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La question est posée : la sémiotique peut-elle utilement s’intéresser aux pratiques en tant que telles, en tant que portées par des cours d’action ouverts et fluctuants ?[1]

La question est redoutable, dans la mesure où toute l’expérience pratique et la méthodologie sémiotiques d’inspiration greimassienne reposent sur le principe de la textualité, c’est-à-dire un type de sémiotiques-objets fermées, achevées et stabilisées ; les seules ouvertures qu’on leur prête sont, d’un côté, la pluri-isotopie, qui autorise des lectures diverses et hiérarchisées et, de l’autre, l’intertextualité, qui ouvre chaque sémiotique-objet sur l’infinie variété des connexions avec d’autres sémiotiques-objets.

Pourtant, cette question mérite d’être posée et mise en débat. Si les expressions « énonciation en acte », « praxis énonciative », « sémiose vivante » ont un sens, ce ne peut être que celui d’un cours fluctuant qui, justement, dans le déroulement syntagmatique lui-même, cherche sa signification, qui s’efforce de la stabiliser, qui la construit en interaction permanente avec d’autres cours d’action et avec d’autres pratiques. En outre, la proposition qui consiste à distinguer plusieurs niveaux de pertinence du plan de l’expression (Fontanille, 2008 : chap. 1) n’est elle-même pertinente que si l’on parvient à assumer la différence de constitution sémiotique de chacun de ces plans, si l’on parvient à se convaincre que la signification d’un signe, d’un texte, d’un objet, d’une pratique, d’une stratégie ou d’une forme de vie se donne à saisir sous des espèces différentes, et par des méthodes et des opérations au moins en partie différentes. La démonstration de ces différences de pertinence a été faite naguère pour le signe et le texte, et il reste à la tenter pour les pratiques, ainsi que pour les autres types de sémiotiques-objets.

Les pratiques comme langages

Le sémioticien ne s’intéresse pas aux pratiques en général, mais en tant qu’elles produisent du sens, et plus particulièrement à la manière dont elles produisent chacune leur propre signification ; la spécificité de l’approche sémiotique, au sein des sciences humaines et sociales, implique que toute tentative de compréhension et d’interprétation de quelque objet d’étude que ce soit réponde implicitement, ou explicitement, à ces deux questions préliminaires : en quoi la compréhension de l’objet d’étude implique-t-elle une dimension spécifique de « signification », qui en fait un « objet sémiotique » ? Quel est le modus operandi de la production ou de la génération de cette signification ? En réponse à ces deux questions, l’interprète se mettra en quête à la fois de la forme de la relation sémiotique, et du processus de constitution de cette signification.

C’est très précisément, pour ce qui concerne les pratiques, ce qui fait la différence avec l’approche du sociologue ou de l’ethnologue : (i) d’un côté, les pratiques ne peuvent être dites « sémiotiques » que dans la mesure où, a minima, elles sont constituées d’un plan de l’expression et d’un plan du contenu et, (ii) de l’autre, elles produisent de la signification dans l’exacte mesure où une pratique est un agencement d’actions qui construit, dans son mouvement même, la signification d’une situation et de sa transformation. L’agencement du cours d’action transforme le sens visé par une pratique en signification de cette pratique ; en d’autres termes, le processus constitutif de la production-génération de cette signification est l’agencement syntagmatique lui-même.

On fera donc l’hypothèse que les pratiques se caractérisent et se distinguent principalement par le rôle du cours d’action dans la production de formes signifiantes, et spécifiquement des valeurs pratiques, suscitées et exprimées par la forme des cours d’action, dans le « grain » le plus fin de leur déploiement spatial, temporel et aspectuel. La valeur des pratiques ne se lit pas principalement dans le contenu des objectifs qu’elles se donnent, à la différence du faire narratif textualisé et considéré comme transformation élémentaire. Ce dernier, en effet, s’interprète en partant de la confrontation entre une situation finale et une situation initiale, et, dès lors, la signification et les valeurs impliquées dans chacune des étapes du parcours doivent être exclusivement déduites rétrospectivement à partir des valeurs mises en jeu dans cette transformation constatée ; le détail des « péripéties » et les modulations des agencements stratégiques et tactiques du cours d’action n’affectent en rien cette signification. En revanche, les valeurs d’une pratique ne peuvent être déduites rétrospectivement à partir d’une transformation constatée in fine, car une pratique est un déroulement ouvert en amont et en aval, qui n’offre donc aucune prise pour une confrontation entre une situation initiale et une situation finale. Elles ne peuvent être saisies que de deux autres manières complémentaires : (i) à travers les formes modales et passionnelles, temporelles et spatiales, aspectuelles et rythmiques de l’agencement syntagmatique du procès, principalement, et (ii) à travers les valeurs sémantiques visées par la pratique et impliquées dans le contenu sémantique de son ou de ses objectifs, secondairement.

