Introduction

De la cohérence épistémologique de la posture collaborative[Notice]

  • Joëlle Morissette,
  • Maria Pagoni et
  • Matthias Pépin

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  • Joëlle Morissette
    Professeure, Université de Montréal

  • Maria Pagoni
    Professeure, Université de Lille

  • Matthias Pépin
    Chercheur postdoctoral, Université du Québec à Trois-Rivières

Depuis le début des années 1980, un courant important propose d’établir une dialectique plus équilibrée entre les préoccupations du monde de la recherche et celles du monde de la pratique professionnelle. C’est dans ce contexte que des auteurs tels que Lieberman (1986) ont proposé de faire de la recherche avec les professionnels, plutôt que seulement sur eux, invitant à définir des manières de faire la recherche qui leur seraient aussi utiles. Fortes d’une nouvelle légitimité, des recherches dites collaboratives commencent alors à se développer en poursuivant une double finalité, concourant à asseoir leur pertinence à la fois pour les milieux de recherche, à travers la production de savoirs scientifiques, et pour les milieux de pratique, par la formation des professionnels. En conséquence, les dispositifs de recherche collaborative se sont multipliés, particulièrement dans les facultés universitaires qui ont une vocation de formation professionnelle (Anadón, 2007). En Amérique du Nord, deux grandes tendances se démarquent en langue française, selon les visées poursuivies par les recherches collaboratives (Morrissette, 2013) : parfois qualifiées de recherches-action collaboratives, certaines adoptent une stratégie d’intervention visant le changement à travers une démarche de résolution de problèmes susceptible de contribuer à améliorer une situation jugée problématique par un groupe de professionnels (Bourassa, Leclerc & Fournier, 2010 ; Savoie-Zajc & Lanaris, 2005) ; d’autres visent plutôt l’exploration et l’explicitation d’un aspect de la pratique à partir de la compréhension en contexte des professionnels, dans une démarche de co-construction d’un savoir professionnel qui soit le produit combiné et inédit des logiques et enjeux de la communauté des chercheurs et de celle des praticiens (Desgagné, 1998 ; Diédhiou, 2013). Les recherches collaboratives qui se sont développées dans le monde francophone européen se trouvent pour leur part en lien avec les travaux sur l’observation des pratiques effectives des professionnels de l’éducation et leur analyse conjointe (Altet, Bru, Blanchard-Laville, 2012 ; Blanchard-Laville & Fablet 1998 ; Perrenoud 1996). Des recherches se sont aussi élaborées en lien avec les modèles théoriques de l’analyse de l’activité professionnelle et en particulier ceux de la didactique professionnelle (Pastré 2011 ; Pastré, et al., 2006 ; Vinatier 2009) et de la clinique de l’activité (Clot, 1999 ; Roger, 2007). En ce qui concerne le champ de l’éducation et de la formation en particulier, les recherches collaboratives se sont inspirées des questionnements concernant le processus d’apprentissage « sur le tas », soit les manières qu’ont les professionnels de résoudre des problèmes de pratique en contexte, dans le feu de l’action, et qui concourent à l’élaboration de leur répertoire de savoirs professionnels (Dewey 2010/1934 ; Schön, 1983). Jusqu’ici, les recherches collaboratives ont suscité des questionnements concernant les conditions et les effets de leur mise en place (Kahn, Hersant & Orange-Ravachol, 2010 ; Yvon & Durand, 2011). Différents référents ont été mobilisés, mettant de l’avant des outils méthodologiques contribuant à la co-construction de savoirs dans la double logique de la recherche et du développement professionnel, à travers des activités réflexives (Desgagné, 2007 ; Morrissette, 2012 ; Vinatier, 2007) ou des entretiens de type auto-confrontation simple ou croisée conduits avec l’aide d’enseignants-chercheurs (Clot et al., 2001 ; Pagoni, 2014). Des réflexions ont été conduites autour du rôle régulateur du contrat collaboratif en cours de démarche (Bednarz et al., 2012), d’une action conjointe conduite en contexte (Filliettaz, 2010), d’une « ingénierie coopérative » où chercheurs et professionnels agissent ensemble dans une posture commune de production didactique (Sensevy et al., 2013) ou, encore, d’une « enquête collaborative » (Imbert & Durand, 2010). Les recherches ont également interrogé le caractère négocié des savoirs produits entre les deux communautés impliquées (Desgagné & Bednarz, 2005 ; Ducharme et …

Parties annexes