomie des personnes. Malgré cette crainte, la notion de proximité occupe une place privilégiée dans l’intervention sociale associative française (Vrancken et Macquet, 2006 ; Astier, 2009 ; Ion, 2010) dans laquelle elle est souvent réfléchie et mise en lien avec la notion de distance qui semble s’y opposer. Nous abordons la proximité au sein de la relation intervenante-personne accompagnée grâce aux discours recueillis qui font état d’un rapport ambivalent à cette notion. Nous nous concentrons sur les représentations entourant la terminologie de proximité sur laquelle les personnes ont été interviewées. D’un côté considérée comme nécessaire à la relation et à l’accompagnement puisque se constituant indissociable de la relation de confiance sur le long terme, de l’autre, conçue comme un risque à éviter au nom de la distance à tenir dans les relations de soutien. Nous renseignons donc les bienfaits et les risques de la proximité (Breviglieri, 2005), tels que les acteurs se les représentent à partir de leur expérience.

Le travail de terrain anthropologique étayant cette discussion a été réalisé dans une association de lutte contre le VIH/Sida menant un projet sur l’accompagnement à l’autonomie de personnes travailleuses du sexe (TDS). Si le champ de l’intervention sociale en France avec les personnes TDS est vaste, deux modèles opposés se distinguent : les associations abolitionnistes construisant leur action sur un modèle vertical et les associations réglementaristes, majoritairement communautaires, dans lesquelles l’accompagnement se fonde sur une expérience partagée et un soutien par les pairs. La manière dont l’approche communautaire est pratiquée par les associations communautaires historiques de TDS est caractérisée par D. Welzer-Lang et M. Schutz-Samson par « la reconnaissance des compétences de terrain des personnes prostituées […] l’accès des “exclus” à des instances de décisions, de réflexions, de formations, la disposition d’un droit de parole face aux institutions » (1999, p. 26), tout en accordant une grande attention à leur « mieux-être » (p. 32).

Si l’association partage cette vision réglementariste et la volonté d’oeuvrer de manière communautaire, l’accompagnement tel qu’il s’y déploie ne correspond pas pleinement à celui proposé dans les associations communautaires historiques dédiées aux personnes TDS. La façon dont le communautaire est mis en place au sein de ce projet rejoint la dimension de l’attention accordée au bien-être et aux préoccupations des personnes, en revanche elle ne se concrétise pas par la participation active des personnes TDS à une vie de la communauté telle que décrite plus haut.

Dans le cadre de cet article, la rhétorique de la proximité est intimement liée à celle entourant la santé communautaire, la réduction des risques (RDR) et l’accompagnement mené dans ce sens. Nous nous concentrons sur les pratiques de proximité liées à l’accompagnement des personnes travailleuses du sexe dans le cadre de la vision du communautaire portée par l’association. C’est pourquoi, précisément dans le contexte supportant cette réflexion, la santé communautaire et la proximité sont intimement liées. La santé communautaire consiste en une démarche en santé dite globale, se réalisant dans une dynamique collective, participative et horizontale ayant vocation à inverser les rapports de pouvoir sachant/apprenant liés principalement à l’autorité médicale. Dans ce cadre, les pratiques de proximité favorisent la création d’un lien nécessaire à la coconstruction d’une démarche en santé dite communautaire. Au sein de l’association étudiée, les acteurs offrent une vision de la santé communautaire spécifique : les intervenantes intègrent pleinement leur rôle de médiatrice et de relais d’information entre les personnes TDS comme une modalité de la santé communautaire. La proximité y est à la fois envisagée comme un moyen et comme un objectif à atteindre dans l’accompagnement. Elle est nécessaire afin de nouer une relation de confiance et pour favoriser les échanges, donc la collecte d’informations permettant de mener des actions de RDR. C’est alors cette proximité qui structure la relation, permet l’interconnaissance et se positionne comme indispensable à la santé communautaire telle qu’entendue ici.

Comment cette notion de proximité se déploie-t-elle et s’articule-t-elle en pratiques dans le contexte de cette association avec les personnes TDS ?

