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1. Introduction

La Haute Autorité de Santé (HAS, 2013) constate, en France, de nombreux changements au sein des établissements de santé, dont un fort taux d’absentéisme et une multiplication des pressions sur le personnel soignant se traduisant par une souffrance des salariés au travail. Ainsi, la certification V2014 de la HAS (2015) expose la qualité de vie au travail (QVT) comme élément d’investigation obligatoire. L’Accord national interprofessionnel de juin 2013 définit la QVT comme un

« sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement, qui englobe : l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué ».

Pour répondre à cette exigence de la HAS et tenter de réduire l’absentéisme, de nombreux établissements s’engagent dans une démarche de mesure de la QVT au sein de leurs structures.

Cet article se donne pour objectif de présenter la démarche élaborée par la MiRH (Mission Ressources Humaines Santé – Pays de la Loire), afin de mettre en place une méthodologie d’enquête quantitative co-construite avec les établissements de santé de la région soucieux de mesurer la QVT au sein de leurs établissements.

1.1 Contexte des établissements de santé des Pays de la Loire et enjeux de la MiRH

La « MiRH » est une mission régionale destinée à aider les établissements sanitaires et médico-sociaux des Pays de la Loire dans le domaine de la gestion des ressources humaines. Elle est financée par l’ARS (Agence régionale de santé) et gouvernée par un Comité de gestion (CG) associant la Fédération Hospitalière de France (FHF) et l’Union des fédérations et syndicats nationaux d’employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social (UNIFED), soit les deux fédérations d’établissements qui représentent respectivement le secteur public et le secteur privé à but non lucratif. L’équipe technique de la MiRH, composée d’une responsable et de chargés de projets, met en œuvre les orientations fixées par le CG et lui rend compte de l’avancement des projets.

L’un des objectifs de la MiRH, sous couvert de l’ARS, était de proposer une enquête QVT aux établissements sanitaires et médico-sociaux publics et privés des Pays de la Loire, sur la base d’un modèle unique, afin que chaque établissement puisse se situer par rapport à la tendance générale et que soit établie une « cartographie régionale de la QVT » avec des résultats par métier, par secteur d’activité, etc. Cela permettait aussi à l’ARS d’optimiser les ressources dédiées à l’amélioration des conditions de travail dans les établissements, en priorisant les actions à mener et en favorisant les échanges d’expériences entre structures. Cet objectif rejoignait les préoccupations des directeurs des établissements de santé des Pays de la Loire qui tentaient depuis quelques années, à la suite des recommandations de la HAS notamment, de mettre en place des enquêtes sur la QVT de leurs salariés, sans disposer des ressources nécessaires pour faire face aux enjeux soulevés (validité du questionnaire, représentativité des réponses obtenues, interprétation des résultats…).

Sur la base de ces premiers constats, la MiRH a souhaité poursuivre plusieurs objectifs afin d’accompagner au mieux les établissements désireux de mettre en place une démarche QVT :

  • Aider les établissements à répondre à la certification V2014 de la HAS.

  • Apporter des connaissances et des méthodes en matière de création et d’administration de questionnaire.

  • Jouer un rôle fédérateur auprès des établissements en proposant un modèle d’enquête unique, permettant la constitution d’une base de données régionale homogène.

  • Assurer la fonction de « tiers de confiance » et garantir par une charte le traitement anonyme des données, afin de faciliter le remplissage des questionnaires, sans craintes des salariés.

1.2 La qualité de vie au travail, versant positif des risques psychosociaux

C’est au courant des années 2000 que la QVT devient

« un objectif stratégique pour l’Europe »(Tavani et coll., 2014)

L’objectif est alors d’envisager conjointement la performance économique de l’organisation et la performance sociale (Levet, 2013). La complexité de ce concept est à mettre en lien avec la pluralité d’approches dont il fait l’objet. Il est

« polyphasique, c’est-à-dire qu’il est employé pour rendre compte de phénomènes divers et variés dans des registres différents, correspondant en réalité à l’importante diversité des groupes sociaux qui l’emploient »(Tavani et coll., 2014, p. 1).

La revue de la littérature lui confère des statuts différents, tels qu’une variable à évaluer, un objectif à atteindre, ou encore un ensemble de méthodes managériales.

La définition de la santé de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) est bien souvent retenue pour introduire la notion de QVT :

« La santé est un état complet de bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (Brizard et coll, 2012, p. 8).

Il apparaît intéressant d’appliquer cette définition au monde du travail. Ainsi, un travail qui maintient le salarié en « bonne santé » est

« bien plus qu’un travail qui ne provoque pas de maladie chez celui qui le réalise ; il s’agit d’un travail susceptible de participer à un bien-être physique, mental et social. » (Brizard et coll., 2012, p. 8-9)

De fait, la QVT peut être envisagée non pas comme une absence de souffrance au travail mais comme un véritable facteur de développement personnel. D’après Levet (2013), il

« est nécessaire de soutenir un renouvellement des cadres de référence qui peut s’articuler à une transition des risques psychosociaux à la QVT » (p. 2).

Ce constat a pu être fait après la publication du rapport Lachmann et coll. (2010) qui postule que les enjeux des conditions de travail dépassent considérablement le champ de la prévention des risques. Ainsi, il faut dépasser la conception du travail comme un risque ou une souffrance, et intégrer les dimensions positives de ses enjeux.

Selon Tavani et coll. (2014),

« l’évaluation de la QVT peut être réalisée à travers la perception qu’un individu a de ses conditions de travail » (p. 6-7).

L’évaluation de la QVT peut donc renvoyer en partie à l’évaluation des

« facteurs de risques psychosociaux (RPS) »

tels que le Collège d’expertise présidé par Michel Gollac (Gollac et Bodier, 2011) les a catégorisés. Les facteurs de RPS y sont définis

« comme les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental » (Direction générale de l’administration et de la fonction publique, 2014, p. 9).

Ces facteurs, qui ont été repris par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) (Coutrot et Mermilliod, 2010) font consensus au niveau européen. Ils sont au nombre de six : 1) le premier facteur Intensité du travail et temps de travail étend les concepts de « demande psychologique » (Karasek, 1979) et d’« efforts » (Siegrist, 1996). Les déterminants immédiats renvoient d’une part à la durée et l’organisation du temps de travail et d’autre part à son intensité et à sa complexité ; 2) le facteur Exigence émotionnelle renvoie au fait de devoir contrôler ses émotions, afin de maîtriser celles des personnes avec lesquelles on travaille ; 3) le facteur Autonomie au travail renvoie à la latitude décisionnelle (Karasek, 1979), en incluant la marge de manœuvre du salarié, sa participation dans la prise de décisions qui le concernent et aussi l’utilisation et le développement de compétences ; 4) le facteur Rapports sociaux au travail se mesure à travers le soutien social perçu (Karasek et Theorell, 1990) de la part des collègues et de la hiérarchie, et/ou des partenaires extérieurs. Il est en lien avec les concepts d’intégration, de justice organisationnelle et de reconnaissance (Adams, 1963 ; Bagger, Cropanzano, et Ko, 2006 ; Cohen-Charash et Spector, 2001). Les formes de violence interne à l’entreprise y ont toute leur importance, comme les insultes, le harcèlement moral ou sexuel, la discrimination, etc. ; 5) le facteur Souffrance éthique fait partie des rapports sociaux au travail, mais renvoie essentiellement aux conflits de valeurs, c’est-à-dire aux situations au sein desquelles une personne est amenée à se conduire en opposition avec ses valeurs professionnelles, sociales ou personnelles ; enfin, 6) le facteur Insécurité de la situation de travail renvoie aux situations d’incertitude quant à l’aspect pérenne de son travail. Il comprend l’insécurité socio-économique et le risque de changement non maîtrisé de la tâche et des conditions de travail. D’autres facteurs méritent aussi d’être considérés tels que le genre, l’âge, l’origine sociale, le niveau scolaire, et les éléments relatifs au statut socioprofessionnel (Jeoffrion, 2013).

