Disputatio

Réponses à mes critiques[Notice]

  • Soumaya SMESTIRI

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  • Soumaya SMESTIRI
    Université de Tunis

Je tiens pour commencer à remercier toutes les contributrices à cette disputatio. C’est une chance pour moi de pouvoir préciser et amender mon propos. Naturellement, compte tenu du format imposé, je ne pourrai m’étendre aussi longuement que je le voudrais sur tous les points d’achoppement. Je prie donc Agnès, Delphine, Diane, Julie, Naima et Ryoa de bien vouloir m’excuser si je ne rends pas exhaustivement justice à leurs remarques critiques. Je commencerai avec les remarques d’ordre méthodologique. J’en vois pour ma part cinq. Abadie me reproche une certaine ambiguïté, dans la mesure où je ne ferais pas suffisamment la différence entre postcolonial et décolonial ; Chung considère, s’agissant du chapitre sur Rawls, mais aussi du chapitre sur l’empowerment (dont je parlerai plus en détail plus loin), que je ne semble pas distinguer à certaines occasions entre une approche d’ordre « sociologique » et une autre d’ordre « conceptuel » ; Saâda soutient qu’il est aisé de me reprocher ce que je reproche aux autres, à savoir la tendance à essentialiser, en l’occurrence d’opposer femmes occidentales blanches à femmes subalternes/indigènes, comme s’il s’agissait de deux catégories monolithiques qui n’étaient pas elles-mêmes porteuses de différences internes. Berthelot-Raffard, pour sa part, déplore mon usage de la métaphore et du mythe, potentiellement « contre-productif ». Hamrouni, enfin, défend l’idée selon laquelle le concept de solidarité n’est pas opératoire dans le cas d’espèce et que c’est bien plutôt du point de vue de la rupture et de l’« auto-définition » qu’il faut concevoir les rapports de genre entre Nords et Suds. La remarque d’Abadie est en partie justifiée. J’ai tenté d’expliciter la distinction entre les deux approches, à deux reprises, dans l’épilogue. On peut effectivement considérer que c’est un peu tard, mais dans la mesure où j’entreprends, dans ledit épilogue, d’expliciter ce que j’entends par féminisme de la frontière (entendu comme l’aboutissement de mon propos) relativement aux approches existantes, cela ne me paraît pas gênant outre mesure. Voici ce que j’y écris : Et, un peu plus loin : J’aimerais néanmoins souligner que le flou conceptuel est d’abord le fait des auteurs décoloniaux eux-mêmes, s’agissant d’expliciter la spécificité de leur positionnement. Ainsi Mignolo explique-t-il que nous avons affaire à deux « généalogies différentes » : la postcolonialité est née avec l’expérience de la colonisation britannique alors que la décolonialité a émergé avec la Conférence de Bandung et le mouvement des Non-Alignés. Après avoir explicité les tenants et les aboutissants de cette différence radicale, notamment quant au positionnement face au savoir, il a cette phrase étonnante : On s’attendait à une opposition frontale entre deux grilles, on se retrouve avec des approches qui, au final, versent l’une dans l’autre. Dès lors, si les principaux théoriciens de l’option décoloniale éprouvent un certain malaise lorsqu’il s’agit de distinguer entre « postcolonial » et « décolonial », il semble difficile d’exiger d’humbles seconds couteaux la clarté qui fait défaut aux « maîtres ». Je reçois la critique de Chung, à laquelle je répondrai en deux temps. D’abord en disant que je récuse personnellement ce genre de distinction entre le conceptuel et le sociologique (ou l’expérimental) en un sens très précis : celui de la philosophie sociale. La critique de Ryoa vaut en effet pour celles et ceux qui se proposent d’évoluer dans le cadre de la philosophie politique classique, normative. Ce n’est pas mon cas, comme j’ai pu le dire dans le prologue de l’ouvrage. Le féminisme que je défends emprunte clairement à la philosophie sociale. Cela signifie que c’est un féminisme qui a pour principe de partir ce qui ne fonctionne pas correctement, des « pathologies …

Parties annexes