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La production du soya

Les superficies de soya (Glycine max L. Merr) sont en forte augmentation à travers le monde (Ali 2010). Cette hausse se justifie par les multiples utilisations des huiles et des farines riches en protéines issues de cette plante oléo-protéagineuse dans l’industrie alimentaire humaine et animale (Ali 2010; Singh et Shivakumar 2010). En 2013, le soya était la septième culture en importance dans le monde, au premier rang des cultures oléagineuses (FAOSTAT 2014). Les principaux pays producteurs sont les États-Unis, le Brésil, l’Argentine, la Chine et l’Inde (FAOSTAT 2014) (Tableau 1). En 2013, le Canada occupait respectivement la huitième et la cinquième position mondiale pour sa production et son exportation (Food and Agriculture Organization (FAO) 2013). La production de soya se concentre dans les provinces de l’Ontario (59 % de la production totale), du Manitoba (21 %), du Québec (16 %), de la Saskatchewan (2 %) et des Maritimes (2 %) (Statistics Canada 2014).

Avec l’intensification de la production et l’augmentation des superficies cultivées de soya, le nombre d’organismes nuisibles pouvant occasionner des pertes économiques a également augmenté (Moiroux et al. 2014). Ce phénomène s’explique principalement par l’accroissement des échanges commerciaux et par l’adoption de nouvelles cultures qui ont favorisé l’introduction, l’établissement et la reproduction de certains ravageurs exotiques et indigènes (Hartman et al. 2011). Dans les principaux pays producteurs, les pertes économiques les plus importantes sont associées à la présence des champignons de la rouille Phakospora pachyrhizi Syd. & P. Syd et P. meibomiae (Arthur) Arthur, suivie par celle du nématode à kyste du soya (NKS) Heterodera glycines Ichinohe (Anderson et al. 2004; Hulme 2009; Wrather et al. 2010). Aux États-Unis, les États centraux, qui produisent la majorité du soya, sont déjà aux prises avec le NKS et, en plus, ils doivent maintenant affronter la venue du puceron du soya Aphis glycines Matsumura en provenance du nord depuis 2000 et celle de la rouille en provenance du sud depuis 2004 (Lee et al. 2006). Au Canada, le NKS est présent principalement dans le sud de l’Ontario depuis 1987 et ce n’est qu’en 2004 que le puceron du soya a été détecté dans trois provinces canadiennes (Manitoba, Ontario et Québec) (Ragsdale et al. 2011; Tilmon et al. 2011). Bien qu’à ce jour, la rouille du soya n’ait pas encore traversé la frontière canadienne, une étude menée sur les espèces invasives démontre que ce champignon pourrait atteindre le Canada prochainement en raison des CC (Ariatti 2014; Moiroux et al. 2014).

Le nématode à kyste du soya

Le nématode à kyste du soya (NKS) est un endoparasite obligatoire des racines originaire d’Asie qui a été introduit dans la plupart des pays producteurs de soya (Wrather et al. 2010). Ce parasite peut réduire de 15 à 85 % le rendement des cultures (CAB International (CABI) 2013). À l’échelle mondiale, les pertes économiques associées à ce nématode sont estimées à 1,6 G$ US annuellement (Wang et al. 2003). Au Canada, de 1994 à 2006, les pertes économiques ont augmenté de 4 M$ US/an à 22 M$ US/an (Wrather et al. 1997, 2001, 2010).

Tableau 1

Production mondiale de soya en 2013

Production mondiale de soya en 2013
Source : FAOSTAT 2014

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Plusieurs aspects de la biologie du NKS lui permettent d’être un parasite efficace et de causer de lourds dommages à son hôte. En effet, le NKS présente une large gamme d’hôtes, une diversité de formes de virulence, une survie élevée dans des conditions climatiques adverses et la capacité de persister longtemps dans l’environnement en absence d’hôtes (Wrather et al. 1997, 2010). Cette résilience du NKS réside dans sa capacité à entrer en quiescence ou en diapause et la protection conférée par la cuticule du kyste qui renferme des centaines d’oeufs, qui sont eux-mêmes protégés par des couches externes formées de trois membranes (Perry et Moens 2011; Schmitt 2004). Le cycle de vie débute à l’intérieur de l’oeuf, où le nématode subit une première mue pour atteindre le second stade juvénile (J2), qui est la forme infectieuse (Koenning 2004). Cette larve quitte l’oeuf après l’éclosion puis, à l’aide d’un stylet, le NKS s’introduit dans la racine de l’hôte, choisit une cellule initiale des tissus vasculaires et crée un site d’alimentation appelé syncytium (Niblack 2005; Niblack et al. 2006). Cette structure produira les ressources essentielles à son développement au détriment de la croissance de la plante hôte (Noel 2004). Par la suite, le NKS subit trois autres mues à l’intérieur de la racine pour finalement atteindre la maturité sexuelle (Noel 2004). Le mâle sort ensuite de la racine pour féconder la femelle dont une partie du corps est maintenant exposée à la surface de la racine. La femelle fécondée expulse une partie des oeufs à l’intérieur d’une masse gélatineuse, lesquels sont prêts à éclore, et garde les autres dans son corps (Noel 2004). Ce dernier formera un kyste contenant les oeufs lors de la mort de la femelle (Niblack 2005).

