Disputatio

L’équilibre de la raison et de la croyance[Notice]

  • Richard Vaillancourt

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Qu’on soit d’accord ou non avec la position de Georges Leroux en ce qui concerne le cours Éthique et culture religieuse, ceux qui aiment la philosophie devraient se réjouir qu’un d’entre eux puisse jouer un rôle important dans l’élaboration de politiques publiques au Québec. Nous pouvons être heureux qu’un grand spécialiste de la philosophie grecque participe à l’orientation de la société québécoise dans un des domaines où elle en a le plus besoin, en éducation. Il est aussi rare qu’une politique concrète soit défendue avec une telle transparence et soumise à une discussion politique aussi féconde, exception faite de quelques procès d’intentions ou autres sophismes que le débat a malheureusement vu naître. On constate avec la publication de Différence et liberté : enjeux actuels de l’éducation au pluralisme que, par son souci de clarté et de justification rationnelle, la philosophie permet d’assainir le débat démocratique ; l’État québécois tirerait un grand profit à dialoguer en permanence avec les philosophes québécois et, dans le cas de l’éducation au pluralisme, Georges Leroux représente ceux-ci dignement. Le Québec a récemment effectué un important virage en s’engageant dans l’éducation au pluralisme moral et religieux. Leroux pense les fondements de ce virage à partir de la reconnaissance de la différence dans une perspective humaniste. À première vue, cela pourrait sembler paradoxal : l’humanisme ne cherche-t-il pas à penser l’être humain au-delà de ses différences sociales particulières ? Ne pose-t-il pas comme essence la liberté et l’autonomie de l’être humain par rapport à l’autorité de la tradition ? Mais l’humanisme est aussi étroitement lié à la tolérance et au respect de la différence, ce qui suscite une question fondamentale : « Comment conjuguer, au sein de la diversité sociale, respect, tolérance et recherche rationnelle de principes communs ? » (p. 36). Leroux l’admet d’emblée, il est impossible pour l’État d’adopter la neutralité axiologique, position qui serait même non souhaitable : « Un projet humaniste ne peut que [la] refuser, car cette position conduit à l’appauvrissement spirituel et moral de tous » (p. 301). L’État a une mission éthique et politique de transmission, de formation et de construction d’une culture publique commune qui évolue au sein d’un dialogue social. Ce qu’il propose dans la foulée du rapport Parent est une véritable philosophie publique de l’éducation qui s’engage dans l’éducation à la démocratie par une définition commune « des valeurs universelles de citoyenneté » (p. 119). S’agit-il pour autant d’un républicanisme rigide à la française, intolérant à la différence ? Leroux défend une perspective humaniste qui s’apparente au républicanisme quant à l’importance d’une culture commune dépassant le cadre des droits individuels, et quant à la valorisation de l’idéal d’autonomie et de liberté. Mais là où le républicanisme traditionnel vise une unicité parfois intolérante, Leroux propose une ouverture plus substantielle à la différence et au pluralisme. L’humanisme qu’il propose s’abreuve à des sources multiples, contrairement à ce que nous propose le modèle français. En ce sens, il se situe aussi dans le sillon du libéralisme politique. On ne peut qu’être en accord avec Leroux lorsqu’il affirme que notre société a « beaucoup de retard à rattraper sur le plan de la formation à la critique et à la pensée » et en ce qui concerne l’éducation civique (p. 225). Le cours ECR qu’il a contribué à mettre en place viendrait combler en partie ce retard. On applaudit quand il affirme qu’ECR cherche à rétablir « le socratisme démocratique » historiquement dévalorisé au profit d’une « position platonicienne de la vérité et de l’autorité » (p. 226). Nous pensons qu’il s’agit là d’une voie …

Parties annexes