Risques psychosociaux, troubles musculo-squelettiques, souffrance, stress, suicides, vieillissement, qualité de vie au travail… la question du lien problématique entre la santé des personnes et leur travail garde la place qu’elle a conquise depuis une quinzaine d’années dans l’actualité politique, médiatique et scientifique française, mais aussi européenne ou canadienne. Porté par un financement de la Région Île-de-France de soutien à la recherche entre 2011 et 2016, le Groupe d’étude sur le travail et la souffrance (puis santé) au travail (GESTES) est le produit de cet intérêt constant. Il s’est efforcé et continue à tenter de fédérer les acteurs académiques autour de ces problématiques, et plus largement autour de l’analyse interdisciplinaire du travail et de ses liens avec la santé. Au départ de cette initiative, le constat a été fait d’une grande richesse des travaux publiés, mais d’un certain éparpillement des approches et des méthodes mobilisées selon les disciplines, et même les courants au sein des disciplines. Le GESTES a réussi à créer un espace de rencontre et de discussion, rendant possible la confrontation d’un grand nombre des travaux significatifs en la matière, via des séminaires, des colloques, le financement de manifestations scientifiques, de projets doctoraux et post-doctoraux (www.gestes.net). Mais si ces différentes approches ont pu dialoguer, elles gardent aujourd’hui leurs spécificités et l’espace des représentations savantes sur les liens entre santé et travail garde toute sa complexité. Soucieux de donner à voir cette diversité, qui est aussi une richesse, le GESTES a mis son réseau à contribution avec l’ambition de dresser un état de l’art transdisciplinaire des approches et méthodes développées et mises en œuvre pour observer la relation santé-travail, dans l’espace principalement français, sinon francophone. Chacune des contributions présentes dans ce dossier, issues du droit, de l’épidémiologie, de l’ergonomie, de la gestion, de la psychologie, des sciences politiques, axe sa réflexion sur la spécificité (forte ou relative, à maintenir ou à dépasser, qui a évolué, etc.) des concepts, méthodes, démarches, raisonnements – et in fine paradigmes – développés pour qualifier, analyser, éventuellement quantifier, et avant tout étudier la santé au travail. S’appuyant sur des travaux empiriques, réalisés directement par les auteurs ou non, ces textes visent à traduire et à présenter, mais aussi à interroger et à réfléchir aux apports et aux limites d’une analyse disciplinairement située de la santé et de ses liens avec le travail, autant que du travail et de ses liens avec la santé. Loin de prôner une transdisciplinarité affranchie des apports, questionnements et paradigmes propres aux disciplines qui se penchent sur le travail, qu’il en soit l’objet princeps (comme l’ergonomie) ou non, l’objet de ce dossier est d’interroger des relations complexes, à la fois évidentes mais aussi subtiles et à toujours spécifier scientifiquement, entre santé et travail. Plusieurs interrogations structurent le dossier : d’abord, comment les disciplines, méthodes, approches ou paradigmes construisent-ils la question de la santé des personnes dans le travail ? L’ancrage disciplinaire – même s’il peut être pluriel dans certains des articles – est clairement assumé et revendiqué par chacun des auteurs qui, à une exception près, sont toujours au moins deux et parfois plus, indice de la construction collective de ce dossier. Mais il s’agit bien, à chaque fois, de prendre en compte d’autres disciplines et en particulier ce qu’elles peuvent apporter au champ disciplinaire principal des auteurs – certains s’associant à l’occasion pour mieux faire travailler et discuter de leurs différences –, de leurs apports respectifs et des confrontations heuristiques que peuvent apporter ces perspectives distinctes. Une seconde question princeps organise ce dossier, autour des deux autres termes fondamentaux qu’il travaille et qui constituent la matrice de la …
Parties annexes
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