Comptes rendus

Daniel Andler, Anne Fagot-Largeault et Bertrand Saint-Sernin, Philosophie des sciences I et II, Paris, Gallimard, collection Folio Essais, 2002, 1334 pages.[Notice]

  • Maurice Gagnon

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  • Maurice Gagnon
    Université de Sherbrooke

NDLR

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L’introduction de l’ouvrage brosse un tableau synthèse de la philosophie des sciences au xxe siècle. Pendant les 20 à 25 premières années, les philosophes, de Bergson à Russell en passant par Mach et Whitehead, travaillent à prendre en considération les changements importants survenus dans les sciences : théories des ensembles, des champs, des quanta et de la relativité, cosmologie scientifique, lois de l’hérédité, logique mathématique. Puis vient un rapprochement entre science et technologie, plusieurs pays se dotant d’outils de politique scientifique, en même temps que se développent la mécanique quantique et la théorie des jeux. La phénoménologie tourne le dos à Husserl en s’éloignant des sciences, mais les gens du cercle de Vienne, traqués par le nazisme, émigrent et donnent un fort élan à la philosophie des sciences, surtout aux États-Unis. Une troisième période commence avec les oeuvres de Kuhn et de Foucault, en même temps que naissent la biologie moléculaire et l’informatique, que la médecine accentue son côté scientifique, que les technologies foisonnent, que la recherche scientifique devient de plus en plus oeuvre collective, et que les sciences psycho-sociales s’évadent de cadres rigides (marxisme, psychanalyse, structuralisme, behaviorisme, relativisme culturel). Le positivisme est critiqué par les sociologues, les historiens et les philosophes postpositivistes. La philosophie de la biologie s’affirme, la physique perd son statut de science modèle, on formule les limites des mathématiques et des formalismes logiques ; l’intérêt des philosophes pour dévoiler l’unité de la science s’amenuise, et cette dernière est prisée tant pour ses retombées technologiques que pour ses théories. La philosophie des sciences renoue avec la philosophie tout court, avec les questions philosophiques fondamentales. Le but des auteurs est de « dégager les contenus et la dynamique des sciences » (p. 23) en privilégiant une approche internaliste. Ils donnent préséance à l’ontologie sur la méthodologie, non par rejet de la seconde, mais en vertu d’intérêts et de perspectives récentes. L’ontologie comporte trois questionnements : la possibilité d’une philosophie de la nature, incluant la rencontre entre les visions scientifique et commune du monde ; la double unité du réel et de la science, où les auteurs optent pour une interconnexion non réductionniste des sciences et un réalisme modéré, et enfin les entités théoriques qui peuplent les diverses sciences. Dans la première partie, intitulée Gnoséologie, Bertrand Saint-Cernin examine Les philosophies de la nature comme « vision systématique de la réalité qui soit compatible avec les résultats avérés des sciences et qui donne sens à ce que nous pensons, à ce que nous faisons et, idéalement, à ce que nous sommes » (p. 33), en faisant le pari qu’une connaissance réelle du monde, et non seulement des images cohérentes, est possible. Cela revient à dire que les causes formelle et finale témoignent « de la présence d’un logos dans la nature » (p. 35). Saint-Cernin examine successivement les Natural Philosophies de Newton et Herschel, les Naturphilosophien allemandes (Goethe, Fichte, Shelling et Hegel), les philosophies de la nature de Cournot et de Whitehead. Il conclut que bâtir une philosophie de la nature est une entreprise légitime, aux conditions suivantes : 1) il est impossible de constituer une science unifiée de la nature « qui embrasse tous les phénomènes en un seul système » (p. 122), dont la philosophie de la nature serait une doublure inutile ; 2) la nature est constituée de régions irréductibles les unes aux autres, possédant chacune sa structure et ses lois ; 3) il est possible d’identifier les représentations de la nature « qui restituent l’ordre des choses » (p. 124), en rejetant « celles qui n’ont qu’une valeur verbale ou logique » (ibid.), ce …