En outre, si les pratiques peuvent être qualifiées de « sémiotiques », elles doivent pouvoir être assimilées à un « langage », et un langage ne se réduit pas au fait qu’il doit être doté d’un plan de l’expression et d’un plan du contenu. Certes, le repérage de ces deux plans et de leur corrélation est un minimum nécessaire, et l’une des premières tâches à accomplir est justement l’identification et la description du « plan d’expression » propre aux pratiques et de ses rapports avec les autres plans d’expression. Mais pour qu’il y ait langage, et sans qu’il soit nécessaire d’identifier quelque chose comme une « langue » dotée d’une « grammaire », il faut néanmoins aussi qu’il y ait des codes et des normes qui guident en quelque sorte l’attribution de valeur aux formes syntagmatiques.

Et les pratiques ne manquent ni des uns ni des autres, qui déterminent les choix axiologiques entre les « manières de faire » et entre les agencements pratiques : par exemple, dans le cas des pratiques professionnelles, ce sont les ontologies qui définissent le cadre éthique à l’intérieur duquel peuvent se déployer les savoir-faire et leurs apprentissages. Les pratiques scientifiques sont elles aussi réglées par des codes de scientificité, des procédures établies et une déontologie.

Si la valeur des pratiques pouvait se lire à l’intérieur d’une clôture textuelle, il ne serait pas nécessaire de les accompagner d’une déontologie, car il suffirait de s’assurer que le contenu des valeurs acquises ou transformées est conforme au système de valeurs de référence. Or, cela ne suffit pas, et le débat éthique multiséculaire entre les téléologies et les déontologies en témoigne : en effet, au nom des valeurs téléologiques (voire eschatologiques) – celles qui ne peuvent être atteintes qu’à la fin d’un parcours achevé –, on peut en effet commettre les pires exactions et cultiver les pratiques les moins acceptables – cette fois au nom des valeurs déontologiques. La relative faiblesse de la contribution sémiotique aux éthiques contemporaines, et peut-être même l’absence des sémioticiens sur la scène de l’opinion et de la parole publiques, s’explique probablement en raison d’un choix méthodologique et épistémologique qui a conduit toute une génération de sémioticiens à chercher les articulations de la signification exclusivement dans les limites d’une clôture textuelle et à refuser de prendre en considération les effets axiologiques du « grain » fin de l’agencement syntagmatique des cours d’action. L’ethos, en effet, se constitue non pas seulement à partir des résultats et des aboutissements auxquels on parvient en fin de parcours, mais, comme l’ont montré tous les rhétoriciens depuis longtemps déjà, principalement à partir du détail des comportements intermédiaires, des arguments utilisés et, plus généralement, des manières de conduire le cours d’action.

Ce qui caractérise donc les langages, et par conséquent les pratiques en tant que langages (c’est-à-dire en tant que sémiotiques-objets), outre la corrélation globale entre un plan de l’expression et un plan du contenu, ce sont les agencements syntagmatiques qu’ils acceptent et qu’ils refusent, qui sont requis ou exclus, souhaités ou dédaignés. Les formes pertinentes du plan de l’expression des pratiques seraient donc constituées par les agencements syntagmatiques du cours d’action, et les formes du contenu consisteraient principalement dans les modalisations selon le pouvoir-être, le devoir-être, le vouloir-être et le savoir-être, qui sont le support d’appréciations euphoriques ou dysphoriques et d’effets passionnels associés à l’axiologisation des cours d’action. Dans cette perspective, les « usages pratiques », en tant qu’agencements syntagmatiques (plan de l’expression), sont donc corrélés à des polarités axiologiques qui déterminent les choix syntagmatiques, et chacun des agencements qu’ils proposent est donc porteur de valeurs spécifiques (plan du contenu). Telle est la relation sémiotique spécifique que nous visons ici même.