2. Problématique

2.1 État des lieux de la qualité de vie au travail au sein des établissements de santé

La HAS (2013) constate une dégradation de la qualité des soins qui engendre chez le salarié le sentiment de mal faire son travail. Son hypothèse

« renvoie à l’idée qu’à un sentiment de travail « bien fait » correspond un sentiment de qualité de vie au travail » (p. 4).

D’où l’importance de faire un état des lieux des changements contextuels que rencontrent les établissements de santé depuis quelques années. Il a en effet été démontré que lorsque les salariés doivent faire face à un certain nombre de changements, les facteurs de risques apparaissent plus fréquemment (Roland-Lévy et coll., 2014 ; Zid et Jeoffrion, 2014).

Le premier changement à noter concerne les mutations du contexte économique, politique et législatif auxquels les établissements de santé sont confrontés. Brizard et coll. (2012) observent par exemple

« une rationalisation budgétaire plus présente », ainsi qu’une « exigence qualité plus grande » (p. 13).

Les conséquences de ces contraintes sont une augmentation du temps consacré aux activités de gestion et d’administration, au détriment de la relation avec les usagers. Ils font également état d’une évolution du contexte législatif « depuis une dizaine d’années » au sein des établissements de santé (p. 18). Cette évolution de la législation concerne

« les modes de financement des établissements, la place occupée par l’usager et sa famille, les modes d’évaluation et de contrôle des instances de tutelle, etc. Cette évolution législative et réglementaire a profondément changé le travail des professionnels, la façon dont il est organisé et les conditions de sa réalisation. » (p. 18)

Un autre aspect souvent évoqué concerne le management. Ainsi, Detchessahar et Grévin (2009) évoquent une modification du management qui, associée à une augmentation de la compétitivité, « crée des bouleversements au sein de l’organisation ». Gollac et Bodier (2011) font également état de cette apparition de

« nouveaux modèles productifs – « productivisme réactif » (Askénazy, 2004) qui engendrent une multiplication des objectifs de performance »

et occasionnent des situations de tensions et de contradictions au travail. Ces modifications s’accompagnent d’une augmentation des

« outils de gestion (outils de contrôle de gestion, de GRH, de gestion de la qualité, de la sécurité…) qui portent les impératifs de la performance multiple vers les équipes opérationnelles et leur management. » (Detchessahar, 2013).

Ainsi, le cadre de santé s’éloigne petit à petit du terrain pour remplir des tâches gestionnaires et administratives censées contrôler le travail des équipes. Les difficultés rencontrées par les salariés deviennent alors « invisibles », ce qui peut engendrer un sentiment de se retrouver seul, sans soutien managérial (Detchessaharet coll., 2015).

Cet éloignement des cadres associé à l’augmentation des exigences en matière de qualité se traduit « par une surveillance accrue de la hiérarchie » qui engendre un sentiment d’intensification du travail chez le soignant avec une augmentation des contraintes (Le Lan et Baubeau, 2004). L’intensification des activités est également liée à la diminution du temps de séjour des patients et des moyens humains. Les moyens sont alors souvent mutualisés entre différents services, ce qui engendre des changements de poste de travail et

« rompt les collectifs de travail qui ont, de tout temps, joué un rôle majeur (Estryn-Behar, 1996) » (Notelaers et Van Veldhoven, 2001).

L’augmentation de l’absentéisme observée ces dernières années au sein des établissements de santé (Brami et coll., 2013) est la conséquence directe de l’intensification du travail et de l’augmentation de la survenue de certaines pathologies chez les salariés. Ainsi, selon Gollac et Bodier (2011), le risque de contracter certaines pathologies telles que

« les maladies cardiovasculaires, les pathologies psychiatriques et les troubles musculo-squelettiques » augmente de 50 à 100 % « en cas d’expositions aux facteurs de risques psychosociaux au travail » (p. 22).

Ces pathologies sont très fréquemment rencontrées au sein des établissements de santé, elles représentent un coût considérable et sont donc un véritable enjeu en matière de santé publique (Brizard et coll., 2012).

Ce rapide tour d’horizon montre que le contexte de ces dernières années peut avoir des effets délétères sur les conditions de travail des salariés des établissements de santé et engendrer l’augmentation de l’apparition de certaines pathologies et donc aussi de l’absentéisme, d’où l’importance de proposer aux établissements une véritable démarche de prévention de la santé au travail.

2.2 Les facteurs de risques psychosociaux dans les établissements de santé

Afin de créer une enquête adaptée au secteur de la santé, une première étape consiste à s’interroger sur les facteurs de risques psychosociaux (tels que Gollac les a catégorisés) les plus prégnants dans ce contexte.

Le premier facteur proposé par Gollac concerne l’intensité et le temps de travail. Or, une augmentation de la charge de travail a été constatée au sein des établissements de santé durant ces dernières années. D’après Brizard et coll. (2012),

« le temps de travail peut devenir un facteur de risque psychosocial à partir du moment où il perturbe la vie familiale et sociale » (p. 17).

Il est alors important de prendre en compte des changements d’horaires fréquents, et/ou un travail le week-end ou les jours fériés, comme c’est souvent le cas dans les métiers du sanitaire et du médico-social. L’analyse des résultats de l’enquête Conditions de travail, réalisée par Cézard et Hamon-Cholet (1999), montre que les salariés qui travaillent en relation directe avec le public ont plus souvent que les autres le sentiment de « devoir toujours se dépêcher », ou de devoir « abandonner une tâche pour une autre ». Les infirmiers se disent souvent gênés par ces perturbations qui les contraignent à devoir changer de tâche ou devoir réaliser plusieurs tâches simultanément. De plus, une différence importante entre le travail prescrit et le travail réel est constatée dans les établissements du secteur médico-social. Cette différence contraint le salarié à continuellement s’adapter aux situations qu’il rencontre. Concernant les contraintes de rythme de travail, les salariés estiment manquer de plus en plus souvent de temps pour faire « correctement leur travail ». En cinq ans, les exigences liées à l’application stricte des consignes « pour faire correctement son travail » se sont intensifiées (Le Lan et Baubeau, 2004). De nombreux salariés sont également concernés par le travail de nuit qui peut affecter les rythmes de la vie familiale et biologique (Brizard et coll., 2012). Les contraintes physiques constituent également un élément important à prendre en compte dans les établissements de santé, les efforts physiques sont de plus en plus signalés (Le Lan et Baubeau, 2004). Les aides-soignants seraient les plus concernés, avec une perception plus forte des contraintes physiques. Une intensification du travail, associée à un allongement de la durée de vie professionnelle, pourraient être à l’origine de nombreux troubles tels que les troubles musculosquelettiques (TMS) qui font l’objet de nombreuses publications ces dernières années (Barthe et Delgoulet, 2007 ; Coutarel, 2011 ; Stock, 2011).

Le second facteur important à prendre en compte est l’exigence émotionnelle, très forte dans les métiers du soin. En effet, les salariés sont amenés à accompagner des personnes en situation de souffrance et en perte d’autonomie, ce qui peut conduire à la mobilisation d’émotions parfois qualifiées « d’artificielles » (devoir cacher ses émotions) pour faire face à cette souffrance. Le salarié peut alors avoir le sentiment de ne pas être quelqu’un d’authentique. Brizard et coll. (2012) constatent aussi

« une constante évolution des caractéristiques des personnes accueillies, allant vers des pathologies plus lourdes » (p. 19).

