Disputatio

En découvrant la métaphysique avec Jean Grondin[Notice]

  • Peter Odabachian

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  • Peter Odabachian
    Département de philosophie, Collège Édouard-Montpetit

Que la métaphysique soit « un entretien de longue durée sur le sens des choses », Jean Grondin l’avait déjà lumineusement montré dans son Introduction à la métaphysique — au titre bien heideggérien, on l’aura remarqué —, l’ouvrage de 2004 qu’il dédiait à tous ses étudiants. Dix ans plus tard, j’oserais dire que si, comme l’écrit son auteur, « les idées en métaphysique vieillissent peu », lui-même me paraît avoir gagné en vigueur, dans la mesure où son plaidoyer pour cette discipline et cette « aspiration » insiste peut-être encore plus fermement, bien que toujours avec souplesse et nuance, sur ce qu’il nous est permis d’espérer de notre découverte la plus originaire du sens (des choses). J’aimerais y aller de quelques brèves remarques sur son plus récent ouvrage avec une pensée pour un enseignement que j’ai eu le privilège de connaître. Du sens des choses est composé de leçons, et l’on peut souvent y entendre le rythme entraînant de l’enseignement oral de M. Grondin. J’aimerais ici attirer l’attention sur trois dimensions de notre existence qui à la fois fondent l’idée de la métaphysique en même temps qu’elles permettent de serrer de près certains des moments de l’argumentation de l’auteur. La métaphysique est un besoin naturel de la pensée humaine, martèle sans détour M. Grondin, renouant ainsi avec certaines des affirmations des géants de la métaphysique qu’il présente. Métaphysique A s’ouvre hardiment sur le désir naturel qu’ont les hommes de savoir (connaître, comprendre). Kant parle de la philosophie comme d’une « disposition naturelle ». On trouve sous la plume du tout jeune Hegel, confectionnant ses premières leçons à Iéna, l’expression de « besoin de l’universel ». Et il nous arrive aussi d’oublier combien les propositions de la métaphysique sont audacieuses, voire iconoclastes. Combien l’interprétation et l’exposition de ce besoin ou de cette disposition n’a rien d’évident pour le sens commun, qui a tôt fait de déclarer que la philosophie, c’est le monde à l’envers. Mais pourquoi se gênerait-on aujourd’hui ? Est-il si incongru de déclarer qu’on s’efforce de comprendre les racines et les causes des choses, ou qu’on puisse parler de notre « plus haute espérance » (44) ? Non, avance Grondin — et j’applaudis cette franchise —, la métaphysique est nécessaire si l’on veut « pratiquer une philosophie qui sait ce qu’elle fait » (7). Et l’intelligence, lorsqu’il s’agit des choses essentielles, de la vérité, insistera-t-il aussi bellement en partant cette fois d’Homère, d’Héraclite et de Parménide, s’accompagne d’un « vif sentiment » (112), d’une « intense émotion » (116). Au coeur de l’ouvrage, dans son éclaircissement de la notion de vérité, l’auteur rappellera la dimension « d’effort, de conquête et de surpassement de soi » (99) que comporte l’atteinte d’une connaissance vraie (subtilement défendue comme « adéquate », dans ce contexte). La métaphysique exige une patience qui jure avec l’empressement qui soutient le plus clair du temps nos projets de bonheur. Elle commande « pondération » et « méditation » (125). Les métaphysiciens que Grondin convoque, qu’ils en soient défenseurs ou détracteurs, le savent tous. Car ce qui inquiète notre coeur est la recherche de meilleures raisons (31). Et si, « avant d’être des êtres de connaissance et d’action, nous sommes des êtres de pressentiment » (67), nous avons cependant à accomplir, à réaliser nos possibles. En ce sens, une connaissance philosophique peut à peu près toujours être révisée. « Malgré tous les revers qu’il peut essuyer, et qui n’ont pas à l’abattre, l’homme n’en fait pas moins l’expérience d’un sens qui précède …

Parties annexes