Ce même principe, appliqué aux langages artistiques, a été formulé naguère par Jakobson (1963 : 220) comme la projection, sur l’axe syntagmatique, du principe d’équivalence et de choix, qui est propre à l’axe paradigmatique ; autrement dit, comme une possibilité de choix (en référence à des axiologies) ouverte entre plusieurs modes d’agencements syntagmatiques dans l’énoncé artistique. Dans les limites d’une textualité close, la projection jakobsonnienne du paradigmatique sur le syntagmatique produit des effets esthétiques, pris dans la boucle d’une efficience entièrement réflexive et immédiatement sensible, et elle ne peut produire que cela : la projection jakobsonnienne, en effet, se donne à saisir comme un « effet de code interne » affiché dans le message pour y être perçu et pour être ressenti par l’énonciataire. Ce type de propriété n’est pas sans parenté avec ce qu’en d’autres lieux et pour d’autres causes on a pu identifier comme une capacité des sémiotiques-objets à afficher des processus de modélisation interne (Beyaert et Fontanille, 2003), très voisins des effets de style, et qui parfois peuvent prendre la forme de systèmes semi-symboliques, susceptibles de solliciter la sensibilité perceptive des énonciataires.

Mais nous parlons ici des pratiques, qui sont plus intéressées à l’axiologisation des agencements syntagmatiques qu’à leur sensibilisation et à leur « affichage » pour des énonciataires éventuels. L’effet est donc tout autre : dans une sémiotique-objet non textualisée, au long d’un cours d’action « ouvert aux deux bouts », cette même projection affecte donc non pas l’efficience poétique ou esthétique de l’action, mais ses propriétés éthiques. Certes, en respectant des usages valorisés, ou en affichant ses propres valeurs à travers les agencements syntagmatiques qu’il choisit, l’opérateur d’une pratique exprime lui aussi une capacité à exploiter, adapter ou inventer des éléments de code ; mais cette activité métasémiotique (mieux vaudrait dire « épi-sémiotique »), ne se produisant pas dans le cercle fermé d’une réflexivité textuelle, peut projeter ses effets au-delà de la pratique elle-même, sur le passé et l’avenir de l’opérateur, sur le devenir de son horizon stratégique, sur l’ambiance générale de la scène pratique, voire sur la communauté au sein de laquelle la pratique en cours est en usage. En bref, dans une perspective textuelle, un choix syntagmatique exprime principalement l’habileté de l’énonciateur, alors que, dans une perspective pratique, le même choix exprimera principalement le rapport de l’opérateur, d’une part avec l’ensemble des instances de la pratique elle-même et, surtout, d’autre part, avec autrui, avec la communauté de référence qui est concernée par la pratique. C’est ainsi que, même dans un rituel ou une cérémonie, la « beauté » d’un protocole d’action bien respecté est d’abord à mettre au compte de l’ethos des participants, de leur croyance dans l’efficience de l’agencement général des instances de la pratique en cours et des valeurs éthiques partagées au sein de la communauté qu’ils constituent.

On doit bien alors admettre, à cet égard en particulier, que les pratiques sont des langages spécifiques, dont les choix syntagmatiques reposent sur un système de valeurs propres, disons, pour faire bref, un système de valeurs praxiques, qui, par définition, relève de la dimension éthique.

En outre, les choix syntagmatiques propres aux pratiques, effectués dans des cours d’action ouverts, manipulent règles, normes et codes en tout point de la chaîne syntagmatique, dans les deux directions de cette chaîne : régressive et progressive, et, sous une double détermination, externe et interne.

Eu égard aux deux directions (régressive et progressive), le raisonnement qu’il conviendrait ici de tenir s’apparenterait à celui de Gustave Guillaume décrivant l’évolution coordonnée des deux quanta tensifs qui composent un procès en cours de développement : un quantum de tension et un quantum de détente ; Guillaume explique qu’en chaque moment du processus, l’équilibre entre les deux quanta évolue de manière solidaire et inverse à la fois, depuis le début du procès où la tension est maximale et la détente, nulle, jusqu’à la fin du procès, où la détente est maximale et la tension, nulle.

