Comptes rendus

M. Weber, La Domination, traduit de l’allemand par Isabelle Kalinowski, note éditoriale d’Yves Sintomer, Paris, Éditions La Découverte, coll. « Politiques & Sociétés », 2013, 427 pages[Notice]

  • Marc-Kevin Daoust

…plus d’informations

Les manuscrits originaux à partir desquels est publié l’ouvrage La domination datent du début des années 1910. Ces manuscrits devaient être une composante de la vaste entreprise gravitant autour d’Économie et société. Weber est toutefois emporté par la maladie avant la publication de ces oeuvres. La domination ne sera achevée qu’après la mort de Weber, par sa femme Marianne Weber. Dans les années 1990, de nombreux fragments de l’oeuvre sont disponibles en langue française. Toutefois, aucune édition ne propose une traduction rigoureuse de l’ensemble des textes. Ce n’est qu’en 2013 qu’est complétée pour la première fois l’actuelle traduction française complète de La domination. Remercions Isabelle Kalinowski pour sa traduction rigoureuse et claire de cette oeuvre attendue. Son travail entourant les manuscrits est d’une grande pertinence. Par exemple, à plusieurs reprises, Kalinowski clarifie les périodes historiques et les principaux acteurs des événements mentionnés. La traductrice précise aussi si les sections sont traduites à partir de manuscrits achevés, ou si, au contraire, il s’agit de sections incomplètes. Ces commentaires fouillés sont d’une très grande utilité pour circuler rapidement et aisément dans l’oeuvre. Cette traduction est précédée d’une introduction critique d’Yves Sintomer, qui souligne à juste titre que La domination ne remettra pas notre compréhension de Weber en cause. Par contre, l’ouvrage introduit des définitions structurées, et son approche ressemble davantage à un système, à un ensemble d’idées logiquement solidaires. Cette lecture contribue donc à enrichir notre lecture des concepts et approches classiques de la sociologie wébérienne. L’analyse en cours vise à dégager les idées essentielles de Weber dans La domination, pour ensuite montrer la pertinence philosophique d’une telle lecture. Weber définit la domination comme une relation sociale, un rapport entre plusieurs personnes. Pour qu’il y ait domination, il faut qu’au moins un individu commande une classe d’individus dominés qui doivent, le cas échéant, obéir. Ce qui intéresse surtout Weber, c’est une forme particulière de domination, soit la domination par l’autorité. D’un point de vue structurel, la domination apparaît lorsqu’une classe dominée accepte et intériorise le rapport d’autorité. Avec raison, Sintomer nous indique qu’il serait vain de chercher à comprendre les mouvements contestataires de masse à partir des catégories proposées par Weber. L’obéissance, en particulier l’élitisme, est un aspect central de La domination. Les lieux où s’exprime la domination sont divers. On peut penser, en outre, à la famille, aux lieux de culte, aux lieux d’enseignement, à la fonction publique ou à l’entreprise privée. On peut tout de même dégager une synthèse de ces réalités diverses, en catégorisant les types de domination selon des schèmes idéaux. Les catégories nous permettent alors d’analyser des « réalités multiples » à l’aune de critères communs. Il serait toutefois surprenant que la réalité colle parfaitement à ces constructions théoriques. Ainsi, les faits observables seront une approximation pertinente des catégories idéalisées. La domination bureaucratique est un mode de domination stable et caractérisé par le recours à des objectifs rationnels et impersonnels. Les fonctionnaires de ce système sont recrutés à titre de spécialistes et ont un champ d’action défini par cette expertise. Ce type de domination est stable et rationnel, notamment puisqu’il se fonde sur une hiérarchie stricte, qu’il propose une gestion des tâches et des actions par écrit, et qu’il emploie un corps de fonctionnaires spécialisés dont la loyauté s’exprime à l’égard d’une « finalité objective impersonnelle ». Ce mode de domination tend à s’imposer dans le temps de par sa capacité à minimiser les coûts, sa recherche de précision, d’archivage et de collecte, sans oublier son caractère permanent et unifié. Weber, dans un possible souci de neutralité, note qu’il s’agit d’une des …

Parties annexes