Comptes rendus

Brice Halimi, Le nécessaire et l’universel. Analyse critique de leur corrélation, Paris, Vrin, 2013, 254 pages[Notice]

  • Neil Kennedy

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  • Neil Kennedy
    Université du Québec à Montréal

Ce qui est universellement le cas est-il nécessairement le cas et, inversement, ce qui est nécessairement le cas est-il toujours universellement le cas ? Dans Le nécessaire et l’universel. Analyse critique de leur corrélation, publié chez Vrin en 2013, Brice Halimi répond par la négative et revient sur ce qu’il appelle la thèse de la corrélation, une thèse qui identifie universalité et nécessité. L’auteur estime que l’identification est non fondée, que « ni la synonymie ni même la coextensivité des deux concepts ne va de soi » (p. 7), et qu’il faut donc la rejeter. À la place de la corrélation, ce que Halimi nous propose est une conception de l’universalité « déliée » de la nécessité, de même qu’une conception de la nécessité « déliée » de l’universalité. D’après l’auteur, la première véritable occurrence de cette thèse se trouve dans la seconde introduction de la Critique de la raison pure où Kant affirme que « [n]écessité et rigoureuse universalité sont […] des critères sûrs d’une connaissance a priori et renvoient en outre, inséparablement, l’une à l’autre » (tel que cité par Halimi [p. 9]). Dans le premier chapitre, Halimi prend soin d’écarter des sources « faciles » de contre-exemples qu’on pourrait avancer contre la corrélation : on pensera à l’existence de généralisations contingentes, d’une part, et à l’existence de vérités nécessaires singulières de l’autre. En ce qui concerne ces dernières, Halimi prétend que des vérités nécessaires comme 5 + 7 =12, par exemple, ne sont singulières qu’en apparence, car les nombres ne sont pas des objets particuliers mais des schèmes généraux (p. 16). Si la corrélation est erronée, ce n’est donc pas en vertu de tels contre-exemples. Halimi avance plutôt que l’énoncé même de la thèse comporte quelque chose d’antinomique, si ce n’est contradictoire (p. 26-28). Kant est toujours à l’honneur dans le deuxième chapitre, où l’auteur cherche à élucider le sens et la justification de la thèse. Plusieurs textes kantiens où la question de l’universalité apparaît sont examinés, mais Kant ne donne pas d’arguments réels en faveur de la thèse selon Halimi. En dépit de cela, il déclare néanmoins que « la corrélation n’est pas une thèse mais un véritable principe caché du système transcendantal, sans lequel l’analyse kantienne ne pourrait se déployer » (p. 39). Au chapitre III, on fait un tour historique de la question de la généralité. Chez Husserl, on retient que la généricité et le possible sont deux notions qui s’articulent conjointement. Halimi croit trouver un allié chez Wittgenstein, dans sa réfutation de la thèse de la corrélation. Plus précisément, au paragraphe 6.1231 du Tractatus, on distingue la validité générale de la validité logique, et la discussion qui suit ce paragraphe donne à penser que les deux ne coïncident pas nécessairement. Par ailleurs, les notions de variable et d’opération, qui sont au coeur du Tractatus, enrichissent le thème de la généricité développé plus loin par l’auteur. Dans cet état des lieux, on retrouve von Wright, le seul philosophe qui mentionne explicitement la relation entre nécessité et universalité. Il semblerait toutefois qu’il s’intéresse davantage à la distinction entre une vérité empirique universelle (une loi de la nature justifiée par l’expérience) et une vérité universelle analytique. Finalement, chez Kripke, Halimi souligne deux points. D’une part, que la distinction apriori/nécessaire est indépendante de la distinction universel/nécessaire, et donc que les exemples kripkéens appuyant la première ne signifient pas nécessairement quelque chose pour la dernière. Et, d’autre part, qu’un énoncé d’identité comme « Hesperus = Phosphorus » n’est pas un énoncé nécessaire …

Parties annexes