Dans une pratique, le cours d’action étant ouvert, les valeurs initiales et finales ne peuvent pas être nulles, mais, en revanche, le principe d’antagonisme et de solidarité fonctionne pleinement. En outre, il ne peut pas s’agir ici strictement de tensions et de détentes, car on ne prend pas ici en considération de bornes initiale et finale : il sera question, plus généralement, de l’extension ou de la réduction des possibles de l’action. En effet, en tout point de la chaîne, l’opérateur doit traiter régressivement et progressivement la contingence et la possibilité des options qui se présentent à lui, de la nécessité et du hasard, etc. Il construit entièrement la signification de toutes les modalisations qui affectent et déterminent les agencements syntagmatiques, ou, plus platement, des péripéties de l’action. Il doit donc modaliser et évaluer les agencements antérieurs et les agencements ultérieurs, reconstruire la cohérence éventuelle et les régularités des premiers, en déduire les possibilités qui restent ouvertes pour les seconds, et même, si possible, les prévoir.

Les deux quanta solidaires seraient dans ce cas la contingence/possibilité, d’un côté, et la signification/cohérence, de l’autre : plus les possibles sont ouverts et moins la signification de la pratique est accessible ; plus la contingence fait son oeuvre dispersive et moins la cohérence du cours d’action semble acquise. La différence avec l’évolution d’un procès selon Gustave Guillaume, c’est que la progression n’est pas, dans la perspective des pratiques, linéaire : en tout point de la chaîne, les équilibres solidaires et antagonistes entre les deux tensions peuvent s’inverser, l’évolution peut suivre une nouvelle tendance, et c’est justement cette propriété qui transforme le cours ouvert des actions pratiques en une suite continue de points de choix entre des agencements syntagmatiques.

Traiter les pratiques comme des langages, cela signifie donc aussi leur reconnaître des instances épisémiotiques et des processus de réglage – des processus que nous pourrions globalement désigner comme l’accommodation syntagmatique. Par conséquent, l’une des dimensions essentielles de l’analyse des pratiques sémiotiques intéressera la tension permanente entre toutes les formes d’accommodation, entre la pré-schématisation, la réduction des possibles et l’ouverture à l’altérité. Et les valeurs praxiques, notamment celles dont nous disions qu’elles conduisaient inévitablement à rencontrer l’éthique, prennent forme dans les solutions qui sont trouvées pour résoudre cette tension, dans les équilibres entre les schèmes pratiques et le réglage signifiant qui les aménage « en acte ».

Le cours du sens et son accommodation

La question posée est donc celle du sens pratique, élaboré et saisi en même temps, en son cours. Les séquences canoniques et les modèles d’analyse ne peuvent pas être « appliqués » de la même manière au sens pratique et au sens textuel ; dans le second cas, ils appartiennent à la compétence d’un observateur externe, un interprète qui ne serait pas directement impliqué[2]; dans le premier cas, en revanche, ils sont disponibles dans la compétence d’un actant impliqué dans le cours d’action, disponibles pour participer au cours du sens, mais parmi bien d’autres pressions circonstancielles et faiblement modélisables.

Il nous faut donc d’abord partir de l’hypothèse que toute pratique comprend une part d’interprétation, une dimension cognitive interne qui comprendrait toutes les opérations de réglage, de traitement des interactions, qu’elles soient automatiques ou préparées, programmées ou improvisées, volontaires ou involontaires, et qui serait en somme le lieu épi-sémiotique de l’accommodation pratique. Comme cette dimension cognitive-interprétative, considérée séparément, constitue par elle-même une pratique (un cours d’action ouvert et fluctuant), il en résulte que toute pratique comporte, par principe, une dimension stratégique intégrée. Nous n’irons pas jusqu’à dire, avec Bourdieu, que les modèles, les séquences canoniques et les régimes types n’ont aucune pertinence pour la compréhension du sens pratique[3] ; mais nous lui accorderons volontiers que la pratique ne consiste pas à les « exécuter » ; ils fonctionnent plutôt comme des horizons de référence, d’assurance contre les aléas et les péripéties, de pression persuasive et de guidage déontologique ou téléologique, pour résoudre des problèmes posés dans la pratique elle-même.

L’organisation syntagmatique du cours du sens pratique est donc de fait constituée de confrontations et d’accommodations, éventuellement (et seulement éventuellement) guidées par l’horizon d’une séquence canonique, et elle implique toujours, au moins implicitement, une activité interprétative, qu’elle soit réflexive (on a alors affaire à une auto-accommodation ou « programmation ») ou transitive, si elle se réfère à un horizon de référence typologique ou canonique (on a alors affaire à une hétéro-accommodation, ou « ajustement »).