C’est d’ailleurs sous forme de kyste que le NKS est dispersé par divers vecteurs biotiques (humains, animaux) ou abiotiques (vent, eau), et ce, autant à l’échelle régionale qu’à celle d’un champ (Dong et Opperman 1997; Koenning 2004; Niblack 2005). La première détection du NKS en Amérique a eu lieu en 1954 en Caroline du Nord et, par la suite, il a été retrouvé dans tous les États centraux (du sud au nord) des États-Unis (Niblack 2005). Au Canada, ce nématode a d’abord été observé en 1987 dans le comté de Kent en Ontario, puis au Québec durant l’été 2013 dans un champ de soya en Montérégie (Anderson et Welacky 1988; Mimee et al. 2014; Tylka et Marett 2014).

L’établissement du NKS dans pratiquement tous les pays producteurs de soya, peu importe leurs latitudes, démontre que cet organisme s’adapte à une large gamme d’environnements et de conditions climatiques. La température a un effet important sur le cycle de vie de cet organisme poïkilotherme. Il peut compléter un cycle en trois semaines lorsque la température se situe entre 22 et 30 °C et en quatre semaines lorsqu’elle se situe entre 16 et 22 °C (Niblack 2005; Oyekanmi et Fawole 2010). Ainsi, les conditions climatiques influencent directement la dynamique des populations de NKS et, par conséquent, le rendement de la culture (Ahanger et al. 2013; Grulke 2011; Kakaire et al. 2012; Pautasso et al. 2012). Donc, il s’avère très pertinent de se questionner sur l’impact qu’auront les fluctuations de températures attendues en raison des changements climatiques (CC) sur la biologie du soya, celle du NKS et leur interaction. L’augmentation des températures et du nombre d’évènements météorologiques extrêmes (sècheresse, canicule, précipitations fortes) associées aux CC pourrait exacerber les dommages occasionnés par le NKS de plusieurs façons, par exemple en facilitant sa dispersion, en augmentant le nombre de générations par saison, en modifiant certaines caractéristiques physiologiques des racines du soya qui favoriseraient la reproduction du NKS, ou en changeant les conditions physicochimiques du milieu qui pourrait interférer dans la relation hôte-parasite en modulant leurs interactions moléculaires (Alston et Schmitt 1987).

Impacts des changements climatiques sur la distribution et la biologie du NKS et du soya

L’analyse de la distribution du NKS entre 1971 et 1998 aux États-Unis a démontré une dispersion rapide et un taux d’établissement très élevé dans les régions productrices du centre et du nord des États-Unis (Chakraborty et Datta 2003). Ce phénomène a probablement été accentué par l’adoption de nouvelles zones de production en lien avec les fluctuations du climat (Somasekhar et Prasad 2012). De même, la modélisation de la phénologie du soya à l’intérieur de la zone de potentiel agricole du Québec à l’aide des paramètres climatiques du passé récent (1971-2000) et du futur proche (2041-2070) a démontré que des latitudes plus nordiques offrent de nouvelles zones de culture du soya (Gendron St-Marseille 2013). Également, la modélisation du cycle de vie du NKS en fonction de paramètres climatiques a démontré qu’il pouvait déjà s’établir à l’intérieur des régions agricoles où le soya se cultive actuellement (Dong et Opperman 1997; Koenning 2004; Niblack 2005) et qu’il possède la capacité de suivre le déplacement de son hôte vers le nord (Gendron St-Marseille 2013).