MÉthodologie

Afin de comprendre les représentations et les enjeux de la proximité dans ce contexte, nous nous appuyons sur une étude anthropologique démarrée en 2018 dans le cadre d’un projet national finançant 28 projets visant à expérimenter ce qui a été appelé : l’accompagnement à l’autonomie en santé. Ce travail constitue le volet dit recherche d’un de ces projets mené en direction de personnes TDS dans trois villes du sud-ouest de la France au sein d’une association de lutte contre le VIH/Sida. Cette étude privilégie une méthodologie inductive et qualitative favorisée par un travail de terrain de dix mois entre les trois villes. Cette recherche multisituée a permis la collecte de nombreuses données obtenues par quatre outils complémentaires : des observations exploratoires et participantes, des discussions informelles du quotidien relevant de sa banalité comme de retours de situations spécifiques, la tenue d’un journal de bord et 45 entretiens enregistrés portant sur les représentations des notions d’autonomie, d’accompagnement et de proximité, tant avec les intervenantes de l’association, professionnelles (19) et volontaires (5), qu’avec des personnes TDS (10) et des professionnels de santé extérieurs prenant part à l’accompagnement (11). Les personnes interrogées sont essentiellement des femmes (11 hommes principalement des professionnels de santé extérieurs, aucun homme TDS), âgées entre 20 et 82 ans, de nationalité française (sauf 4 des personnes TDS : une Camerounaise, une Nigériane, une Bulgare et une Colombienne). La déontologie suivie respecte la confidentialité et l’anonymat des personnes, tant sur le terrain que dans les écrits. À l’aune de ce travail de terrain et des entretiens réalisés, trois éléments ont été identifiés par les intervenantes comme constitutifs de la proximité, à savoir la confiance, la disponibilité et l’authenticité, qui seront discutés en lien avec les savoir-être et les savoir-faire repérés par ces mêmes actrices pour participer à la créer. Après avoir dépeint une certaine identité de ce proche tel qu’il s’articule sur le terrain, nous reviendrons sur les ambivalences qu’il comporte, en appuyant particulièrement sur le flou qu’il induit dans le positionnement des actrices et sur sa relation à la notion de dépendance. Le travail proposé s’articule autour des représentations de la terminologie de proximité afin d’affiner une compréhension de la manière dont les intervenantes agencent, hiérarchisent ou imbriquent ces termes.

Cette étude est le fruit d’un travail de recherche individuel, toutefois conduit dans le cadre d’un projet national favorisant alors une réflexion collective sur l’accompagnement à l’autonomie en santé de manière générale. Les données exploitées dans cette proposition proviennent des retranscriptions d’entretiens réalisées, qui ont ensuite été triées et codées par thème avant de subir un second tri à l’intérieur de chaque catégorie, permettant de mettre en lumière les représentations communes autour de chaque terminologie et les axes de différenciation et de nuances qui se dessinent.

RÉsultats

Nous discutons d’abord des notions clés identifiées dans les discours des acteurs comme constituant le coeur des pratiques de proximité à savoir la confiance, la disponibilité et l’authenticité. Nous abordons ensuite les compétences entourant ce savoir-faire de la proximité, puis nous terminons par une partie soulignant les enjeux et les zones de tension entourant ces pratiques.

Au coeur de la proximité : confiance et disponibilité

Dans cette partie sont analysées les notions de confiance et de disponibilité, identifiées comme des éléments de discours récurrents chez les actrices s’exprimant expressément sur la notion de proximité. La proximité y est au fur et à mesure décrite comme délimitée dans un espace-temps propice à la relation et à la confidence. Comme un instant producteur de ce que nous avons choisi de qualifier d’« authenticité », au regard des différents extraits discutés.

Confiance

La proximité, qu’est-ce que c’est ? Lorsque la question est posée à Agathe, animatrice d’action et référente sur un des LM, elle la définit ainsi :

Un lien dans une relation de confiance déjà établie, qui nous permet de se sentir en toute sérénité pour pouvoir échanger, de façon intime ou non, mais dans tous les cas avec quelqu’un d’identifié comme repère et/ou ressource. Lâcher prise, être soi, être à l’aise et savoir qu’on peut compter sur la personne.

Plusieurs éléments de compréhension se dessinent dans cette réponse. La proximité s’inscrirait donc dans une dimension relationnelle. Elle pourrait se définir par la négative, c’est-à-dire par ce qu’elle n’est pas, à savoir une distance. Par ailleurs, la proximité s’inscrirait comme lien au sein d’une relation de confiance. On déduit de ce recueil que les termes de proximité, de confiance et de lien appartiennent au même champ lexical de la relation dans lequel ils jouent un rôle central, sans pour autant qu’il soit possible de définir un agencement déterminé entre ces trois termes. Cette question, de savoir si la proximité est nécessaire à la relation de confiance et à l’établissement d’un lien pérenne ou si elle constitue la finalité d’un travail de confiance permettant de stabiliser la relation, n’obtient jamais de réponse unanime. Proximité et confiance entretiennent un lien ténu. Si la confiance détient une place primordiale dans la définition de la proximité, une autre notion s’annonce centrale, la disponibilité. La disponibilité est envisagée ici comme une véritable éthique, pensée, réfléchie et ancrée structurellement dans le fonctionnement des associations dédiées à l’intervention sociale. Deux aspects jouant sur la polysémie du terme « disposition » participeraient à cette éthique de la disponibilité (Demailly, 2014) : une disponibilité à l’autre qu’on qualifiera de disposition sensible, qui pourrait être décrite comme un rapport professionnel particulier à l’émotionnalité et à la distance dans les relations d’accompagnement ; une disponibilité temporelle des intervenantes, fruit d’une configuration structurelle spécifique et volontaire de l’association.