Ce principe est constitutif pour tous les types de pratiques sans exception, y compris donc ceux qui semblent ne relever que de l’hétéro-accommodation. Par exemple, un « protocole » semble intuitivement ne pouvoir être programmé que de manière rigide et entièrement prédéfinie ; mais même dans le cours d’une cérémonie, la mise en scène préalable la plus détaillée ne peut tout prévoir, et encore moins exclure à l’avance les inévitables incidents de parcours et un besoin d’improvisation ; et c’est justement en cas d’incident que le protocole fait valoir ses droits, pour fournir des réponses immédiates et adaptables à des situations imprévues, pour guider en somme l’improvisation. Le cas du « rituel » est plus délicat, puisque son efficience est supposée découler de la stricte application d’un schéma et d’un parcours figuratif figé. Pourtant, c’est sans doute le cas qui réalise le mieux le principe d’accommodation stratégique, à condition d’élargir le champ de pertinence. Pour commencer, le parcours rituel ne fixe qu’une partie des noeuds syntagmatiques de la pratique, ceux qui sont pertinents pour une efficience symbolique optimale, et tous les autres sont soumis à des variations culturelles ou contingentes. Mais surtout, dans son principe même, un rituel a pour objectif de fournir une solution à un problème rencontré par une communauté ; ce problème peut être originaire et récurrent, et la solution, périodique (comme dans le cas de l’eucharistie) ; le problème à traiter peut aussi être accidentel (maladie, catastrophe, incident ou intempérie), et la solution sera alors ponctuelle (comme dans le cas des rituels thérapeutiques africains) ; le problème à traiter peut être enfin erratique, à la fois récurrent et irrégulier, comme les repas qui ponctuent les besoins de convivialité au sein des groupes de travail ou de loisir[4]. Protocoles et rituels obéissent donc eux aussi au principe de l’accommodation stratégique.

La séquence de l’accommodation

Nous faisons ici l’hypothèse que les processus d’accommodation, en visant un parcours optimal pour chaque pratique concrète, en construisent le sens. En d’autres termes, ils ont un double objectif : d’un côté, l’objectif immédiat de la pratique et du cours d’action et, de l’autre, l’objectif « herméneutique », puisqu’ils délivrent la signification du cours d’action tout en permettant d’atteindre l’objectif immédiat. L’« optimisation » en question peut être ramenée au minimum à une quête du sens de l’action, dans le cours même de l’action. Toute pratique prend donc la forme, dans cette perspective, d’une séquence de résolution, de mise en forme signifiante à partir d’une situation initiale où le sens est en question. Il y a donc l’équivalent d’un « manque », dans la pratique, et ce manque tient seulement au fait que l’action vient de commencer et qu’on n’en connaît encore ni la forme ni le sens définitifs ; ce manque a précisément la forme d’une ouverture maximale des possibles.

Ce « défaut de sens » est donc celui des « possibles du sens ». L’ouverture des possibles du sens est suscitée du fait même que, à l’intérieur d’une « situation-occurrence », toute occurrence particulière de l’action a lieu en cooccurrence avec des circonstances, avec d’autres pratiques, d’autres acteurs et sous des conditions spatiales et temporelles spécifiques. L’ouverture des possibles du sens résulte directement de la confrontation de chaque pratique avec sa propre altérité : aucun cours d’action ne peut se dérouler hors situation, « sous vide » sémiotique, in abstracto, et sans confrontation avec d’autres.

La séquence de résolution part de l’expérience de ces « possibles du sens » et aboutit à une forme d’accommodation ; elle aura la forme suivante : <possibles du sens – schématisation – régulation – accommodation>.

A. Les « possibles du sens »

C’est la phase d’actualisation de la situation-occurrence et de la confrontation entre la pratique et son altérité, où l’on fait l’expérience de l’étrangeté (ou de la familiarité), de la congruence (ou de l’incongruence), etc. Se retrouver avec d’autres personnes dans un ascenseur est un exemple bien connu de cette expérience : la seule contrainte spatio-temporelle, qui réunit provisoirement plusieurs acteurs engagés séparément dans la même pratique, crée une situation-occurrence qui demande du sens, et cette ouverture des possibles du sens suscite un malaise passager, jusqu’à la première parole, au premier échange de regards, ou jusqu’à l’arrivée à l’étage demandé.