Également, la hausse prévue des températures favoriserait positivement le développement du NKS, ce qui se traduirait par l’addition d’une ou deux générations supplémentaires pour atteindre jusqu’à deux générations par saison de croissance dans la zone la plus septentrionale du Québec et jusqu’à six générations à l’extrême sud (Gendron St-Marseille 2013). Ce scénario aurait pour effet d’affaiblir davantage le plant de soya, car un nombre de surinfection plus élevé augmente, d’une part, la sensibilité des racines aux autres pathogènes et limite, d’autre part, l’acheminement des nutriments et de l’eau vers les parties aériennes (Gendron St-Marseille 2013).

En contrepartie, des modèles prédisent que la hausse des températures jumelée à l’augmentation des taux de CO2 atmosphérique auront un effet positif sur la croissance, la densité et la longueur des racines du soya (Lawn et Noel 1986; Niblack et al. 2006). Toutefois, le réchauffement des températures pourrait exacerber les impacts négatifs qu’ont les premières générations de NKS sur le rendement des cultures puisque l’augmentation des surfaces racinaires permettrait à un plus grand nombre d’individus de se développer (Rogers et al. 1992; Wang et al. 2003; Ziska 1998). Également, les évènements climatiques extrêmes, dont la sècheresse, semblent réduire les rendements du soya de manière plus prononcée dans les champs de soya infestés par le NKS (Tylka 2012). Ce stress entraîne le nématode à créer son site de nutrition plus profondément dans les tissus vasculaires de la stèle et non dans la zone du cortex des racines, ce qui lui permettrait de continuer d’exploiter les ressources de la plante (Bonner et Schmitt 1985; Tylka 2012). Par conséquent, des fréquences plus élevées de sècheresse pourraient avoir d’importantes répercussions sur la production de soya.

Changements climatiques et mécanismes de défense de l’hôte

Les CC pourraient aussi modifier les interactions moléculaires entre l’hôte et l’endoparasite en interférant avec les mécanismes de défense de la plante (Tylka 2012). L’action simultanée de stress abiotiques (hydriques, nutritionnels, thermiques, etc.) et biotiques (nématodes, pucerons, champignons, etc.) peut avoir un effet additif, synergique ou antagoniste sur les diverses voies métaboliques des phytohormones qui confèrent la résistance au stress chez les plantes (Atkinson et Urwin 2012; Somasekhar et Prasa 2012). La principale voie métabolique impliquée dans la défense contre les stress abiotiques est celle de l’acide abscissique (ABA) (Atkinson et al. 2013; Atkinson et Urwin 2012; Studham et MacIntosh 2012; Suzuki et al. 2014), laquelle altère la signalisation des principales phytohormones (acide jasmonique (JA), acide salicylique (AS), éthylène (ET)) associées aux stress biotiques causés par les nématodes phytoparasites (Rosso et al. 2012). Différents stress peuvent influencer les interactions plantes–organismes nuisible, comme la sècheresse (Atkinson et Urwin 2012; Atkinson et al. 2013; Nahar et al. 2012; Studham et MacIntosh 2012; Suzuki et al. 2014), la hausse de la salinité (Anderson et al. 2004; Atkinson et al. 2013; Prasch et Sonnewald 2013), les hausses de température (Mittler et Blumwald 2010; Syvertsen et Levy 2005), les carences en éléments nutritifs essentiels (potassium) (Dropkin 1969; Prasch et Sonnewald 2013; Verdejo-Lucas et al. 2013) et la hausse du taux de CO2 atmosphérique (Amtmann et al. 2008). Précisément, il a été démontré que ces stress environnementaux, qui entraînent l’activation des signaux chimiques ABA, influencent négativement la résistance, la croissance et le rendement des cultures en raison des réactions antagonistes associées à l’activation des voies de signalement des AJ et AS initiée par la présence du nématode (Sun et al. 2010, 2011). En revanche, il semblerait que des températures basses pourraient favoriser la résistance de certaines espèces de plantes, dont la pomme de terre (Solanum spp.), par l’entremise d’une adaptation croisée hôte-parasite (Suzuki et al. 2014; Thaler et Bostock 2004). Compte tenu de la hausse attendue de la prévalence et de l’ampleur de l’ensemble de ces stress en raison des CC, il importe de se questionner sur l’évolution de la résistance aux nématodes chez diverses plantes cultivées. Néanmoins, un nombre restreint de recherches portent sur l’impact des stress associés aux CC chez les gènes associés à la virulence des nématodes phytoparasites et à la résistance de l’hôte, respectivement (Sysoeva et al. 2011, 2012).