Cette évolution peut causer des risques de maltraitance (Le Borgne et coll., 2015). Les salariés peuvent également ressentir une peur de l’échec, ou de la faute professionnelle qu’il faut maîtriser au quotidien et qui peut générer un stress avec un risque de conséquences sur la santé.

Gollac suggère ensuite d’évaluer l’autonomie des salariés. L’autonomie renvoie à

« la possibilité pour le travailleur d’être acteur de son travail » (Gollac et Bodier, 2011).

La latitude décisionnelle de Karasek (1979) est un terme qui permet de comprendre cette dimension en évaluant des aspects tels que la marge de manœuvre, l’autonomie dans la prise de décisions et dans l’utilisation des compétences ainsi que la notion de plaisir au travail (Roland-Lévy et coll., 2014). Le rapport sur la QVT de la HAS (2016) considère l’autonomie comme « déterminante » dans la capacité d’agir des soignants. La HAS précise que

« le fait de laisser une plus grande liberté d’action diminue en fait le taux de rotation des soignants : c’est un facteur de satisfaction » (p. 38).

Elle mentionne par ailleurs que les aides-soignants perçoivent moins d’autonomie que les autres catégories de salariés.

Le travail en établissement de santé est également caractérisé par de fortes relations de coopération. Cependant, ces relations ont pu être mises à mal ces dernières années par le manque croissant de personnel qui engendre des changements de service fréquents (Le Lan et Baubeau, 2004). Or, Roland-Lévy et coll. (2014) montrent à partir d’une analyse qualitative que, pour le personnel hospitalier, la dimension la plus importante à prendre en compte pour l’amélioration du bien-être au travail concerne les rapports sociaux au travail.

Enfin, l’axe « conflit de valeurs », ou « souffrance éthique » qui

« renvoie au sentiment d’effectuer une tâche qui n’est pas en accord avec nos valeurs sociales ou valeurs de travail » (C. Roland-Lévy et coll., 2014)

est un point important à prendre en compte lorsque l’on s’intéresse au milieu de la santé. Cette notion de conflit de valeurs peut s’exprimer de plusieurs façons, avec à la fois un sentiment de qualité empêchée, lorsque le salarié a par exemple le sentiment de ne pas avoir le temps ou les moyens nécessaires pour réaliser une tâche demandée ou bien l’impression de réaliser un travail inutile dont le résultat importe peu.

2.3 Objectifs de la démarche

La revue de la littérature montre que les changements importants que subissent les établissements de santé ces dernières années peuvent avoir des effets délétères sur les conditions de travail des salariés. Ainsi, l’intensité et le temps de travail, ainsi que l’exigence émotionnelle, très forte dans les métiers du soin, semblent constituer deux facteurs de risques psychosociaux importants, selon la classification proposée par Gollac (Roland-Lévy et coll., 2014). Parallèlement, la certification V2014 de la HAS (2015) expose la QVT comme élément d’investigation obligatoire.

Le projet de la MiRH émerge donc de la volonté des établissements, soutenue par l’ARS, de mettre en œuvre une démarche QVT au sein de leurs structures. Or il semblerait que chacun d’eux s’empare à sa façon de cette problématique en fonction de ses moyens (appel à un consultant externe ou non) et de ses connaissances. La question a alors été de savoir comment aider au mieux les établissements dans cette démarche, compte tenu du nombre important de structures potentielles à accompagner dans la région (environ 1200), de leur diversité en matière d’activités, et du temps imparti à la mission (six mois pour soumettre un dispositif). D’où notre souhait de proposer un outil identique pour chaque établissement, dont la validité soit garantie tout en répondant aux principales attentes de chacun.

Il a alors été choisi par la MiRH de privilégier une méthodologie d’enquête quantitative, afin de répondre aux exigences de temps et de moyens imposées par l’ARS. Ces exigences rendaient par ailleurs impossible la construction d’un questionnaire spécifique au secteur de la santé ; il a donc été décidé d’étudier, parmi les questionnaires déjà existants et scientifiquement validés, celui qui pourrait répondre au mieux au contexte des établissements. Cette option nous paraissait intéressante pour engager une démarche QVT (et par conséquent de prévention de la santé au travail) que les établissements pourraient s’approprier et qui leur donnerait des éléments de comparaison avec d’autres domaines d’activité pour mieux apprécier les enjeux propres à leur secteur.

Pour ce faire, cette enquête se devait de remplir plusieurs objectifs qu’il nous semble important de rappeler :

Rencontrer l’adhésion du plus grand nombre possible d’établissements, quels que soient leur secteur d’activité (sanitaire, EHPAD ou handicap) et leur statut (public, privé à but non lucratif ou privé à but lucratif).

  • Être accepté par les salariés de ces établissements.

  • Permettre aux directions d’engager le dialogue autour de la QVT avec les délégués du personnel.

  • Rendre possible les rapprochements inter-établissements, dans une logique de partage d’expériences et de mutualisation d’actions (mise en place d’actions communes ou concertées) pour l’amélioration de la QVT.

  • Donner aux acteurs régionaux concernés par la performance des équipes et la prévention des risques professionnels (ARS et CARSAT[1], notamment) des statistiques consolidées pour définir des priorités d’action dans le cadre de leurs fonds d’intervention respectifs.

3. Méthodologie

La méthodologie a été déclinée en cinq phases présentées ci-après.

3.1 Analyse de l’existant : étude de questionnaires utilisés au sein d’établissements

Après avoir étudié le contexte général au sein des établissements des Pays de la Loire, nous avons rencontré différentes structures ayant mis en place une démarche QVT dans la région afin de comprendre les dimensions principales qu’elles avaient décidé d’évaluer ainsi que la méthodologie mise en œuvre. Les structures concernées étaient une association d’établissements médico-sociaux (environ 85 établissements), un hôpital intercommunal et un groupement de sept établissements.

Le premier outil utilisé a été le « Baromètre social » développé par une association d’établissements médico-sociaux en 2009 avec l’aide d’un cabinet de consultants. L’objectif de ce baromètre était de recenser, tous les deux ans, les attentes des salariés, ainsi que leurs motivations ou éléments de démobilisation éventuelle. L’anonymat des réponses est assuré par le cabinet de consultants. Après quelques questions sur la satisfaction globale des salariés, plusieurs questions étaient posées sur l’association, avant de s’intéresser plus spécifiquement aux aspects liés à l’établissement, à savoir les rapports avec les représentants du personnel et leur implication, la relation avec les usagers, le travail/poste, le relationnel au sein de l’unité de travail, le management dans l’établissement et le service, et les perspectives d’avenir du salarié. Le questionnaire se concluait par une demande d’avis sur le questionnaire lui-même et plusieurs questions d’ordre sociodémographique. Une échelle de type Likert en cinq points (tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt en désaccord, en désaccord total, ne se prononce pas) a été choisie pour l’ensemble des items proposés. Concernant les modalités de passation, les salariés avaient la possibilité de remplir le questionnaire via une version en ligne ou une version papier. Le temps de réponse était estimé à environ 15 minutes pour répondre aux 77 questions.

