Comptes rendus

Schnell, Alexander. Réflexion et spéculation. L’idéalisme transcendantal chez Fichte et Schelling. Grenoble, Jérôme Millon, collection Krisis, 2009, 232 p.[Notice]

  • Manuel Roy

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  • Manuel Roy
    Université Humboldt Berlin

Avant tout spécialiste de la phénoménologie allemande et française ainsi que de Heidegger, Alexander Schnell s’intéresse depuis de nombreuses années à l’idéalisme allemand, et en particulier aux pensées de Fichte et de Schelling, notamment en vue de mettre en lumière les liens d’affiliation qui existent entre l’idéalisme transcendantal et la phénoménologie. Dans son avant-dernier ouvrage, Réflexion et Spéculation. L’idéalisme transcendantal chez Fichte et Schelling, paru en 2009 chez Jérôme Millon, Schnell aborde la question de la différence entre les systèmes philosophiques de Fichte et de Schelling. S’il est nécessaire d’étudier à nouveau cette question initialement soulevée par Hegel en 1801 et déjà beaucoup débattue depuis, estime Schnell, c’est que le débat sur ce point s’est jusqu’à maintenant essentiellement déroulé dans l’ombre de la pensée de ce dernier et n’a fait que reproduire son jugement. Bien que Schnell ne prenne pas lui-même la peine d’expliquer en quel sens, il me paraît nécessaire, afin de mieux comprendre l’intention de ce dernier, de dire quelques mots à ce sujet. Hegel, on le sait, s’est pour la première fois prononcé publiquement sur cette question dans la Differenzschrift, à une époque où Schelling passait encore généralement pour un simple porte-parole de Fichte. Une lecture attentive des oeuvres de Fichte et de Schelling, expliquait alors Hegel dans ce texte, révèle que l’élève a dépassé le maître. En quel sens ? Pour Fichte comme pour Schelling, il s’agit de mener à son terme la philosophie, conçue comme amour du savoir. Mais le savoir est conscience de l’identité de la représentation et de la réalité, du sujet et de l’objet. Achever la philosophie, c’est donc découvrir une voie d’accès à la conscience de cette identité. Or Fichte, juge Hegel, ne parvient pas vraiment à cette conscience. Certes, la doctrine fichtéenne part de l’intuition intellectuelle dans laquelle le sujet est immédiatement saisi comme identique à l’objet. Cependant, cette intuition dans la perspective fichtéenne s’oppose à la conscience d’objet, avec laquelle elle doit être conciliée. La question de Fichte, dans la doctrine de la science, est alors la suivante : comment la conscience de l’identité du sujet et de l’objet peut-elle cohabiter avec la conscience de leur différence ? Avec cette question, juge Hegel, la spéculation, c’est-à-dire l’activité réflexive de l’intelligence, qui au départ se posait elle-même comme absolue, « s’abandonne, elle abandonne son principe et ne revient pas en lui ». Fichte conclut en effet, selon Hegel, que, puisqu’il y a conscience de la différence du sujet et de l’objet, la conscience ou l’affirmation de leur identité n’est pas d’ordre théorique, mais pratique. L’intelligence, dans la perspective fichtéenne, ne pose l’identité du sujet et de l’objet que parce que cette identité est exigée à titre de postulat de la conscience morale. En dernière analyse, donc, la conscience de l’identité du sujet et de l’objet n’est pas la conscience de ce qui est, mais de ce qui doit être (de ce qu’il me faut supposer comme étant) si je dois pouvoir m’affirmer comme être moral. Quant à la possibilité de la conscience de la réalité effective de cet état de chose, elle est renvoyée à l’infinie. Aussi Hegel caractérise-t-il l’idéalisme de Fichte comme subjectif, parce que l’affirmation fichtéenne de l’identité du sujet de l’objet repose exclusivement sur une nécessité morale dont la validité objective ne peut en aucun cas être confirmée. Dans la perspective schellingienne, au contraire, note Hegel, la conscience de l’identité du sujet et de l’objet n’est pas opposée à la conscience de leur différence. Mais parce que Schelling admet en principe l’identité effective du sujet et de l’objet, saisie dans l’intuition intellectuelle, il …

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