Disponibilité

Proximité rimerait avec disponibilité. Celle des personnes TDS d’une part et celle des animatrices, d’autre part. En effet, les personnes accompagnantes évoquent d’emblée cette notion comme l’illustrent les propos de Nora : « pour parler de proximité je parlerais également de disponibilité ». Mais qu’entend-on par disponibilité ? Pour Iris, animatrice d’action et référente sur un autre LM, la proximité c’est : « être accessible ». La disponibilité, comme notion phare de la proximité, réaffirme dans ce sens la centralité de la relation et du lien. Mais pour Iris, la disponibilité s’inscrit dans un double mouvement : « être accessible » et « rendre accessible à toutes et tous nos services ». Il s’agit donc de s’engager soi dans une disponibilité, c’est-à-dire de cultiver une disposition d’ouverture envers l’autre, engageante en termes de temps et d’investissement de soi. Mais il s’agit aussi d’oeuvrer pour que cette disposition d’ouverture soit partagée par d’autres dans l’environnement extérieur. On notera que dans les deux cas, la disponibilité se traduit par un verbe actif, évacuant la notion de passivité accompagnant parfois cette disposition. Comment cette action se traduit-elle concrètement ? Pour Iris, la disponibilité s’illustrerait notamment par : « les contacts hebdomadaires téléphoniques qui permettent d’orienter et d’informer des TDS de toute la France pour un traitement d’urgence VIH, des dépistages ou du matériel de RDR ». La disponibilité ne serait donc pas que physique. Il faudrait être accessible sur un lieu identifié comme le local du LM, mais aussi de manière distanciée par le biais du téléphone ou des réseaux sociaux. On retrouve ici la définition que donne L. Demailly de la disponibilité comme : « le caractère adéquat, flexible, non stéréotypé de la prise en charge en réponse à une demande ou à un besoin » (2014, p. 12).

Dans cette vision, le caractère privilégié de la relation de proximité ne s’inscrit pas forcément dans la continuité d’une relation ou dans un travail de longue haleine. Il correspond à une confiance transmise et partagée au sens large puisque le terme de proximité est ici mobilisé dans le cadre d’échanges ponctuels avec des personnes inconnues, comme le spécifie Lisa, une autre animatrice d’action :

La proximité est aussi par exemple être contactée par une TDS non connue de l’asso qui nous fait confiance via l’information de la communauté, qui se déplace sur Châteauroux pour une IVG. IVG qui a pu être réalisée par tout un travail de partenariat et de proximité.

La proximité telle que perçue ici permet d’orienter et d’informer sur des situations sensibles touchant à l’intime. C’est ce que réaffirme Iris qui la décrit comme la : « création d’un climat de confiance qui permet aux TDS de poser toutes leurs questions sur les pratiques sexuelles pratiquées et de répondre par des outils adaptés de RDR ». L’échange sur ces thèmes particuliers nécessiterait une certaine proximité qui permettrait d’informer, mais aussi de répondre aux demandes. En précisant les conditions de réalisation de cette IVG, Iris souligne le caractère nécessaire de l’accessibilité. Ce « rendre accessible » se traduirait concrètement par un travail de partenariat et de sensibilisation de ces partenaires qui assurerait la disponibilité d’un réseau de professionnels compétents pour répondre aux diverses demandes sociales et médicales. Jusqu’alors, la proximité dans sa dimension de disponibilité s’exprime par un accès facilité aux professionnels compétents, par une accessibilité facilitée aux professionnels de l’association par l’identification d’un lieu ou d’une ligne de communication (téléphone ou réseaux sociaux) et par une disposition d’ouverture participant à être accessible à l’autre et à ses demandes.

À travers ces extraits d’entretien, un acteur majeur n’est jamais énoncé, mais toujours présent, à savoir le temps. Pour Lisa, la proximité dans son travail correspondrait : « au fait de ne pas avoir d’horaires spécifiques comme grand nombre de structures françaises », ce qui pour elle : « facilite les prises de contact et les entretiens ». On lit ici une conception du temps qui se distingue d’autres structures sanitaires et sociales. Elle serait une spécificité du fonctionnement de l’association et faciliterait les échanges avec les personnes accompagnées. Le temps s’illustre comme une valeur centrale dans la disponibilité et donc dans la proximité, mais aussi comme un instrument de différenciation avec d’autres structures d’accompagnement. À revers d’une conception du temps très maîtrisée largement partagée dans le monde professionnel contemporain occidental, le temps dans ce projet semble s’inscrire sur un continuum sans autre jalon que celui de la disponibilité. Il se caractériserait par son abondance, garante de la disponibilité des animatrices et de leur capacité à rendre accessibles les services. La conception du temps comme un espace de disponibilité s’inscrit comme un élément central de l’identité de l’association. Il s’agit ici de donner de son temps, de ne pas le compter. C’est d’ailleurs un élément de l’accompagnement reconnu et valorisé par les personnes TDS, comme le décrit Clara : « Ils prennent le temps, on discute de tout et de rien. » L’indissociabilité du temps, de la disponibilité et de la proximité est réaffirmée puisque c’est encore de lui dont il est question lorsque sont évoqués les potentiels freins à la proximité : « le manque de temps car le nombre de personnes accompagnées peut être parfois conséquent et malheureusement il m’arrive d’être moins disponible certaines fois », confie Agathe.

