Comptes rendus

Pierre Després (dir.), L’enseignement de la philosophie au cégep, histoire et débats, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Kairos », 2015, 375 p.[Notice]

  • Richard Vaillancourt

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  • Richard Vaillancourt
    Cégep de Bois de Boulogne

Depuis les cinquante dernières années, le Québec a été le lieu d’une véritable démocratisation de la philosophie. Le rapport Parent et la création des collèges d’enseignement général et professionnel qui s’est ensuivie sont évidemment les causes principales de cette démocratisation. Depuis, le rôle et le statut de la philosophie au collégial ont été en constante évolution, résultat d’un débat permanent entre les acteurs du milieu philosophique et ceux des divers ordres institutionnels et de la société civile. C’est l’histoire de cette évolution que propose L’enseignement de la philosophie au cégep, histoire et débats. Cet ouvrage collectif, sous la direction de Pierre Després, regroupe différents textes qui rappellent chronologiquement l’histoire de l’enseignement de la philosophie au collégial. Son objectif principal est de transmettre aux générations futures les connaissances institutionnelles et l’expérience pratique des auteurs, qui sont pour la plupart professeurs de philosophie au collégial. Mais ce livre propose aussi diverses voies normatives pour tenter d’informer sur les problèmes actuels concernant aussi bien la didactique de la philosophie que son rôle fondamental au sein de l’État démocratique. En ce sens, il se veut « un ouvrage tourné vers l’avenir ». Rares sont les philosophes de formation au sein de l’administration des cégeps ; c’est toutefois le cas de Paul Inchauspé, ancien directeur général du collège d’Ahuntsic, qui signe ici une préface éclairante. Pour mettre en évidence le perpétuel combat que doit mener la philosophie pour son existence dans les cégeps, il brosse un portrait succinct d’une des plus vieilles questions de la philosophie de l’éducation : l’éducation doit-elle favoriser la voie humaniste, celle de la liberté et de l’autonomie de l’individu, ou doit-elle s’engager sur la voie utilitaire et donner à l’individu la compétence de faire ce qui est utile au bon fonctionnement de la société ? Inchauspé constate que, même si le Québec semble avoir choisi la voie humaniste, toutes les attaques que cet enseignement subit encore montrent que la lutte contre la voie purement utilitaire est loin d’être terminée. D’autant plus que ces attaques viennent du système lui-même : les responsables des programmes d’études, l’autorité des Facultés des sciences de l’éducation et les responsables politiques. Le véritable tournant de la philosophie au Québec est le rapport Parent. Pierre Després tente de retracer l’influence qu’a eue ce document en commentant plusieurs passages du rapport. Avant celui-ci, la philosophie des collèges classiques est une philosophie « catholique », servante de l’Église. Mais cette orientation rencontre une certaine résistance qui trouvera sa voix dans le rapport Parent. Démocratisation de l’enseignement de la philosophie, programme non confessionnel et ouvert à la philosophie contemporaine et au pluralisme, enseignement dispensé dans le but avoué de former des citoyens éclairés en favorisant l’autonomie et l’esprit critique sont les principaux renversements que proposent les commissaires. Després fait la démonstration qu’il est toujours pertinent d’aller puiser dans ce rapport pour éclairer les débats actuels. Dans le deuxième chapitre, Jean-Claude Simard s’intéresse aux premières années suivant la création des cégeps (1968-1978), et identifie les principales critiques que reçoit déjà l’enseignement de la philosophie, alors en quête de son identité. Quels sont son rôle et son statut ? En ce qui a trait à l’enseignement dans les cégeps, y a-t-il une spécificité québécoise de la philosophie ? Plus particulièrement, qu’en est-il de « sa pratique critique en matière sociale et politique » ? Comme le recommandait le rapport Parent, le pluralisme philosophique s’installe dans le réseau collégial. La naissance de la Coordination provinciale de la philosophie (CEEP) en 1972 est l’expression d’une volonté profonde de la part des enseignantes et enseignants de se regrouper pour défendre …

Parties annexes