Présentation : Les formes culturelles de la communicationÉchange culturel et globalisation[Notice]

  • Emmanuel Pedler

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    Emmanuel Pedler

L’émergence historique d’une forte valorisation de la communication – physique, puis immatérielle – à partir du XVIIIe siècle inscrit la production artistique et culturelle dans une économie où les objets doivent désormais circuler et s’inscrire dans des contextes culturels des plus variés. Durant les deux siècles qui vont suivre, on peut constater la prévalence d’une vision nationale – voire nationaliste – de la création dans le domaine culturel. Dans le même temps, l’internationalisation de l’échange culturel se manifestera par à-coups. La migration des artistes et des œuvres poursuit ainsi des cheminements contournés, variables selon les domaines. La pénétration est sans doute plus rapide dans le monde des arts visuels et littéraires ; plus complexe dans le cas des arts de la scène. L’opéra se diffuse ainsi en Occident de manière heurtée. Connu mais non encore acclimaté, le théâtre lyrique – qu’il soit italien ou allemand – ne s’installe pas durablement sur les scènes françaises au XIXe siècle, et il faut attendre le début du XXe siècle pour voir s’implanter un « grand » répertoire lyrique relativement homogène dans les grands centres européens et américains. Il est en outre illusoire de croire que ces échanges s’effectuent à partir d’un mouvement linéaire et irréversible pour lequel on irait du local au global selon une trajectoire que l’on se représente volontiers comme ascendante. Les circulations se font de manière plus heurtée, plus capricieuse. La radio, la télévision ou le cinéma ont été traversées, au même titre, par les forces contradictoires qui poussent à l’universalisation ou au localisme. Les fictions, les programmes télévisuels, les jeux électroniques, les films, bien que portés par la vague des « nouvelles technologies », suivent des parcours souvent complexes. Soumises aux forces politiques et aux poussées des nationalismes, les télévisions sont ainsi, dans leurs grandes majorités, plus nationalistes qu’internationalistes. Quant au cinéma, aux fictions télévisuelles ou aux jeux vidéo, ils ont connu, ces dernières décennies, des expansions internationales très spectaculaires. L’instauration d’un « marché » planétaire dans ces derniers domaines a suscité l’émergence d’objets configurés pour être reçus à n’importe quel endroit de la planète. Ces objets cohabitent avec d’autres, aux ancrages clairement nationaux. Pourtant, ni les uns ni les autres ne peuvent être analysés comme possédant des qualités spécifiques qui les distingueraient à tout coup. Tous sont traversés par des mouvements de rationalisation qui en stabilisent les formules, mais chacun – qu’il soit objet à vocation globale ou locale – est soumis à un travail d’ajustement qu’assument leurs intermédiaires ou leurs destinataires. Dans les pages qui suivent, on pourra parcourir un large spectre d’offres allant des jeux vidéos aux fictions télévisées, du cinéma au théâtre, de l’échange épistolaire revisité par les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) à la chanson. Ce balayage vise d’abord à faire saisir l’ambiguïté qui est au fondement des formules à vocation universelle, censées être reçues dans des contextes très variés. Tout le long de ce dossier, il s’agira ainsi de se demander à quelles limites se heurte tout espéranto culturel, qu’il soit musical, télévisuel, cinématographique, ludique ou épistolaire. On peut isoler plusieurs forces qui, se contredisant l’une l’autre, construisent un espace complexe fait d’internationalisation et de particularismes. Dans ce cadre, on peut penser que l’art réseau, et partant l’œuvre hypermédiatique qu’analyse Joanne Lalonde dans ces pages, n’actualise pas la seule figure capable de réaliser l’indistinction et l’interchangeabilité entre énonciateur et énonciataire, même si c’est la seule qui joue aussi radicalement la carte d’une finalité externe (ici la circulation d’un propos artistique, poétique). Dans certains cas, le chassé-croisé des échanges culturels impose que l’on privilégie la description des négociations …

Parties annexes