Mais être disponible pour quoi ? Les animatrices mettent en avant l’impératif d’être présentes lors de moments charnières. L’indisponibilité ou le « manque de temps » se révèle comme un des risques de l’accompagnement qui pourrait mettre à mal la création d’un espace de proximité : « Je sens une certaine frustration en moi, car il ne faut pas rater le moment où la personne est prête et a décidé de m’accorder du temps pour se livrer, au risque de ne plus jamais revivre ce moment-là » (Agathe). En contrepoint de ce témoignage, on entrevoit le mirage d’une disponibilité inconditionnelle garante de la vraie rencontre avec la personne accompagnée. Il s’agit de se rendre disponible de manière inconditionnelle pour rencontrer la disponibilité de l’autre, temporelle et émotionnelle : « En venant quand elles sont disponibles et quand elles le souhaitent permet une fluidité dans la discussion mais également d’aborder les inquiétudes/sujets qu’elles désirent » (Lisa). La disponibilité serait aussi un outil qui permettrait d’assurer la qualité de la relation en respectant les temporalités de la personne et de ce fait de la replacer elle et sa volonté au centre. La disponibilité est perçue ici comme garante de la rencontre et comme condition de la proximité. Il s’agit pour les animatrices d’être disponibles, quand les personnes accompagnées le sont aussi, pour favoriser le proche.

Authenticité

La proximité telle qu’envisagée par les intervenantes est au coeur de la relation et y produit des effets. Dans les propos d’Agathe évoqués, la proximité, telle qu’elle est représentée, serait garante d’une certaine qualité dans la relation. Elle participerait à l’établissement d’une bulle de « sérénité », de « lâcher-prise » permettant « d’être soi » et « d’être à l’aise ». Elle serait un des fondements d’une relation forte dans laquelle la personne pourrait être en confiance pour se livrer ou échanger de manière plus triviale. Dans le premier cas, Agathe ajoute que lorsque la relation de proximité est établie : « nous entrons dans des entretiens plus intimistes, personnels et parfois plus douloureux pour elles ». Elle précise : 

À ce moment-là, je parle de proximité car nous sommes dans une relation de confiance où la personne nous considère comme « proche » et plus forcément comme professionnelle. Son laisser-aller traduit l’entière confiance qu’elle nous porte et la valorisation qui va avec. Elle est inévitable et surtout indispensable dans mon travail d’accompagnement quotidien ou pas, de longue durée ou pas mais toujours basée sur un instant T, où la personne a décidé de se livrer, se confier, de faire part de ses doutes, craintes et même hontes.

Ce témoignage répond à celui de Louise et de Chloé, TDS :

E[1] : Et pour toi qu’est-ce qu’ils t’ont apporté ? Qu’est-ce qui t’a apporté le plus ?

L : Bah un grand soutien moral, puis même quand j’y vais je sais que je raconte un peu tout le temps ma vie, mais j’ai besoin de parler en fait.

E : Et qu’est-ce que tu dirais que l’association et Iris ont changé pour toi ?

C : C’est justement que je peux me confier. Si y’a quelque chose, je sais que je peux passer un coup de fil.

Ces termes de « soutien moral » et du verbe « confier » font écho à la vision de la proximité livrée par Agathe, qui ajoute une autre dimension à cette notion. Pour elle, la proximité s’inscrit dans un espace-temps circonscrit. La proximité correspond aussi à un instant déterminé. C’est selon elle un espace relationnel privilégié et sécurisé émotionnellement, dont la personne peut se saisir pour exprimer son intimité et s’aventurer dans des récits ou des témoignages douloureux. On est ici dans une conception de la proximité envisagée comme un « ancrage sensible et temporel » (Breviglieri, 2005, p. 221). Selon Breviglieri, elle est alors considérée comme un lieu : un lieu sensible, une place relationnelle particulière qui autorise. Elle permet d’aller plus loin dans la relation, encourage l’interconnaissance, suscite des rapports plus intimes et constitue la frontière poreuse qui brouille les marqueurs et la distance du professionnel. La proximité telle que décrite par Agathe induit un échange, une confiance de part et d’autre, qui serait vectrice de valorisation par le changement de statut du professionnel pour les personnes accompagnées. Ce lien établi autorise un remaniement des marqueurs de distance et de proximité. Pour Lisa, cette proximité se concrétise par :

Des témoignages où il est précisé « tu es la seule à qui je le dis », des récits de vie récoltés, des échanges qui dépassent les démarches administratives et sanitaires. C’est-à-dire quand nous sommes dans du personnel, du ressenti, de l’instant présent mais pas que. Quand elles me montrent leur famille en photo, en vidéo, quand elles me laissent parler à leurs amis/chéri/famille pour me les présenter, mais surtout « pour qu’ils savent qui tu es physiquement car je leur parle toujours de toi ».