Le second outil a été mis en place par un hôpital intercommunal de Loire-Atlantique qui a intégré dans son projet social 2012/2016 une thématique portant sur l’amélioration de la QVT des salariés. C’est dans ce cadre qu’un groupe de travail avait été constitué et avait décidé, en accord avec le CHSCT, de proposer un questionnaire sur les conditions de travail des salariés. Quatre grandes thématiques y sont abordées. La première thématique concerne l’organisation du travail à travers des questions sur le temps de travail, les tâches réalisées, les interruptions de tâche, ainsi que l’adaptabilité des locaux. Une seconde thématique intitulée « management » est centrée sur les relations avec le responsable hiérarchique, les notions de soutien social et d’autonomie et les possibilités d’expression. La troisième thématique s’intéresse à la communication à travers des questions sur la circulation de l’information. Enfin, une grande thématique « QVT » clôt ce questionnaire. Les points qui y sont abordés renvoient aussi bien aux relations avec les autres membres de l’équipe qu’aux notions de respect, de confiance en soi, de solidarité, de stress et d’épanouissement personnel. La satisfaction liée à la rémunération et aux horaires de travail y est également évaluée. Concernant les modalités de passation, il n’existe pas de version en ligne pour ce questionnaire. Contrairement à l’association, l’établissement n’a pas fait appel à un consultant externe pour garantir l’anonymat et la confidentialité des données. L’établissement s’est chargé de la saisie des questionnaires, la MiRH étant en charge de proposer une méthodologie d’analyse des données. Les salariés disposent d’une vingtaine de minutes pour remplir le questionnaire composé de 78 questions. L’échelle de réponses utilisée est la même pour tous les items, à savoir, une échelle de type Likert en quatre points allant de « tout à fait d’accord » à « pas du tout d’accord ».

Le troisième outil concerne un groupement de sept établissements qui a fait une demande de financement à l’ARS afin de traiter cette question via un cabinet de consultants. En 2014, un cahier des charges a été élaboré en Comité de pilotage (Copil) réunissant le président et le secrétaire du CHSCT ainsi que deux médecins du travail et un psychologue du travail de la CARSAT (Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail). Un cabinet a été retenu après un choix unanime en septembre 2014. En janvier 2015, le cabinet propose de faire passer un questionnaire validé, le COPSOQ (Copenhagen Psychosocial Questionnaire) (Dupret et coll., 2012) dans sa version francophone et courte (44 questions) aux salariés des sept établissements, à la suite d’entretiens individuels avec les directeurs.

Ces trois outils étudiés témoignent de l’intérêt des établissements pour une méthodologie d’enquête quantitative, qui permet une photographie de la situation. Cette démarche donne la possibilité d’évaluer le niveau d’exposition des salariés aux différents facteurs de risque et dimensions de la QVT et de repérer les groupes de salariés les plus vulnérables en fonction de variables telles que l’âge, le métier ou l’ancienneté. Elle permet de prioriser certaines actions et d’orienter les réflexions à mener dans le contexte de l’amélioration des conditions de travail.

Nous pouvons constater plusieurs similitudes entre ces questionnaires. Tout d’abord, ils sont de longueur à peu près équivalente en nombre de questions et en temps de réponse. Nous observons également l’importance de certaines thématiques telles que le management, les relations entre collègues et les conditions de travail. Globalement, les thématiques abordées renvoient aux six facteurs psychosociaux de risque de Gollac (Gollac et Bodier, 2011). Cependant, l’enchaînement des questions et le choix des thématiques comportent de nombreuses différences entre les établissements. Sont par exemple plus ou moins développées les questions relatives à la relation avec les usagers, la communication au sein de la structure et les perspectives de travail des salariés. Par ailleurs, différentes méthodes sont utilisées par les trois organisations pour mener à bien leur projet : recours ou non à un prestataire extérieur, utilisation ou non d’un questionnaire déjà validé, mode de passation en ligne ou en format papier…

Le choix d’exposer l’expérience de ces établissements repose sur l’intérêt de comparer les différentes méthodologies employées afin de mettre l’accent sur plusieurs aspects que nous privilégions :

  • L’importance de sensibiliser les établissements à l’utilisation d’un questionnaire validé scientifiquement afin qu’une analyse pertinente puisse être réalisée.

  • Le choix concerté des thématiques à traiter au sein du questionnaire en se basant sur les facteurs de risque du Rapport Gollac.

  • L’intérêt de faire appel à une entité externe, tiers de confiance, permettant une saisie et un traitement des données respectueux de l’anonymat des salariés.

  • L’appui sur des experts en matière de conditions de travail, ayant des compétences dans l’administration d’outils validés.

Afin d’impliquer les acteurs de terrain dans le choix du questionnaire unique que la MiRH souhaite proposer à l’ensemble des établissements de la région, la formation d’un comité de pilotage a été proposée, et acceptée.

3.2 Participation des acteurs : mise en place d’un comité de pilotage

Jeoffrion et coll. (2014) rappellent l’importance de la constitution d’un comité de pilotage dont le

« rôle de validation et de réflexion ainsi que sa composition pluridisciplinaire sont autant d’éléments essentiels au bon fonctionnement du diagnostic » (p. 377).

De plus, d’après François et Liévin (2006),

« une approche participative semble obtenir de meilleurs résultats qu’une simple démarche d’experts » (p. 311),

d’où l’importance d’associer les directeurs d’établissement à la réflexion. Le rôle du comité de pilotage (Copil) est ainsi de participer aux décisions prises relatives au choix de la méthodologie et au calendrier à respecter.

Concernant notre action, les directeurs d’établissement étant pour la plupart très occupés par de nombreux autres projets, il a été décidé que le Copil se réunirait trois fois : un premier temps pour lancer la démarche, un second à mi-parcours afin de faire le point sur l’avancement du projet et un troisième pour évaluer la démarche.

Les participants à ce groupe ont été choisis du fait de leur expérience passée en matière de QVT ainsi que pour l’intérêt manifesté pour la démarche engagée par la MiRH. Il était également important que le groupe soit à la fois constitué de représentants d’établissements du secteur privé et du secteur public. Nous avons choisi des établissements du sanitaire et du médico-social dont les problématiques peuvent être différentes. Nous avons aussi souhaité associer à la démarche différents acteurs menant des travaux sur la QVT et les RPS. Finalement, le Copil est composé de : un ingénieur-conseil de la CARSAT, un expert en santé au travail du CHU (Centre hospitalo-universitaire) de Nantes, la responsable d’une structure d’appui qualité, risques et évaluation aux établissements de la région, la directrice adjointe d’un centre hospitalier, quatre directeurs d’EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), trois directeurs des ressources humaines d’établissements médico-sociaux et d’EHPAD et un cadre de santé d’un hôpital intercommunal. L’offre de service de la MiRH étant destinée aux directeurs, par convention, et compte tenu du peu de temps imparti à la MiRH pour mener ce projet, nous n’avons pas eu la possibilité de nous rapprocher des représentants des personnels. Afin de pouvoir tout de même faire participer les salariés, il a été demandé aux directeurs de les consulter lors des temps prévus entre chaque réunion du Copil afin de recueillir leurs avis sur la démarche proposée.

Après une présentation du projet de la MiRH lors d’une première réunion du Copil le 25 mars 2015, la parole a été laissée aux participants pour leur permettre d’échanger sur leurs expériences, mais aussi pour recueillir leurs avis sur la démarche engagée par la MiRH. Plusieurs points importants ont été soulevés par les participants :

  • Les indicateurs à prendre en compte, notamment l’inclusion ou non d’une échelle de mesure de la satisfaction de la rémunération. En effet, la rémunération est un point très souvent abordé dans les questionnaires de QVT ou de prévention des RPS. Cependant, certains établissements, notamment du secteur public, soulignent le manque de marge de manœuvre sur cet aspect, les salaires correspondant à des grilles déjà établies.

