Comptes rendus

Yael Peled et Daniel M. Weinstock (dir.), Language Ethics, Montreal & Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2020, 240 pages[Notice]

  • Xavier Boileau

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  • Xavier Boileau
    Université de Montréal

Dans son introduction à l’ouvrage, Peled explique le choix de ce terme notamment dans le but de se distancier de la notion de justice linguistique. Bien qu’important, le concept de justice ne permettrait pas de rendre compte de l’ensemble des enjeux qui sont soulevés par les questions linguistiques. Par exemple, il ne nous permet pas de répondre aux situations trop particulières pour les grandes théories de la justice linguistique (p. 10). À une échelle individuelle, que devraient faire les locuteurs de deux langues différentes qui se rencontreraient ? Quels éléments contextuels devraient influencer leur décision ? Bien entendu, il ne s’agit pas de laisser totalement de côté les questions liées à la justice, mais plutôt de considérer celles-ci comme un enjeu parmi d’autres d’une réflexion éthique plus large en matière de langue. Peled et ses collaborateurs ont aussi pour ambition de rompre avec une compréhension idéalisée et platonicienne des langues au profit d’une conception plus nuancée et plus socialement ancrée de celles-ci. Une telle conception devrait, selon eux, ouvrir la porte à une réflexion sur les enjeux linguistiques qui laissent une plus grande place à l’éthique appliquée. On peut dire que le livre accomplit sans difficulté cet objectif. L’ouvrage est construit autour des contributions des sept chercheurs. Sans tous être des travaux originaux, certains auteurs reprenant en partie ou complètement des articles écrits ailleurs, les contributions réunies ont le mérite d’offrir un tour d’horizon complet de ce que pourrait nous offrir une éthique du langage en abordant des aspects forts différents des enjeux linguistiques existants. La première contribution est celle de Dan Avnon, What Is (or “Are”) Language Ethics, et est construite autour de différentes expériences éducatives plurilingues conduites en Israël afin de rapprocher les communautés arabes et juives. Avnon se sert de ces expériences concrètes pour illustrer les limites des catégories d’analyses classiques que l’on retrouve au sein de la littérature en matière de justice linguistique. Avnon soulève au moins deux problèmes qui ont surgi lors de ce projet. Comment déterminer la langue d’enseignement d’un cours cherchant à construire une identité civique commune dans un contexte plurilingue ? Comment s’assurer que des bagages linguistiques et culturels différents ne conduisent pas à des interprétations conflictuelles d’un même événement ? Avnon pense qu’une éthique du langage aurait pu aider les intervenants à anticiper ces questions et donc éviter les situations problématiques qui s’en sont suivies. Sans nécessairement nous offrir des réponses définitives, Avnon ne nous expliquant pas concrètement quelles autres solutions auraient pu être proposées par une éthique du langage, la contribution d’Avnon a le mérite d’exposer clairement les problèmes éthiques qui peuvent surgir dans un contexte multilingue. La seconde contribution au sein de l’ouvrage est celle de John Edwards, Language : Rights and Claims. Cette contribution aborde un enjeu totalement différent de celui développé par Dan Avnon : celui des droits linguistiques à l’échelle internationale. La thèse principale d’Edwards est que les théoriciens et militants des droits linguistiques ont tendance à confondre l’existence de demandes linguistiques moralement fondées et l’existence de droits linguistiques équivalents aux autres droits de l’homme. Il montre que les droits linguistiques ne sont que très peu reconnus à l’international et lorsqu’ils le sont, c’est presque toujours dans le cadre de déclarations non officielles et non contraignantes. Il soutient ensuite que le paradigme le plus fertile pour la défense de la diversité linguistique, le paradigme écologique des langues, ne permet pas de fonder des droits, mais tout au plus de justifier des demandes de justice. Ce n’est pas nécessairement un problème aux yeux d’Edwards, mais cela nous demande néanmoins de reconnaître que la discussion en …