B. La « schématisation »

Une situation-occurrence, étant perçue comme porteuse d’altérité et de saillances, est soumise à la recherche d’un « schème organisateur » : recherche d’une isotopie, d’un jeu de rôles actantiels, des modalités dominantes, des latitudes spatiales et temporelles qui seraient communes à la pratique en cours et à son altérité. La schématisation peut être soit facilitée par l’appel à une situation-type dont on connaît déjà la solution, dans une perspective hétéro-adaptative, soit conduite prospectivement, grâce à la projection d’un schème innovant et spécifique, dans une perspective auto-adaptative.

C. La « régulation »

C’est le moment où la solution (la forme efficiente) est projetée sur l’occurrence. La principale propriété de la régulation est d’être interactive et indéfiniment récursive ; c’est une phase critique, où le poids axiologique de la schématisation retenue agit sur des rapports de force : si elle n’est pas reconnue, ou pas admise par les autres acteurs, elle échoue et fait place alors à d’autres tentatives. Plus précisément, le « poids » de la schématisation proposée est un poids modal, en ce sens qu’il modifie l’équilibre des vouloir-faire, des savoir-faire et des pouvoir-faire entre les acteurs.

Au cours de la montée dans l’ascenseur, par exemple, une combinaison de regards, de sourires et de propos convenus peut être reçue aussi bien comme une aimable diversion que comme une intrusion insupportable ; dans un cas, les vouloir et savoir-faire s’accordent et, dans l’autre, la proposition est reçue comme la manifestation d’un vouloir-faire inopportun.

La régulation réactualise des possibilités d’interaction, les teste et les négocie.

D. L’« accommodation »

« Accommodation » signifie ici, très précisément, que l’ensemble de la situation-occurrence forme maintenant un même ensemble de pratiques cohérentes et que cette cohérence a été obtenue par l’articulation stratégique de l’une des pratiques à son altérité, et réciproquement ; « accommodation » désigne alors à la fois le résultat, la forme syntagmatique appliquée à la pratique en cours et le processus qui y conduit. Pour en revenir à la situation de l’ascenseur, si l’une des personnes propose à une vieille dame de la soulager de ses paquets encombrants, et si cette dernière accepte, l’accommodation donne, à la pratique en cours de cette personne, la forme d’une « entre-aide » passagère.

Le modèle de l’accommodation efficiente

Le cours d’action optimal ayant un double objectif (voir supra), on peut considérer que l’atteinte de l’objectif herméneutique (comprendre le sens de l’action en cours tout en l’accomplissant) caractérise la situation a minima, celle justement dont on se contente quand l’objectif immédiat n’est pas encore accessible. L’optimisation du cours d’action est alors réduite à la recherche de l’efficience. En d’autres termes, la question à traiter, à travers l’efficience des pratiques – le degré minimal de l’optimisation –, est celle de l’émergence de la signification dans l’action, mais d’une signification propre aux agencements syntagmatiques.

La signification des cours d’action s’inscrira dans des systèmes de valeurs pratiques, dont il faut identifier maintenant les « valences » constitutives, et notamment la qualité intensive et extensive des perceptions et impressions de l’opérateur qui lui donnent accès aux valeurs en construction. Les valences qui nous intéressent ici ont déjà été invoquées, à travers les deux modes principaux du processus d’accommodation : le mode hétéro-adaptatif et le mode auto-adaptatif ; comme chaque pratique se compose d’une part d’accommodation hétéro-adaptative et d’une part d’accommodation auto-adaptative, chaque processus d’accommodation opère en tension entre ces deux tendances, et les solutions retenues peuvent donc être définies à l’intérieur d’une structure tensive.

Le cours des pratiques se déploie entre une pression régulatrice externe (la programmation) et une pression régulatrice interne (l’ajustement), entre le réglage a priori et le réglage en temps réel, voire a posteriori. La programmation des pratiques, notamment leur programmation discursive, préalable ou parallèle au cours d’action, qu’elle soit orale, écrite ou iconique, est l’une de leurs dimensions les mieux instituées, particulièrement dans le cas des pratiques de travail et de transformation des objets matériels : modes d’emploi, procédures, consignes de sécurité et cahiers des charges, en sont quelques-unes des manifestations possibles. Mais la programmation pratique doit aussi s’accommoder avec les aléas et les interactions en temps réel qui font l’objet d’ajustements permanents dans l’interaction, en tout point du cours d’action : ajustement à l’environnement, aux circonstances et aux interférences avec d’autres pratiques. Aucune conduite, aucun rite ne peuvent se déployer sans réglage en temps réel, dans le temps même du cours d’action ; aucune procédure, même parfaitement programmée, n’échappe à des accommodations qui peuvent aussi bien emprunter aux routines acquises que promouvoir des innovations.

