Comptes rendus

Pol Vandevelde, Heidegger and the Romantics : The Literary Invention of the Meaning, Routledge, New York/London, 2012, XIV, 202 p.[Notice]

  • Guillaume Fagniez

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  • Guillaume Fagniez
    Université Libre de Bruxelles

La pensée de Heidegger et celle des romantiques présentent des affinités qu’on ne saurait méconnaître, et plusieurs thèmes communs : la poésie comme langue originaire, l’herméneutique, la traduction — et peut-être même la question politique, puisque c’est sous ce rapport que Arendt a pu qualifier Heidegger de « dernier des romantiques ». Leur rapprochement n’a pourtant jamais reçu de traitement d’ensemble ; c’est donc un manque bien réel que l’ouvrage de Pol Vandevelde vient d’abord combler de façon tout à fait opportune. En se présentant sous le titre Heidegger et les romantiques, en s’avançant donc sous la livrée académique convenue de la comparaison, de la généalogie historico-philosophique, l’ouvrage pourrait toutefois décevoir : il ne se penche pas tant, en effet, sur la rencontre annoncée par son intitulé principal, que sur cet autre thème, plus discrètement signalé par son sous-titre, et sans doute plus ambitieux : L’invention littéraire du sens. L’ouvrage entend croiser ces perspectives historique et thématique, en mettant l’accent sur la seconde : la question des rapports de la littérature et de la philosophie est ici au centre de la réflexion, qui s’ouvre sur le constat que celle-ci n’a longtemps pu être véritablement posée, étant donné le « cadre platonicien aporétique » (p. 5) qui était le sien. L’art en effet ne peut avoir de véritable autonomie, ni surtout de vérité propre, dès lors qu’il est conçu à partir de la mimèsis. Toute l’histoire des relations entre littérature et philosophie pourrait ainsi s’écrire comme celle d’un « défi » à relever, celui du « modèle mimétique », auquel on ne saurait mieux répondre qu’en envisageant une « invention du sens » proprement littéraire, en concevant donc le sens comme invention — à mi-chemin entre la simple découverte et la production. Or, pour concevoir une telle invention, « deux modèles » s’offrent à nous : l’un élaboré par le premier romantisme (dont l’auteur retient pour l’essentiel Schlegel, Novalis, et dans une moindre mesure Schleiermacher) ; l’autre proposé par le Heidegger des années trente et du début des années quarante. C’est la caractérisation de la littérature à partir de la thèse d’une invention littéraire du sens — notamment dans ses implications ontologiques — qui motive et légitime ici la « comparaison » entre les romantiques et Heidegger, et la mise au jour de « l’étroite connexion de leurs projets “littéraires” respectifs » (p. 8). Concevoir en effet le sens comme s’inventant au contact de l’être inachevé des choses — lesquelles adviennent à ce contact même —, c’est apporter une réplique à la tradition platonicienne qui redéfinit entièrement le cadre du problème. C’est donc autour de cette question que se déploie ici l’« analogie » entre Heidegger et les romantiques, et l’auteur insiste sur le caractère non strictement historique de son propos : il n’y a pas, dit-il, de « filiation » qui unirait le premier romantisme à Heidegger ; et c’est à juste titre que l’auteur prend en considération une objection majeure, à savoir que Heidegger situe le romantisme dans le cadre du « subjectivisme métaphysique ». Cependant, tout en s’entourant de ces précautions bienvenues, l’auteur avance la thèse d’une sorte de fondation réciproque de la pensée de Heidegger et du romantisme. Fondation historique de la pensée de Heidegger par le romantisme : elle serait une « continuation du projet romantique » (p. 15), sur la base duquel elle s’édifierait. Fondation ontologique du romantisme par Heidegger : en le radicalisant, Heidegger procurerait au projet romantique sa justification ultime, sous la forme d’une « nouvelle ontologie » que Vandevelde appelle une « ontologie fluide ». La …