Si cette proximité traduit la confiance que la personne accompagnée porte à la personne accompagnante, elle inscrit aussi la relation dans une réciprocité et dans une confiance partagée qui participe à minorer le rapport ascendant inéluctable de la relation accompagnante/accompagnée. Les personnes TDS témoignent fréquemment de leur vécu de l’isolement et d’un sentiment de marginalité. Le positionnement horizontal, décontracté et proche des intervenantes participe alors à les faire rentrer dans le cercle de sociabilité des personnes TDS, où elles occupent une place à part. L’écoute, la bienveillance, l’empathie et l’humour sont les qualités relationnelles des intervenantes les plus soulignées. Ces qualités dont elles font preuve, associées aux sujets abordés, qualifiés d’intimes, renforcent cette sensation de proximité et de relation privilégiée. C’est ce dont toutes témoignent : « je me sens écoutée », « on rigole bien », « j’aime bien quand elle passe me voir, on prend le temps », « on peut parler de tout », sont des expressions récurrentes dans les échanges avec Clara, Aya ou Lou, TDS en relation avec l’association. L’importance du caractère privilégié et singulier de la relation avec l’intervenante s’exprime par le fait que certaines ne sont pas prêtes à concevoir leur départ. Lorsqu’on leur demande ce qu’elles penseraient d’un potentiel changement, elles répondent : « peut-être que je ne viendrais plus » ou « ça ne serait pas pareil ». Et si certaines semblent envisager de partager cette relation avec une autre personne c’est seulement : « s’il y a le feeling » ou avec du temps : « il faudrait que je m’habitue », spécifie Clarisse.

Si la proximité permet la création d’une bulle propice à des échanges que nous avons choisi de qualifier « d’authentiques », elle s’inscrit aussi comme un outil privilégié des modes d’actions propres à l’association et faisant leur originalité dans le paysage du médico-social en France, à savoir la santé communautaire et la RDR. Ces approches sont mobilisées afin de rebattre les cartes des équilibres entre personnes accompagnées et personnes accompagnantes. En mettant au centre la personne accompagnée, ses compétences et son savoir comme conditions sine qua non de l’action, ces modes d’action tendent à minorer le rapport ascendant traditionnel de l’intervention sociale. Le choix de ces approches illustre un rapport à l’autre et à l’intervention sociale spécifique, à savoir un rapport à vocation égalitaire et horizontal. Cette vision non ascendante induit un rapport singulier de l’intervenante à ses pratiques et à son savoir : elle est accompagnante, médiatrice entre la personne accompagnée et le droit commun, mais surtout partage à égalité son rôle de sachant avec la personne accompagnée. C’est à partir du savoir de la personne, de ses temporalités et de ses ressentis que l’accompagnement évoluera. Dans ce cadre, la qualité de la relation d’accompagnement est centrale : la proximité en conjuguant confiance et disponibilité ouvre un espace authentique à l’échange. De ce fait, elle est centrale dans la rencontre et dans la création d’une dynamique égalitaire. Elle constitue alors un outil permettant d’inscrire l’accompagnement dans les approches de santé communautaire et de RDR. Pour Iris, « cette proximité est essentielle dans notre travail pour permettre d’accompagner les personnes et d’agir avec elles. Pour leur permettre un accompagnement qui favorise l’autonomie en santé et de façon globale. » En produisant un espace relationnel propice, la proximité permettrait l’accès à une intimité, mais également à des informations qui participent au développement d’une approche de RDR et qui permettent de produire de l’autonomie (Thalineau, 2009).

Ici la proximité a été envisagée à la fois comme un moyen d’empowerment qui a pour coeur la disponibilité et la confiance et à la fois comme un espace relationnel producteur d’authenticité. Cependant, la proximité ne semble pas établie de fait. On retrouve dans le discours des intervenantes la notion de processus et de mise en oeuvre de la proximité. En somme, la proximité, ça se travaille ! Ce n’est pas une proximité dite technique (Thalineau, 2009) dans le sens qu’elle ne fait pas l’objet d’une réflexion en amont et d’un processus l’aidant à l’établir. Mais l’établissement de cette proximité n’est pas non plus seulement la conséquence d’un « feeling » ou d’une relation sur le long cours. Des savoir-être et des savoir-faire participent à produire de la proximité.