  • La question de l’anonymat avec la crainte pour certains établissements de la difficulté de respecter l’anonymat au sein de structures de petite taille lorsque certaines catégories de métiers sont peu représentées.

  • L’importance pour les directeurs d’établissement de s’interroger sur la démarche à entreprendre avant de proposer une enquête aux salariés. Ainsi, les établissements doivent être conscients qu’une enquête mise à disposition des employés peut être révélatrice de souffrances, et engendrer une remise en question de l’organisation. La direction doit être prête à remettre en question son mode de management et établir une communication transparente avec les représentants du personnel avant de s’investir dans la diffusion d’une enquête.

  • L’intérêt pour les établissements de pouvoir se comparer et se situer par rapport à des établissements de même secteur ou de même taille. En effet, certains déplorent que les données issues de questionnaires soient comparées à des populations de tous secteurs d’activité confondus qui ne rencontrent pas obligatoirement les mêmes problématiques que les établissements de santé.

  • La nécessité de pouvoir proposer l’enquête de façon récurrente afin de pouvoir évaluer les effets de certaines actions dans le temps.

Afin de répondre aux différents points soulevés lors de la réunion, la MiRH s’est engagée à respecter le plan d’action suivant :

• Informer les établissements de l’existence du projet par le biais du site internet, la newsletter, la semaine de la QVT en juin 2015 et l’utilisation de relais d’information (réunions départementales, etc.).

• Former : avant de proposer l’outil aux établissements, des sessions de formation sur la QVT sont prévues pour permettre de s’approprier les concepts et de comprendre les enjeux (elles ont été organisées à partir de septembre 2015). Cette formation est également l’occasion de faire la distinction entre RPS et QVT, deux termes souvent confondus et avec lesquels les directeurs d’établissement ne sont pas toujours familiarisés. L’importance d’intégrer l’enquête dans une véritable démarche de QVT avec implication de tous les salariés a également été soulignée.

Accompagner les établissements dans la mise en place de l’enquête avec la diffusion d’un guide méthodologique reprenant notamment les préalables (conditions de mise en œuvre) au lancement de l’enquête.

Suivre la mise en œuvre en fonction des difficultés des établissements (hotline téléphonique, déplacement sur site en cas de difficultés, etc.).

Garantir la confidentialité des données en proposant aux établissements de sous-traiter la saisie des réponses et en prenant en charge le traitement et l’analyse des résultats (l’engagement de la MiRH dans ce domaine a fait l’objet d’une charte signée par le président, et le vice-président du CG et la responsable de la MiRH).

3.3 Proposition de plusieurs questionnaires : justification des choix

Les critères de sélection des échelles proposées résident dans leur adéquation avec les six facteurs de Gollac, leur pertinence par rapport aux problématiques rencontrées par les salariés des établissements sanitaires et médico-sociaux ainsi que leur facilité de compréhension et d’utilisation.

Sur la base de ces critères, trois propositions ont été faites au Copil : 1) le Copenhagen Psychosocial Questionnaire (COPSOQ) associé à l’échelle « Contraintes TMS d’ORSOSA », 2) une compilation d’échelles validées et 3) le questionnaire « Vécu du travail ».

Proposition 1 : Le Copenhagen Psychosocial Questionnaire (COPSOQ) et l’échelle « Contraintes TMS d’ORSOSA »

Le COPSOQ a été créé en 2000 et présenté en anglais en 2005 par l’Institut national de santé au travail du Danemark. L’objectif des auteurs était alors de disposer d’un instrument valide permettant d’évaluer de façon quasi exhaustive les nombreux facteurs psychosociaux de l’environnement au travail. La version courte du COPSOQ est constituée de 46 items regroupant 24 échelles, réparties en six dimensions. Elle a été traduite en français et validée par Dupret et coll. (2012). Le questionnaire est applicable dans tous types d’industries et de professions. Tous les facteurs de RPS au travail retenus dans le Rapport Gollac y sont présents. Des échelles de réponses en quatre ou cinq points sont utilisées en fonction des items.

Les domaines explorés dans ce questionnaire sont : « les contraintes quantitatives » (rythme et temps de travail), « les exigences émotionnelles » (répression des émotions et éthique), « l’autonomie », « les relations horizontales », « les aspects organisationnels et le leadership » (soutien social, management...), « la santé et le bien-être » (comme le stress et l’épuisement émotionnel) et enfin « l’insécurité et le vécu professionnel » avec des questions sur le sens donné à son travail et la peur de perdre son emploi. La validité de la version française a été testée en 2010 sur un échantillon de 3166 salariés d’une grande entreprise française de l’industrie aéronautique (Dupret et coll., 2012).

Le questionnaire« Contraintes TMS » de l’ORSOSA (Organisation des Soins et de la Santé des soignants) (De Gaudemaris et coll., 2015) s’intéresse plus particulièrement aux contraintes physiques qui pèsent sur les salariés et qui peuvent être intégrées au facteur de risque « intensité du travail et temps de travail ». L’outil validé vise à la fois

« à évaluer les niveaux de contraintes psychologiques et organisationnelles (CPO) et musculosquelettiques perçus par les soignants » (François et Liévin, 2006, p. 1).

Seule l’échelle concernant les TMS a été retenue dans cette étude, le reste de l’outil étant uniquement adapté aux personnels soignants et non au reste des salariés des établissements.

Proposition 2 : Compilation d’échelles

Lors de la première réunion du Copil, les échelles déjà connues par la majorité des membres, tels le questionnaire de Karasek et Theorell (1990) et celui de Siegrist (1996), ont été présentées en vue de susciter des échanges à leur sujet. Un autre indicateur fréquemment mentionné au sein du secteur de la santé ces dernières années concerne la conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle. Cet aspect est une « variable clé » du facteur

« intensité du travail et temps de travail » (Gollac et Bodier, 2011).

Deux échelles validées permettant d’évaluer cet aspect ont donc été présentées : l’échelle de « mesure du conflit travail-famille » développée par Kopelman et coll. en 1983, et l’échelle SWING de Wagena et Geurts (2000). Pour évaluer les conditions physiques de travail, l’auto-questionnaire de Dallas (Salmochi et Maigné, 2005), traduit et validé par le Groupe d’études des lombalgies (GEL) a été présenté, et de nouveau le questionnaire « contraintes TMS » d’ORSOSA (Lamy et coll., 2013 ; Pavillet et Aksri, 2013).

Concernant l’axe « exigence émotionnelle », l’échelle « relations avec les usagers » de l’enquête Sumer 2003 (Arnaudo et coll., 2006 ; Guignon et coll., 2008) a elle aussi été exposée.

Pour évaluer la souffrance éthique et les « conflits de valeurs », l’échelle des « efforts extrinsèques » de Siegrist (1996), en plus de s’intéresser aux aspects physiques et temporels du travail, permet d’évaluer le sentiment de « qualité empêchée » via des questions telles que « Je suis fréquemment interrompu(e) et dérangé(e) dans mon travail ». L’échelle de Karasek « la demande psychologique » (Karasek, 1979) permet également de s’y intéresser par le biais de questions comme

« Je reçois des ordres contradictoires de la part d’autres personnes ».

En plus des échelles de Siegrist et Karasek sur le soutien social, l’échelle de « mesure du soutien organisationnel perçu » d’Eisenberger et coll. (1986) peut être intéressante pour évaluer le facteur « rapports sociaux au travail » de Gollac. La rémunération peut également être évaluée dans cet axe. Siegrist l’aborde par exemple dans son échelle des « récompenses ». Karasek s’y intéresse également via l’échelle de « reconnaissance ».