Impacts des changements climatiques sur les gènes de résistance du soya et les gènes de virulence du NKS

Actuellement, les sources de résistance chez le soya ne sont efficaces que contre certaines populations de NKS (Elad et Pertot 2014). La capacité relative de différentes populations de NKS à se reproduire sur sept lignées de soya de référence a mené à l’identification de types HG (Heterodera glycines), quantifiant la virulence (Niblack et al. 2002). Cette variabilité phénotypique du caractère de résistance s’expliquerait à la fois par la présence de différents gènes de parasitisme produisant des protéines associées à la virulence, ou effecteurs, chez le nématode et de gènes de résistance chez la plante (Hogenhout et al. 2009). Depuis les années 1960, près de 70 loci de caractères quantitatifs (QTL) associés à la résistance ont été identifiés chez le soya, les plus étudiés étant Rhg1, Rhg2 et Rhg3, dont le gène majeur est récessif, ainsi que Rhg4 et Rhg5, dont le gène majeur a un comportement dominant (Caldwell et al. 1960; Klink et al. 2009; Matson et Williams 1965; Rao-Arelli 1994). Deux de ces QTL seraient plus importants dans la réaction de résistance, soit Rhg1 (chromosome 18), qui compte environ neuf gènes, et Rhg4 (chromosome 8), qui compte au moins sept gènes (Klink et al. 2013). On les retrouve chez les cultivars PI 88788 (Rhg1) et Peking (Rhg1 et Rhg4), qui ont des réponses cytologiques divergentes et qui forment deux groupes de liaison génétique (linkage group) (Klink et al. 2013). Le type de résistance appelé « PI 88788 » repose principalement sur les gènes situés sur l’allèle rhg1-b du QTL Rhg1, qui a un comportement dominant chez les cultivars de ce groupe (PI 88788, PI 209332 et PI 549316) (Cook et al. 2012 ; Kim et al. 2010; Liu et al. 2012; Yuan et al. 2012). La réponse cytologique du groupe PI 88788 (regroupant le cultivar du même nom) se caractérise par une nécrose assez lente (entre 8 à 10 j) du syncytium et par l’absence d’accroissement de la paroi cellulaire (cell wall apposition) (Klink et al. 2013; Liu et al. 2012). La résistance de type Peking requiert la présence simultanée de gènes codominants situés sur les QTL Rhg1 et Rhg4 (Kim et al. 2010; Liu et al. 2012, Yuan et al. 2012). Typiquement, la réponse cytologique associée au groupe Peking (Peking, cv. “ Forrest “, PI 437654, PI 89772, PI 90763) se caractérise par une nécrose rapide (environ 48 h) de la cellule initiale et par l’accroissement de la paroi cellulaire (Cook et al. 2012, 2014). Il a été suggéré que la résistance des plantes était conférée par le nombre de copies de l’allèle rhg1-b associé au QTL Rhg1. En effet, les lignées et cultivars associés au type PI 88788 posséderaient de sept à dix copies des gènes situés sur le QTL Rhg1, alors que ceux situés sur le même QTL au sein du groupe de type Peking en possèderaient moins de trois copies (Brucker et al. 2005; Liu et al. 2012).

Une très grande variabilité génétique se rencontre à l’intérieur des différentes populations de NKS et plusieurs individus seraient porteurs d’allèles « ror » (reproduction on a resistant host) favorisant le contournement de la résistance de l’hôte et la capacité à se reproduire du parasite (Cook et al. 2012; Wang et al. 2014; Zheng et al. 2006). Les mécanismes qui mènent au contournement de la résistance demeurent inconnus. Cependant, grâce aux multiples recherches menées sur les effecteurs produits et sécrétés par le NKS à l’intérieur de l’hôte, nous comprenons mieux son succès parasitaire et l’origine de sa virulence (Liu et al. 2012). À ce jour, on a identifié différentes protéines (effecteurs), sécrétées par les glandes oesophagiennes (deux sous-ventrales et une dorsale) et injectées à l’aide du stylet, qui permettent au NKS d’altérer la structure et les fonctions de la cellule hôte (Bekal et al. 2008; Haegeman et al. 2012; Klink et al. 2009; Li et al. 1996; Wang et al. 2014). Ces altérations diffèrent selon le stade de développement du nématode. Durant la phase migratoire, le stade infectieux (juvénile de stade deux; J2) sécrète des protéines visant à dissoudre les cellules de la racine et à esquiver sa détection par l’hôte en inhibant ou en supprimant les phytohormones associées aux voies métaboliques et aux voies de signalement propres aux différents mécanismes de défense de la plante (Haegeman et al. 2012). À la suite de la sélection par le stade J2 d’une cellule initiale servant au développement du syncytium, le NKS produit et injecte d’autres effecteurs qui lui permettent de compléter son cycle de vie. Ces effecteurs servent à (i) dissoudre les parois des cellules adjacentes afin d’optimiser le détournement des ressources nutritives de la plante et (ii) favoriser l’ubiquitination (dégradation) de certaines protéines produites par la plante afin d’interférer avec les diverses voies métaboliques et d’ainsi affaiblir le système de défense de l’hôte (Gao et al. 2003, 2004; Haegeman et al. 2010, 2012; Ithal et al. 2007; Wang et al. 2010).