Savoir-être et savoir-faire de la proximité

Dans cette partie, nous discuterons de savoir-faire et de savoir-être constitutifs du travail relationnel, permettant d’établir une relation de confiance et de créer de la proximité.

Écoute, non-jugement, bienveillance

Lorsqu’elles sont interrogées sur la mise en oeuvre de cette proximité, les TDS et les intervenantes soulèvent plusieurs éléments récurrents, comme le « non-jugement », la « confidentialité » ou « l’écoute » :

La proximité, c’est faire avec les personnes, apporter une écoute, permettre de libérer la parole, apporter un lieu de confidentialité et de non-jugement et répondre ainsi au mieux aux besoins des personnes

Iris

Ce témoignage fait écho à celui d’Aya, TDS, qui met en perspective l’accompagnement proposé par l’association étudiée avec celui déjà vécu avec d’autres associations caritatives :

J’en ai vu d’autres qui honnêtement étaient super gentils. Mais c’est la façon d’être, c’est l’écoute, c’est de pas être dans le jugement, c’est tout ça quoi.

À propos de l’écoute, Agathe, intervenante, spécifie : « l’écoute passive, tout comme l’écoute active », comme pour souligner le caractère nécessaire de la diversité des moments passés ensemble : intenses, dédiés à des démarches ou moments de partage s’inscrivant dans une dynamique quotidienne d’échanges informels, mais tout aussi importants pour la relation que les moments déterminants participant à répondre à des demandes précises. Si ces éléments sont ceux identifiés comme essentiels dans la proximité, il est intéressant de noter qu’ils correspondent au cadre commun à toutes les actions de l’association, régies par une dynamique de bienveillance, de non-jugement et de confidentialité des personnes. Une fois ce cadre de travail établi, d’autres éléments viennent participer à la création d’un espace de proximité.

Aller-vers

Outil phare de l’intervention sociale, l’aller-vers est une fois de plus évoqué en tête des outils relationnels favorisant la dynamique de proximité, même si pour Lisa il doit être couplé à d’autres éléments :

L’aller-vers, la régularité des actions et des temps de rencontres. Le respect de ce que la personne souhaite nous livrer ou pas, son rythme, ses priorités, ses coutumes, ses croyances. Et aussi, l’intérêt porté à la personne, pourquoi ses choix, les coutumes du pays, la considération.

Lisa met de l’avant l’aller-vers qui correspond de manière globale à aller à la rencontre de la personne et non pas à attendre que la personne vienne rencontrer les intervenantes. Dans ce contexte, il correspond à rencontrer la personne sur son lieu de travail entretenant parfois des porosités avec ses lieux de vie, à savoir : à son domicile, dans un camping-car, sur une place ou le long des routes. Le fait d’aller à la rencontre de la personne constitue, en premier lieu, un engagement fort. Il témoigne de la volonté de l’intervenante de rencontrer la personne accompagnée. C’est un acte symbolique particulièrement important pour les personnes TDS faisant souvent état d’une faible estime d’elles-mêmes. Le déplacement de l’intervenante, qui symbolise d’une certaine manière les instances dites légitimes et la société, participe à la reconnaissance de la personne et à sa valorisation (Crevier, 2010). C’est par extension ces instances et donc la société qui font un premier pas vers la personne et favorisent un sentiment d’inclusion et d’appartenance, aussi minime soit-il. Par ailleurs, ce déplacement permet d’avoir un accès privilégié aux subjectivités de la personne. Il induit une meilleure interconnaissance et un lien plus fort, dû à la confiance octroyée par la personne qui autorise l’accès à son espace privé. Le fait de se rendre auprès d’elle permet une meilleure compréhension de son vécu. L’aller-vers favorise une expérience partagée permettant de solidifier l’alliance accompagnante/accompagnée (Crevier, 2010). Cette mobilité permet également de réduire les freins empêchant parfois l’accès aux services. Le fait d’aller-vers permet, d’une part, de visibiliser l’offre de services disponible et, d’autre part, d’être identifiée comme une association de soutien. Une première rencontre hors-les-murs facilite souvent la prochaine venue de la personne au sein du LM dans lequel elle ne se serait peut-être pas rendue parce qu’elle n’aurait pas connu son existence ou qu’elle n’aurait pas osé franchir le pas de la porte.

Cet aller-vers est donc une modalité de la proximité, mais qui nécessite un certain savoir-faire. En effet, il ne s’agit pas seulement de se rendre « sur place ». Il s’agit aussi de savoir rencontrer l’autre. Si c’est un outil facilitant, il peut aussi être délicat à négocier. Aller-vers la personne, signifie entrer dans son espace physique et symbolique. L’intervenante doit dans ce cadre entrer dans l’habité de la personne et nouer un lien de familiarité avec, afin de créer un espace partagé, un habité commun qui permet l’expérience commune et de fait l’accompagnement (Breviglieri, 2006). L’aller-vers induit une certaine prudence de la part de chacun. C’est le temps de la rencontre pendant laquelle la personne accompagnée va évaluer la confiance qu’elle peut octroyer à l’intervenante qui doit d’une certaine manière, faire ses preuves.