Enfin, « l’insécurité socio-économique » peut être évaluée via deux échelles :

« Force du besoin de croissance individuelle » (Hackman et Oldham, 1975)

et échelle de

« Contrôle sur le statut professionnel » (Siegrist).

Afin de mieux cerner les attentes des participants au Copil, il leur a été demandé, par le biais d’un fichier sur Excel, de donner leur avis sur ces échelles pour chacun des facteurs en attribuant une note allant de zéro à dix. Cette notation prenait à la fois en compte la facilité de compréhension des questions, la facilité à se positionner sur l’échelle de réponses ainsi que l’adéquation des questions avec le contexte de l’établissement et les préoccupations du directeur de l’établissement.

Ainsi, une première estimation quantitative a-t-elle pu être réalisée.

Proposition 3 : Questionnaire « Vécu du travail » (VT)

Cet outil a été créé dans le contexte d’une thèse soutenue par Van Veldhoven en 1996 (Notelaers et Van Veldhoven, 2001). L’objectif de ce questionnaire était alors de développer un outil permettant de mesurer « la charge psychosociale du travail » (terme employé en Belgique pour parler des RPS) et le « stress professionnel » en s’inscrivant dans la lignée des questionnaires existants. Van Veldhoven s’est alors basé sur 50 outils validés issus de la littérature internationale afin de créer un instrument permettant de répondre à ces objectifs. La version intégrale du « Vécu du travail » est constituée de 201 items répartis sur 27 échelles (Langevin et coll., 2013).

Nous avons opté pour le questionnaire français en version abrégée, constitué de 108 questions, et traduit par Vets et coll. en 2009. Les questions sont réparties sur 14 échelles. L’outil permet de mesurer à la fois la charge psychosociale du travail par le biais de 76 items avec une échelle de 4 réponses, « toujours », « souvent », « parfois », « jamais », et le stress professionnel à l’aide de 32 questions, avec une possibilité de réponse oui/non (Notelaers et Van Veldhoven, 2001).

Le « Vécu du travail » (VT) abrégé s’intéresse à cinq dimensions qui sont « les caractéristiques du travail » (rythme et quantité de travail, charge émotionnelle, efforts physiques et autonomie), « l’organisation au travail et les relations au travail », « les conditions de travail » qui traite le sujet de l’incertitude professionnelle, « le bien-être au travail » qui renvoie aux notions de plaisir et d’implication au travail, et « le stress lié au travail » qui aborde la notion de « tension mentale et émotionnelle ».

Concernant la validité de ce questionnaire, la banque de données disponible actuellement fait état de 44 531 réponses dont 9421 pour le VT abrégé et 1316 pour la version francophone entre 1999 et 2007. Les 1316 données ont été fournies par des travailleurs de 24 entreprises ou organisations relevant de 11 secteurs d’activité différents dont le secteur tertiaire et une maison de retraite.

Le tableau ci-dessous met en regard de manière synthétique les thématiques abordées par les questionnaires et les six facteurs psychosociaux de Gollac.

Tableau 1. Catégorisation des échelles au regard des facteurs psychosociaux de risque au travail de Gollac

Tableau 1. Catégorisation des échelles au regard des facteurs psychosociaux de risque au travail de Gollac

-> Voir la liste des tableaux

Nous remarquons qu’un même facteur peut renvoyer à des dimensions diversifiées. Ainsi, le premier facteur « Intensité et temps de travail » renvoie aux « Contraintes quantitatives » dans le questionnaire COPSOQ, et aux échelles « Rythme et quantité de travail » et « Diversité dans le travail » dans le questionnaire « Vécu du travail ».

3.4 Validation d’un modèle de questionnaire par le comité de pilotage

L’objectif de la seconde réunion (qui s’est tenue deux mois après la première) a été de recueillir les avis des participants sur les points forts et les points faibles des questionnaires afin de choisir parmi les trois propositions celle qui semblait la mieux adaptée aux besoins des établissements. La proposition 1, le questionnaire du COPSOQ avec ajout d’une échelle d’évaluation des TMS, a été jugée intéressante mais la formulation des questions potentiellement compliquée à comprendre pour certains types de salariés, mal à l’aise avec les subtilités de la langue française.

La proposition 2 (compilation de plusieurs échelles validées) a été considérée comme potentiellement déstabilisante pour les répondants du fait des différences de formulation et de modalités de réponse. Les participants ont trouvé cependant intéressante l’idée de pouvoir répertorier les échelles permettant d’évaluer la QVT. De plus, ce travail de revue des différents outils existants en matière d’évaluation de la QVT leur a permis de réaliser que de nombreuses échelles validées existent actuellement.

Les participants ont trouvé finalement que la proposition 3 (questionnaire « Vécu du Travail » - VT) était un bon compromis, avec une échelle de réponses simple et une bonne compréhension des items. De plus, ils ont souligné le fait que cet outil leur semblait le plus complet. Le questionnaire VT a de fait été choisi à l’unanimité, ce qui nous a permis d’espérer une bonne appropriation de l’outil par l’ensemble des établissements.

Le Copil a été consulté sur les questions complémentaires du questionnaire, qui ont pour objectif d’interpréter les résultats par catégories de répondants (âge, sexe, métier, secteur d’activité, horaires de travail, etc.), en évitant que le détail demandé soulève des craintes sur le respect de l’anonymat.

L’objectif de cette réunion a également été de donner un nom spécifique à cet outil à l’intérieur du projet de la MiRH. Le nom « Baromètre Qualité de Vie au Travail » a été choisi à l’unanimité[2].

Enfin, un guide méthodologique a été proposé au Copil pour accompagner la diffusion du questionnaire. Afin de rédiger ce guide, nous nous sommes basés sur plusieurs guides existants mis à disposition des établissements de santé publics et privés dans le cadre d’une démarche sur l’évaluation et la prévention des RPS[3].

Les principaux points abordés dans ce guide sont :

  • La définition de la QVT et la présentation des six facteurs psychosociaux de risques présentés dans le Rapport Gollac.

  • Les différents aspects à prendre en compte lorsque l’on souhaite réaliser un diagnostic sur la QVT avec notamment la présentation de la démarche par questionnaire, l’importance de la communication, et enfin l’exploitation et la restitution des données recueillies.

Un exemple de lettre pour informer du lancement de la démarche est joint en annexe du guide.

3.5 Déploiement de l’enquête : premiers tests et lancement de la démarche

À l’issue des réunions du Copil, les participants ont été invités à tester dans leurs établissements le questionnaire retenu, afin de sécuriser la démarche de déploiement, même si le choix d’un questionnaire scientifiquement validé présentait déjà une certaine garantie.

Parallèlement, les travaux du Copil ont été présentés au CG de la MiRH, qui les a accueillis très favorablement. L’un des membres du CG, représentant un établissement hospitalier public, a souhaité faire partie des premiers utilisateurs de l’offre de la MiRH, dans le but d’effectuer un test « grandeur nature » de la démarche.

La MiRH a donc accompagné cet établissement public de 1000 salariés dès le mois d’octobre 2015. Elle a participé aux restitutions des résultats en interne, auprès du CHSCT, puis du personnel encadrant et enfin des salariés. Ce test a permis d’apporter deux améliorations : l’une concernant l’identification des catégories de répondants, en fin de questionnaire, avec une meilleure structuration des métiers ; l’autre concernant les supports de restitution des résultats, avec une approche plus pédagogique et plus concrète.