Les CC auront probablement des impacts significatifs sur l’intensité de la maladie en lien avec les interactions entre l’environnement (microclimat), le NKS (biologie, virulence) et le soya (phénologie, résistance) qui influencent les diverses interactions moléculaires (Boland et al. 2004; Elad et Pertot 2014; Gregory et al. 2009; Parmesan 2006). En effet, il a été démontré que les CC modifiaient les interactions parasitaires chez d’autres espèces de nématodes phytoparasites (Atkinson et Urwin 2012; Boland et al. 2004; Elad et Pertot 2014; Gregory et al. 2009; Newton et al. 2012). Les hausses de concentration de CO2 atmosphérique et de température ont un effet sur les gènes de résistance de plusieurs plantes cultivées. Par exemple, l’élévation des températures limite, voire annihile, l’efficacité des gènes de résistance de type « R » de différents cultivars de tomate (Solanum spp.), poivre (Piper spp.), luzerne (Medicago spp.), patate douce (Ipomoea spp.), coton (Gossypium spp.) et raisin (Vitis spp.) connus pour être résistants à différentes espèces de nématodes à galles du genre Meloidogyne (Ferris et al. 2013; Jablonska et al. 2007; Newton et al. 2012). De plus, chez la tomate, la hausse du CO2 atmosphérique aurait également un effet inhibiteur sur les taux de production des phytohormones (AJ et AS) qui lui confèrent une résistance à différents nématodes à galles (Cooper et al. 2005; Sun et al. 2010, 2011). Pour le soya, les températures élevées ont un effet négatif sur plusieurs gènes de défense contre différents champignons pathogènes (Upchurch et Ramirez 2011).

Perspectives

À l’heure actuelle, les effets des CC sur la production d’effecteurs par les nématodes phytoparasites, dont le NKS, sont inconnus. Il s’avère également impossible de déterminer si la perte de la résistance chez la plante est liée à une réaction hypersensible ou à la disparition de la réponse immune à la suite de la construction d’un syncytium ou d’une cellule géante (nématode à galle) (Ferris et al. 2013). Ainsi, les effets des CC sur le pathosystème soya–NKS devraient être étudiés à l’aide de différentes approches méthodologiques afin d’approfondir les connaissances actuelles et de mieux comprendre ou d’anticiper les effets de la hausse des températures et de la concentration de CO2. Dans un premier temps, il serait pertinent d’étudier la phénologie du soya et le cycle de vie du NKS à la lumière des différents scénarios climatiques prévus à l’horizon 2050 (2041-2070) dans les zones cultivables du Québec afin de valider si le climat est propice au développement du nématode et d’identifier les zones à haut risque phytosanitaire. Ensuite, comme l’utilisation de cultivar résistant de soya est le principal moyen de lutte utilisé, il serait primordial de mesurer la performance de cultivars ayant des groupes de maturité adaptés au Québec et qui sont résistants au NKS en les exposant à différentes températures et concentrations de CO2 afin d’anticiper leur performance face aux CC. En outre, comme certaines populations pourraient inclure des individus capables de contourner la résistance, il serait utile d’identifier des marqueurs moléculaires, par exemple des polymorphismes nucléotidiques simples (SNP), qui soient associés aux génotypes des différentes populations de NKS. La découverte de marqueurs capables de différencier les populations de NKS et de prédire leur capacité à se reproduire sur des cultivars résistants permettrait le développement d’outils de diagnostic rapides afin d’optimiser les méthodes de lutte en permettant de choisir des cultivars adaptés. Enfin, une étude des gènes impliqués dans le contrôle des mécanismes biologiques (par exemple, le cycle cellulaire) de l’hôte par le parasite pourrait être réalisée grâce aux nouvelles méthodes d’analyse du transcriptome (RNA-Seq). Cela pourrait éventuellement permettre d’identifier de nouveaux effecteurs chez le NKS qui sont impliqués dans le parasitisme et aussi de mettre en évidence les gènes de défense de la plante qui répriment l’expression de gènes de virulence chez le nématode.