Discussion

Mais ces conceptions classiques de la proximité́ rendent mal compte non seulement de son ancrage sensible et temporel, mais aussi des manières dont elle peut poursuivre un bienfait sans se compromettre dans les vices d’un lien de subordination

Breviglieri, 2005, p. 222

La proximité en tant que notion a été décrite ici à travers la parole des intervenantes comme traversée par le sentiment de confiance, la capacité à se rendre et à faire sentir sa disponibilité ainsi que par un sentiment d’authenticité dans la relation et dans les échanges. À l’aune du tri effectué dans les entretiens, elle est envisagée comme le fruit de savoir-faire et de savoir-être parmi lesquels l’écoute, le non-jugement et la démarche qualifiée d’aller-vers. La parole des intervenantes de l’association étudiée propose une définition et des représentations particulières de la proximité. Nous allons dans cette discussion creuser plus profondément les marqueurs repérés de cette proximité en appuyant sur les ambivalences et les points de vigilance que les acteurs de terrain soulèvent. Nous soulignerons principalement deux aspects, à savoir la dissymétrie des places que chacun occupe et le rapport à la dépendance dans cette relation.

Différentes places, différents rôles

Un des premiers éléments, mis en avant par les animatrices et engageant à une certaine prudence, est la différence des rôles et des places attribués dans la relation. La responsabilité de cette dissymétrie serait en partie due aux pratiques de proximité. C’est ce que M. Crevier appelle la « confusion des rôles professionnels » (2010). Les intervenantes notent que si les personnes TDS envisagent la proximité avec elles de manière telle qu’elles les apprécient parfois comme des amies, ces dernières ne peuvent entrer dans cet espace de réciprocité. Lou, TDS, nous éclaire sur cette relation ambiguë :

C’est le fait que quand on arrive on est directement traités comme un ami. Y’a pas de distance, c’est vraiment comme si on parlait avec un ami qu’on connaît depuis longtemps. Et t’as pas la barrière de quand tu connais pas quelqu’un, t’es réservée, tu sais pas comment ça marche, tu sais pas comment va réagir la personne, tu sais pas tout ça. Et là ben en fait j’avais pas tout ça. Direct quand je suis venue, j’ai été accueillie, on m’a parlé, on m’a proposé un café. Je me suis sentie directement acceptée, appréciée.

Ici, la relation amicale est identifiée par des marqueurs comme l’absence de distance, le caractère chaleureux des rapports et une absence de jugement, qui participent d’un accueil singulier et apprécié. L’ambiguïté de la teneur de cette relation peut ainsi advenir dès les prémisses de la relation, par un positionnement professionnel s’inscrivant dans les marqueurs de la proximité. D’autres éléments sont à prendre en compte, comme l’envers de la disponibilité et de la circonscription des missions des animatrices, qui ne sont alors plus perçues comme un relais de santé et d’autonomie, mais pleinement comme des accompagnantes de vie à qui on peut tout dire comme le note Sandra : « On se sent libre d’appeler pour parler … pour parler de tout. » Cette place singulière ne participe pas à marquer la frontière de la relation professionnelle, ce qui pour Agathe constitue la difficulté principale :

La difficulté est la relation professionnelle. Souvent identifiée et qualifiée comme leur amie/soeur, je trouve tout de même important de leur dire que je suis là, au travail. C’est mon travail d’être à l’écoute, « gentille ». Mais il est parfois difficile de se limiter à cela quand je vois la posture sur laquelle elles me mettent, le piédestal. Leur rappeler que c’est mon travail d’être telle que je suis est important pour rester dans une relation professionnelle, mais ça me met régulièrement mal à l’aise de leur renvoyer une relation professionnelle/usager, car je mets tout en oeuvre pour justement ne pas faire de différence de posture comme par exemple enseignant-enseigné.

On perçoit ici toute la difficulté pour les animatrices de mener une relation de proximité comme définie plus haut, à savoir égalitaire et horizontale, tout en maintenant une distance professionnelle. En premier lieu, Agathe note que le simple rappel des places de chacune est délicat au regard de la vision de l’accompagnement portée par l’association. Le rappeler, c’est marquer un clivage de subordination. Le second point d’achoppement réside dans l’ambiguïté des savoir-être comme compétences. Ce qui peut être perçu comme un trait de personnalité suscitant l’attachement et vecteur d’une relation authentique, comme l’écoute ou la gentillesse, est aussi ici de l’ordre de la compétence professionnelle. On entrevoit alors toute l’ambiguïté de l’importance attachée aux savoir-être dans l’association et le nombre de questionnements que leur mobilisation peut susciter. Il s’agit ici d’avancer des parties constitutives de son être comme outil professionnel. Dans ce cadre où est la frontière entre le personnel et le professionnel ? Comment refuser la réciprocité, tout en maintenant la relation ?