En fin d’année 2015, des sessions de formation de trois jours ont été proposées par la MiRH aux établissements de la région, sur le thème :

« De la gestion de l’absentéisme à l’amélioration des conditions de travail »,

avec une journée consacrée au Baromètre Qualité de Vie au Travail. Cette journée de formation a été l’occasion de revenir sur les engagements de la MiRH, la façon dont le baromètre a été pensé, les points abordés dans le guide méthodologique, les modalités de passation de l’enquête et la présentation du mode de restitution des résultats. Plus de 70 personnes ont suivi cette formation et plusieurs d’entre elles ont ensuite sollicité la MiRH pour mettre en place le baromètre QVT au sein de leur structure.

La communication sur le projet a été relayée par la MiRH dans sa newsletter « Le point de MiRH », sur son site internet, et à l’occasion de son colloque régional annuel, en février 2016. Lors de ce colloque, les premiers utilisateurs du baromètre sont venus témoigner de leur expérience via une table ronde organisée sur le thème de la QVT. Une centaine de personnes ont participé à cet échange.

4. Résultats

Début septembre 2017, 57 structures avaient fait appel à la MiRH pour utiliser le baromètre QVT, soit 10 632 salariés concernés et 5311 questionnaires retournés, soit un taux de retour de quasiment 50 %.

L’un de nos premiers objectifs était de proposer un baromètre qui rencontre l’adhésion du plus grand nombre possible d’établissements. Au regard du nombre de structures qui ont fait appel à la MiRH depuis septembre 2015, nous pouvons déjà affirmer que l’offre de service a séduit un nombre important d’établissements. Par ailleurs, plus d’une dizaine de structures ont déjà programmé d’utiliser le baromètre pour la fin de l’année 2017 et le début de l’année 2018. Nous avions également formulé le souhait que le baromètre QVT puisse convenir à un établissement, quel que soit son secteur d’activité, son statut ou sa taille. Si l’on s’intéresse au secteur d’activité, parmi les 57 établissements ayant utilisé le baromètre, nous dénombrons 17 établissements du secteur sanitaire, 19 EHPAD, 9 SSIAD (Services de Soins Infirmiers à Domicile), 12 établissements du secteur « handicap » dont 3 en psychiatrie. Nous pouvons constater que tous les secteurs pouvant bénéficier des services de la MiRH ont utilisé le baromètre QVT, avec un intérêt particulier des secteurs sanitaires et EHPAD. En ce qui concerne ces derniers, ils se montrent globalement très satisfaits des services que peut proposer la MiRH et sont très en demande d’un appui sur les problématiques de RPS et QVT.

Il est également intéressant de souligner que tous les départements de la région sont représentés puisque nous comptabilisons 15 établissements participants en Loire-Atlantique, 8 en Vendée, 18 dans le Maine et Loire, 6 en Mayenne et 10 en Sarthe. L’implication plus forte en Loire-Atlantique et Maine et Loire s’explique par le choix de certains établissements ou associations de se rassembler pour utiliser le baromètre QVT, ce qui constitue un signal positif pour la mutualisation d’aides que la MiRH encourage. Concernant le statut, l’offre séduit aussi bien les établissements privés (32 structures) que publics (35 structures). Concernant l’adhésion des salariés à la démarche, notre second objectif, il est à noter une adhésion globale plutôt satisfaisante, avec un taux de retour moyen de 60 %.

Si l’on s’intéresse plus spécifiquement à chaque établissement, les taux de retour varient de 39 % pour le plus faible à 90 % pour le plus élevé. Bien que la variabilité soit assez conséquente, elle est surtout attribuée à la taille de l’établissement : les grandes structures (avec plus de 300 salariés) ont rencontré plus de difficultés à communiquer et intéresser tous les salariés, avec notamment la contrainte de devoir convaincre et transmettre le message à plusieurs relais/services. De plus, les structures ou associations de grande taille ont plus souvent l’habitude de proposer un nombre important d’enquêtes chaque année, afin de répondre aux demandes de l’ARS et d’autres acteurs régionaux, ce qui peut créer une lassitude de la part du salarié. Cette importance de la communication nous a d’ailleurs incités à nous montrer plus vigilants sur ce point. Aujourd’hui nous insistons davantage sur cet aspect auprès des directeurs d’établissements et nous nous efforçons de recueillir et partager les bonnes pratiques et retours d’expériences des structures ayant obtenu des taux de retours satisfaisants. Ce partage se traduit notamment par l’envoi d’une plaquette de communication et d’une lettre « type » pour expliquer la démarche aux salariés. De plus, les retours des établissements sont globalement positifs puisqu’ils sont majoritaires à estimer qu’ils ont obtenu un meilleur taux de réponse au baromètre QVT qu’à d’autres enquêtes (de satisfaction, RPS ou QVT) qu’ils avaient pu réaliser par le passé.

Nous avions également formulé le souhait que le baromètre QVT puisse être un véritable outil de dialogue autour de la QVT, et plus largement, de la santé au travail, avec les délégués du personnel et les salariés. En effet, d’après les retours que nous avons recueillis des directeurs d’établissement, le baromètre QVT a permis aux directions et représentants du personnel de partager une définition commune en matière de QVT et de se mettre d’accord sur les points importants à évaluer. Cet outil a permis d’objectiver et souvent de confirmer les plaintes des salariés, parfois remontées à la direction par le biais des représentants du personnel. De plus, l’offre de service (questionnaire + analyse des résultats) sur le baromètre QVT et l’obtention de l’analyse qui en découle ont souvent permis d’amorcer la création de comités de pilotage ou groupes de travail sur la prévention de la QVT.

Il était également primordial que cette offre de la MiRH puisse créer un rapprochement entre les établissements autour de la thématique de la QVT et par conséquent de la prévention de la santé au travail. Même si cet objectif n’a pas pu être évalué dans les premiers mois qui ont suivi la mise en place du projet, nous pouvons aujourd’hui disposer de premiers indicateurs qui nous permettent d’affirmer que le baromètre QVT a favorisé le partage entre établissements. Plusieurs d’entre eux ont notamment sollicité le financement de l’ARS pour des actions mutualisées permettant entre autres d’affiner le diagnostic de la MiRH, par le biais d’entretiens collectifs. L’utilisation du baromètre QVT a également incité plusieurs dizaines d’établissements à engager une réflexion sur l’intégration des RPS dans le document unique d’évaluation des risques (DUER), dans l’optique de mettre en place une véritable démarche de prévention.

Enfin, nous souhaitions pouvoir donner aux acteurs régionaux concernés par la performance des équipes et la prévention des risques professionnels (ARS et CARSAT, notamment) des statistiques consolidées pour définir des priorités d’action dans le cadre de leurs fonds d’intervention respectifs. À ce jour, la base de données de 5311 réponses, dont 1595 dans le secteur sanitaire, 1268 en EHPAD, 851 dans le champ du handicap, 725 en psychiatrie, et 208 en SSIAD, nous permet déjà d’avoir une première photographie de la QVT dans la région. Ces données peuvent aider l’ARS dans son attribution de crédits CLACT (crédits d’amélioration des conditions de travail) et la CARSAT, qui a lancé un plan de prévention des risques en EHPAD, en ciblant ceux d’entre eux ayant le plus fort taux de sinistralité dans la région.

Ces éléments nous permettent à ce jour de confirmer l’intérêt de proposer un baromètre QVT commun à l’ensemble des établissements de la région. Cette solution est aujourd’hui privilégiée par un nombre conséquent de structures. En plus de permettre d’établir un premier diagnostic de la QVT au sein de l’établissement, le baromètre s’est révélé être un outil de dialogue et d’aide à la décision, permettant d’engager une véritable réflexion sur la prévention des RPS.