La perception de la valence de programmation est extensive, car elle s’apprécie en fonction de la taille du segment programmé, de sa complexité et de sa durée, du nombre de bifurcations et de possibilités envisagées et de la capacité d’anticipation globale qu’elle comporte. La perception de la valence d’ajustement est intensive, car elle saisit la force d’un engagement de l’opérateur dans sa pratique, d’une pression interne d’intérêt, d’attachement participatif et d’adhésion à l’accommodation en cours. L’éclat, l’accent d’intensité sont du côté de la valence d’ajustement et d’ouverture, alors que la contrainte, la stabilité dans le temps et dans l’espace sont du côté de la valence de programmation et de fermeture. C’est donc en raison de la tension entre ces deux valences que certaines pratiques semblent plus « ouvertes » et d’autres, plus « fermées ».

La réunion des deux tendances et des deux valences perceptives graduables peut se faire au sein d’une même structure tensive, où sont alors définissables nombre de positions axiologiques, dont en particulier les positions et les valeurs extrêmes :

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Accommodations pratiques et ergonomie de l’action

L’ergonomie est aux pratiques quotidiennes ce que la rhétorique est au discours persuasif : un ensemble de règles (nomos) et de recommandations reposant sur une analyse et des modèles de compréhension et de description. Conçue à l’origine, dans les années 1950, dans la perspective de l’optimisation des situations de travail (ergon), elle concerne aujourd’hui toutes les activités quotidiennes, y compris les activités domestiques et les loisirs. Elle couvre donc, potentiellement, l’ensemble du champ des pratiques. Comme elle repose nécessairement sur l’hypothèse générale d’un principe de régulation et d’une activité interprétative impliqués dans le cours d’action lui-même, l’ergonomie rencontre nécessairement l’analyse sémiotique des pratiques telle que nous l’avons définie.

Il existe déjà une théorie de l’ergonomie qui se réclame, au moins pour partie, de la sémiotique, et elle est développée depuis une vingtaine d’années par Jacques Theureau, sous l’intitulé « sémio-logique du cours d’action »[5]. Cette ergonomie est centrée sur la « situation » et sur l’« activité » qui s’y déploie : Jacques Theureau récuse, par ailleurs, comme incomplètes, indirectes ou inadéquates, les approches ergonomiques centrées soit sur l’oeuvre achevée, soit sur l’utilisateur. Si l’on se place dans la perspective de la « scène pratique », la position de Theureau consiste donc à focaliser l’acte considéré comme processus (l’activité) et dans ses relations avec l’« horizon stratégique » (la situation) ; cette position s’oppose alors à toute autre qui procéderait par une reconstruction hypothétique (et nécessairement simulée) de l’activité, soit à partir de son seul résultat, soit à partir de son seul opérateur. Cette position est parfaitement conforme à celle que nous avons posée au départ, à savoir que, s’il y a quelque intérêt à analyser les pratiques en tant que telles, ce ne peut être que du point de vue du cours d’action et d’interaction, ouvert aux deux bouts de la chaîne, et non par reconstruction à partir d’une action close et textualisée.

La conception de l’ergonomie préconisée et mise en oeuvre par Jacques Theureau postule ce qu’il appelle une dimension pré-réflexive, qui emprunte ses éléments à la sémiotique peircienne ; selon cette conception pré-réflexive, à chaque instant du cours d’action, l’activité est supposée « présente » à la conscience de l’opérateur, et ce dernier est donc, sous certaines conditions, susceptible de la présenter à autrui, voire de la montrer et de la raconter. Cette dimension pré-réflexive, à mi-chemin entre une dimension sémiotique et une dimension métasémiotique, est l’exact équivalent, pour les pratiques, de ce que nous avons déjà identifié comme la dimension « épi-sémiotique » des pratiques, sur le modèle de ce que les linguistes, et notamment Antoine Culioli, appellent la dimension « épi-linguistique » du discours verbal. La dimension épi-sémiotique des pratiques est supposée recueillir l’ensemble des opérations de régulation, d’interprétation et d’accommodation qui manifestent l’engagement de l’opérateur dans l’optimisation du cours d’action.

