Comptes rendus

Werner Stelzner, Lothar Kreiser, Traditionelle und nichtklassische Logik, Paderborn, Mentis, 2004, 453 pages.[Notice]

  • Guillaume Fréchette

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  • Guillaume Fréchette
    Université de Hambourg

Le but poursuivi par l’ouvrage de Stelzner et Kreiser consiste à recenser, dans la période de transition entre la logique traditionnelle et la logique moderne, certains travaux russes et allemands de logique non classique qui sont significatifs et peu connus. Pour reprendre le mot des auteurs, l’ouvrage tâche d’analyser les conséquences sémantiques des théories logiques épistémiques non classiques et du coup à éliminer les taches aveugles apparaissant sur la carte géographique de l’histoire de la logique (p. 13). Cette annonce est prometteuse, toutefois elle ne précise pas de quelle carte géographique il sera question et elle consacre trop peu de mots à la description de la relation des éléments cartographiés: à part la nationalité russe ou allemande des auteurs abordés, le seul dénominateur commun des théories étudiées est la négligence dont elles ont été l’objet dans l’histoire de la logique ainsi que leur disposition à être formalisées au moins en partie à l’aide des instruments modernes. À ces deux critères de sélection explicites s’ajoutent cependant des critères implicites: ainsi, une large place est donnée à la Logik de Sigwart (1873) et à celle de Wundt (1880); Trendelenburg et Lotze sont également abordés bien que beaucoup moins systématiquement que Sigwart; les travaux des logiciens russes Losskï, Vasiliev, Vladislavlev et Orlov sont discutés en détail, mais rien n’est dit de la contribution logique de Brentano et de son école alors qu’elle répond pourtant aux deux critères explicites. La division des chapitres reprend en partie la division de la logique employée au XIXe siècle: a) théorie du concept (ou théorie des éléments); b) théorie du jugement (ou théorie de la proposition, selon les logiciens); et c) théorie de la déduction. Des chapitres sur des thèmes plus spécifiques ont été intercalés dans cette structure de base: théorie de la négation (chapitre 3), théorie des moda­lités (chapitre 4) et théorie des connexions propositionnelles (chapitre 5). On regrettera que les auteurs aient jugé bon de n’émettre aucune conclu­sion à cet ouvrage par ailleurs doté d’une introduction substantielle (p. 15-87) sur les grands thèmes et les figures importantes qui ont marqué le développement de la logique allemande au XIXe siècle. Le point de départ auquel se réfèrent les auteurs est la conception kantienne de la logique et de ses catégories: quantité, qualité, relation et modalité. Cette conception joue un rôle important puisque c’est là le point de référence des logiciens post-kantiens comme Herbart, Drobisch, Lotze, Sigwart, Lipps ou Windelband, sur lesquels les auteurs reviendront dans le coeur de l’ouvrage. Parmi les grands thèmes présentés dans l’introduction, c’est le débat sur le psychologisme en logique qui prend nettement la place prépondérante. Comme les auteurs le soulignent, ce débat qui marque la transition entre la logique traditionnelle et la logique moderne n’a d’égal en intensité dans aucune autre phase de l’histoire de la logique. Ainsi, c’est principalement sur la question du statut épistémique de la logique, dont dépend le caractère psychologiste ou antipsychologiste d’une logique, que s’affrontent les protagonistes. Or une grande place est accordée aux logiciens non classiques qui défendent une conception épistémique plus ou moins forte de la logique. Ceux-ci sont opposés à Lotze, Bolzano et Frege, qui défendent une conception ontologique (anti-psychologiste) de la logique, mais également aux anti-psychologistes normatifs comme Windelband. Dans la dernière partie de l’introduction, ces deux conceptions et leurs variantes sont exami­nées essentiellement sur le plan programmatique. Le premier chapitre, Jugement et logique (p. 88-146), aborde la conception et le rôle du jugement dans les logiques de Herbart, Lotze, Windelband, Sigwart et Frege. C’est surtout la discussion de la conception sigwartienne qui retient l’attention. Chez Sigwart, trois conditions sont nécessaires …