5. Discussion : intérêts, limites et perspectives

L’objectif de cet article était de présenter la co-construction et la mise en place d’une méthodologie d’enquête régionale sur la QVT qui rencontre l’adhésion du plus grand nombre possible d’établissements, qui soit accepté par leurs salariés, qui permette aux directions d’engager le dialogue avec les instances représentatives du personnel sur la QVT, qui rende possibles les échanges d’expériences entre établissements et qui fournisse aux décideurs régionaux des indicateurs pour la priorisation des aides financières dédiées à l’amélioration des conditions de travail dans le secteur de la santé.

Ces objectifs ont été satisfaits puisqu’à ce jour 57 établissements de la région Pays de la Loire ont répondu à l’enquête proposée par la MiRH et que ce nombre augmente régulièrement, que le taux de retour moyen est très satisfaisant (50 %) et que les résultats régionaux déjà consolidés sur 5311 salariés permettent de dégager des tendances fortes sur la manière dont la QVT est perçue dans le secteur.

L’adhésion des établissements a été facilitée par plusieurs choix stratégiques réalisés dès le début du projet :

  • La proposition d’une offre de service « clé en main » aux établissements, avec un modèle de questionnaire, le traitement des résultats et leur restitution sous forme de documents de communication. Cela évite aux établissements d’avoir à construire eux-mêmes un questionnaire ou à faire appel à un prestataire extérieur avec lancement d’appel d’offres et recherche de financement.

  • Le choix d’un questionnaire déjà existant et validé scientifiquement, plutôt que la construction d’un questionnaire spécifique au secteur de la santé. Cette option permettait de respecter les contraintes de temps imposées à la MiRH et rendait possible le fait de mieux comprendre les enjeux propres au secteur en comparant les résultats obtenus avec ceux d’autres domaines d’activité.

  • L’implication des directeurs d’établissement dans le choix du questionnaire, par le biais d’un Copil représentatif de ces derniers (ce Copil ne comprenait pas de représentant des salariés, l’offre de service de la MiRH étant destinée aux directeurs, par convention. Ce point est d’ailleurs susceptible d’évoluer dans l’avenir).

  • La mise en place d’une formation pour expliquer la démarche et ses enjeux, notamment son importance dans la prévention primaire des phénomènes d’absentéisme qui constituent un problème récurrent pour les établissements.

  • Une communication régulière sur l’avancement du projet, via la newsletter de la MiRH, et le recours aux témoignages d’établissements inscrits dans la démarche pour susciter de nouvelles adhésions.

Pour obtenir un bon taux de retour auprès des salariés, le rôle de tiers de confiance exercé par la MiRH a été essentiel. Il a permis de rassurer les salariés et il a donné à la direction une position plus confortable pour présenter les résultats aux acteurs locaux (CHSCT, encadrement, salariés). Un autre facteur important a été la souplesse proposée dans le mode de passation de l’enquête (en ligne ou papier), pour faire en sorte que les professionnels se sentent le plus à l’aise dans la manière de répondre.

Pour permettre aux directions d’engager le dialogue avec les représentants du personnel, la neutralité de la MiRH a été, là encore, un élément important. Par ailleurs, la MiRH s’engageait à ne pas communiquer les résultats d’une catégorie de salariés si son effectif n’était pas suffisant pour éviter l’identification des individus concernés. Cette mesure permettait de rassurer les délégués du personnel. Par ailleurs, la communication interne au sein des établissements a été facilitée par la mise à disposition d’outils pédagogiques simples réalisés par la MiRH pour expliquer la démarche et comprendre le mode de restitution des résultats.

Les rapprochements inter-établissements et la fourniture de résultats régionaux pour les décideurs ont été rendus possibles par l’unicité du questionnaire proposé. Il permet la constitution d’une base de données homogène, utile aux établissements pour comparer leurs résultats avec ceux d’un collectif et pour dégager des tendances par catégorie de salariés, afin d’orienter les actions. Par ailleurs, l’utilisation d’un questionnaire validé ayant donné lieu à une publication (Notelaers et Van Veldhoven, 2001) présente l’intérêt de pouvoir comparer les résultats du secteur de la santé avec ceux d’autres secteurs.

Les limites auxquelles la MiRH a été confrontée dans le cadre de ce projet sont :

  • L’impossibilité, faute de temps, d’effectuer un pré-test du questionnaire sur un petit nombre de salariés avant son déploiement dans des établissements. Cela permettrait de lever des craintes sur la longueur du questionnaire, ainsi que sur la compréhension par tous du vocabulaire utilisé.

  • L’absence d’enquêtes complémentaires plus qualitatives au sein des établissements, la MiRH n’ayant pas les moyens d’y consacrer le temps nécessaire.

  • L’impossibilité pour la MiRH d’aider les établissements à monter des plans d’action spécifiques à la suite des résultats de l’enquête, les actions individuelles ne faisant pas partie de ses missions.

Sur ce dernier point, afin d’aider les établissements à mettre en place les plans d’action qui sont la suite logique d’une démarche d’enquête QVT, la MiRH s’est fixé pour objectif de proposer des journées de formation comprenant la mise à disposition d’outils et de méthodes (issues notamment des travaux de l’ANACT et de l’INRS[4]), afin que des travaux soient engagés au niveau local sur un mode participatif.

Par ailleurs, afin de poursuivre la mobilisation des établissements et d’enrichir la base de données déjà constituée par la MiRH, une communication régulière est organisée pour présenter les résultats régionaux obtenus au fil du temps : colloque régional, intervention dans des réunions organisées par des fédérations ou des partenaires…

6. Conclusion

L’évaluation de la QVT est devenue un enjeu primordial pour le secteur de la santé en France, rendu obligatoire dans le cadre de la certification V2014 de la Haute Autorité de Santé (HAS). La démarche présentée dans cet article visait à donner aux établissements les moyens de répondre à cette obligation en leur fournissant un questionnaire « clé en main » et en exploitant pour eux les résultats obtenus pour qu’ils puissent lancer, avec l’appui des représentants du personnel, une démarche participative d’amélioration de la QVT au sein de leurs organisations. En proposant une offre homogène à tous les établissements de la région, l’objectif poursuivi par la MiRH était également de pouvoir établir une cartographie régionale de la QVT qui fournisse aux décideurs régionaux concernés par l’efficience et la performance des établissements des indicateurs pour orienter les actions qu’ils sont amenés à financer.

Les orientations prises dans le déploiement du projet ont facilité son appropriation par les directions d’établissement et sa recevabilité par leurs salariés. En effet, le choix du questionnaire a été soumis à un comité de pilotage représentatif des interlocuteurs habituels de la MiRH, une grande souplesse a été proposée dans le mode de passation de l’enquête, une garantie de confidentialité des données a été assurée aux directeurs comme aux salariés, un mode de restitution pédagogique des résultats a été mis en place pour faciliter leur appropriation, une communication régulière sur le projet a été instaurée pour favoriser l’adhésion du plus grand nombre possible d’établissements.

Ces orientations se sont traduites par un nombre sans cesse croissant de sollicitations de la MiRH pour bénéficier de cette offre, un bon taux de retour des salariés sur le questionnaire, la mise en place de comités de pilotage internes au sein des établissements et des échanges d’expériences entre certaines structures dans une logique d’entraide.

Grace au nombre d’établissements adhérents aujourd’hui au projet, une base de données importante est en cours de construction, qui fournira une cartographie représentative de la QVT régionale du secteur de la santé et qui permettra aux tutelles d’orienter le financement d’actions pour l’amélioration des conditions de travail et la réduction des risques professionnels.