Distance et rapport de dépendance

Par extension avec l’ambiguïté suscitée par l’impossible réciprocité des rôles de chacune, se pose la question de la dépendance à l’autre et de son irremplaçabilité. Cette notion de dépendance, toujours envisagée comme un écueil de l’accompagnement, est souvent mentionnée. Elle semble avoir diverses manifestations, parmi les deux principales, la dépendance affective, présente en filigrane dans la confusion des rôles professionnels et la dépendance due à la langue. Comme le note une animatrice, un des écueils de la relation serait de « rendre perso-dépendant l’accompagnement, notamment lorsque les personnes ne parlent pas français ». Nous évacuons logiquement dans cette réflexion le cas des personnes accompagnées francophones. La barrière de la langue s’est révélée un véritable enjeu dans ce projet, au premier abord pour rentrer en contact avec les personnes et en second lieu pour transférer les personnes vers le droit commun. Cet enjeu se manifeste de manière plus ou moins évidente suivant les LM. Dans un premier LM travaillant principalement avec des personnes hispanophones, l’animatrice parle couramment l’espagnol. Ce langage commun s’est avéré un formidable vecteur de lien et de confiance permettant une complicité immédiate et facilitant la compréhension mutuelle. Dans ce cas, les personnes accompagnées, assurées d’être comprises, se référent naturellement à l’animatrice en question pour nombre de leurs démarches. L’importance de cette langue commune et de ses résonances de fiabilité et de sécurité n’est pas à minimiser puisque vraisemblablement, c’est ce dénominateur commun qui serait à la source de nombreux appels et d’un bouche-à-oreille largement partagé à l’échelle nationale. Dans les deux autres LM, la situation est quelque peu différente puisqu’aucune des animatrices ne parle la langue natale des personnes TDS. Ces dernières communiquent donc dans une langue apprise et maîtrisée de manière variable, en anglais ou en français. L’accompagnement se tisse dans ces cas sur un autre type de relation à la communication. Il s’agit de créer un langage commun permettant de se comprendre et de faire confiance à l’autre. Une part importante de la communication passe alors par le corps et la gestuelle. Mais souvent ce sont des codes communs et un mode de communication en lui-même qui se créent, favorisant alors la confiance, mais également de la part des personnes TDS, une certaine forme de dépendance aux animatrices qui les comprennent grâce au temps passé ensemble. Cependant, la création d’un langage commun est un exercice long et fastidieux. On comprend que, dans ce cadre, il est parfois ardu, décourageant ou fatigant de s’en remettre à d’autres professionnels. Parce que la fluidité du langage travaillée de concert est meilleure, mais également car ce langage commun assure une certaine qualité de compréhension et de fiabilité des informations reçues.

La dépendance envisagée doit cependant être nuancée avec l’agentivité des personnes, qui ne sont pas seulement réceptrices passivement d’un accompagnement ou d’un soutien. Cette agentivité peut se concrétiser par des refus de rencontre ou d’accompagnement, mais aussi par l’humour et des contreparties à l’accompagnement que certaines proposent et qui participent d’un rééquilibrage dans la relation. Pour exemple, Hortense se réjouit des visites de l’intervenante Iris, car elles seront l’occasion d’un moment de partage et de rires :

On rigole des fois, on a des crises de rire, c’est … c’est bien. Moi j’aime bien Iris. Elle est sympa, c’est vrai. Alors je sais qu’elle aime bien la tarte aux pommes, alors à chaque fois, je vais lui chercher une tarte aux pommes. C’est vrai qu’ils sont sympas.

L’humour, les cadeaux ou les attentions culinaires constituent des contreparties à l’accompagnement qui participent à reconfigurer le rôle du professionnel et à instiller de l’authenticité, de la sincérité pour déplacer le déséquilibre constitutif de ce type de relation et le rapport de pouvoir.

Conclusion

Tour à tour envisagée comme un objectif à atteindre, comme un outil de l’accompagnement et comme un risque (Baillergeau, 2004), la proximité est indissociable de l’accompagnement proposé par l’association. Comme énoncé dans l’introduction, elle représente, pour nombre d’intervenantes, le plus grand des écueils, mais aussi une grande satisfaction en tant que professionnelles de la relation. La difficulté est alors de jongler avec les déséquilibres induits par la proximité comme on le retrouve dans nombre d’écrits décrivant l’interstice des relations soignants-soignés dans la sphère du care (Membrado, 2014).