Comptes rendus

Claude Ameline, Traité de la volonté, précédé de L’Art de vivre heureux (attr. à C. Ameline), édition, introduction et notes de Sébastien Charles, Paris, Vrin, coll. « Textes cartésiens en langue française », 2009, 294 p.[Notice]

  • Jean-Luc Filion

…plus d’informations

  • Jean-Luc Filion
    Université d’Ottawa

Espérons que la série des « Textes cartésiens en langue française », dirigée par Denis Moreau et éditée dans la collection « Bibliothèque des textes philosophiques » chez Vrin, facilitera des recherches précises sur ce qu’on nomme parfois trop vaguement l’héritage cartésien. Des textes d’Arnaud, de Cordemoy, de Desgabets, de La Forge, et de bien d’autres cartésiens sont à paraître. L’intérêt de rééditer ces auteurs qui ont écrit dans le sillage de Descartes est avant tout pratique. Les textes de la plupart de ces écrivains de la seconde moitié du xviie siècle sont désormais soit indisponibles soit accessibles, mais dans des éditions peu conviviales. D’où l’effort de cette série qui cherche à éviter que tombe dans un oubli complet un pan du patrimoine philosophique français. C’est donc dans cette optique éditoriale que nous retrouvons la réédition du Traité de la volonté (1684) de l’oratorien Claude Ameline, précédé de L’Art de vivre heureux (1667, 1690) qui lui fut vraisemblablement faussement attribué (« Pseudo-Ameline » sera alors tout indiqué pour nommer l’auteur anonyme de ce traité). L’introduction et les notes de Sébastien Charles tentent avec intelligence de jeter quelque lumière sur cette attribution douteuse. Toutefois, d’entrée de jeu, S. Charles nous avise que son choix éditorial ne se réduit pas à prouver si Ameline est bel et bien l’auteur de L’Art de vivre heureux : L’interrogation qui anime ces deux traités s’attache à déterminer la possibilité de parvenir au bonheur malgré la concupiscence dans laquelle baigne l’humanité depuis la chute d’Adam. Le problème capital s’avère donc celui de la liberté comme le mentionne explicitement le Pseudo-Ameline : « Ainsi toute la difficulté se réduit à cette fameuse question de savoir si, sans la foi ou sans la grâce, on peut faire de bonnes oeuvres » (p. 44). Si la question est la même, les réponses, quant à elles, divergent considérablement. C’est ainsi que doit s’interpréter la rupture entre les deux traités, malgré leurs apparentes similitudes. Si l’hypothèse de la félicité terrestre, qui s’acquiert selon une association de la vertu de Zénon à la volupté d’Épicure, est bel et bien assumée par l’auteur de L’Art de vivre heureux, Claude Ameline, de son côté, accorde davantage au bonheur céleste, dépendant de la grâce. D’où un premier élément capital de divergence : le ton. L’optimisme du Pseudo-Ameline témoigne d’une influence cartésienne marquée par la morale provisoire de la troisième partie du Discours de la méthode. Bien que le Traité de la volonté ne soit pas sans rappeler quelques thèses cartésiennes, il n’en demeure pas moins que la fréquentation de Malebranche lui donne une inflexion beaucoup plus pessimiste. L’intérêt de joindre ces deux traités en une même édition repose alors bel et bien sur la possibilité d’analyser deux déclinaisons possibles de cet état d’esprit d’une philosophie chrétienne marquée par l’héritage cartésien. Une autre source de divergence permet cependant d’approfondir la manière dont peut s’orienter l’héritage cartésien dans la pensée chrétienne : le rapport aux philosophes païens. Pour Claude Ameline, comme pour beaucoup de chrétiens, c’est la considération de la vie future qui détermine la supériorité de la sagesse du christianisme sur celle d’un Zénon ou d’un Épicure. Si le désir d’être heureux est le désir fondamental de l’être humain, il doit s’entendre, dans la perspective anthropologique adoptée par Ameline, comme principe d’explication des différents types d’amour (l’amour des choses sensibles, de la gloire et de la connaissance) et des maladies de l’âme qui en découlent. L’auteur du Traité de la volonté procède alors à une dissection ou une anatomie de l’âme tout à fait en consonance avec l’esprit des Passions de l’âme de …