Cette dimension épi-sémiotique a en outre, nous l’avons déjà souligné, la structure d’une sémiotique-objet à part entière, et c’est justement cette structure qui rend possible une ergonomie de l’action, dans la mesure où elle peut, de ce fait même, rapporter des choix syntagmatiques à des contenus modaux, axiologiques et passionnels. Dans la perspective retenue par Jacques Theureau, cette sémiotique-objet est appréhendée grâce au modèle peircien des processus interprétatifs, reposant sur la triade objet, representamen, interprétant. Arguant de l’adaptation nécessaire aux contraintes empiriques, Jacques Theureau transforme ce modèle triadique en modèle tétradique, et même, plus récemment, hexadique. Cette extrapolation, volontaire et parfaitement assumée, transgresse évidemment les limites imposées par la phanéroscopie de Peirce, articulée exclusivement par les trois seuls niveaux de la cognition signifiante (priméité, secondéité et tercéité) (voir Peirce, 1978 ; Eco, 1988).

Sans entrer dans le détail de l’argumentation, on peut aisément montrer que les distorsions imposées par Theureau au modèle peircien découlent directement de la nature même de son objet et du problème à traiter : les significations à construire à partir du cours des pratiques sont de nature syntagmatique, elles découlent des formes d’agencements syntagmatiques retenues, et le modèle peircien n’est pas approprié pour rendre compte de manière économique et opératoire de ces types de phénomènes.

Pourtant, le principe de base est au coeur même de la triplication phanéroscopique. La priméité, en effet, est l’instance de tous les possibles ouverts – et, à ce titre, elle correspondrait à la première phase de l’accommodation, les possibles du sens. La secondéité est l’instance de la mise en relation qui permet d’établir des faits – et elle correspondrait aux extractions qui conduisent, lors de la deuxième étape de l’accommodation, à la schématisation. La tercéité, enfin, conduit à la règle, à la loi, à la convention, à la norme – et serait en concordance avec les phases finales de la régulation-accommodation. En tout point de son parcours, l’opérateur modifie le champ des possibles qui lui est offert en s’appuyant sur les « signifiants » qu’il perçoit, sur les anticipations qu’ils lui inspirent et sur les schèmes et règles qu’il active ou qu’il produit. On voit bien à la fois pourquoi le modèle peircien est sollicité et pourquoi il n’est que d’une faible utilité : il ne traite en effet que l’aspect le moins heuristique du processus d’accommodation, à savoir la manipulation des possibles et des valeurs aléthiques.

Car l’heuristique propre à l’ergonomie porte sur une autre dimension des pratiques : justement la possibilité de considérer, comme une sémiotique-objet partiellement autonome, la réunion d’un plan de l’expression constitué par les formes d’agencements syntagmatiques et d’un plan du contenu constitué par les valeurs impliquées dans la pratique, bien au-delà des seules valeurs aléthiques. Et la première question qui se pose à l’ergonomie est justement celle du plan de l’expression : comment recueillir les figures et les configurations expressives, caractéristiques des processus d’accommodation, et les mettre en relation avec les valeurs investies dans le cours d’action ? Du même coup, cette question devient celle de toute la sémiotique des pratiques, puisque les pratiques constituent un plan d’immanence défini comme un champ d’expression organisé de manière spécifique (et donc différente de celle des textes et des signes, entre autres).

Eu égard à la hiérarchie des plans d’immanence, l’ergonomie peut être considérée comme un des cas d’intégration ascendante : l’ergonomie d’une sémiotique-objet de niveau « n » ne s’apprécie que dans son rapport avec celles des niveaux supérieurs, au moins du niveau « n+1 ». On ne peut en effet parler de l’ergonomie d’un texte que par rapport à un média-support ou par rapport à une pratique, une stratégie ou une forme de vie ; de même, l’ergonomie d’une pratique ne vaut que par rapport à une stratégie ou à une forme de vie. Ce cas particulier d’intégration ascendante répond à deux propriétés spécifiques : la finalisation et l’optimisation.

La finalisation caractérise l’ensemble des contraintes d’usage, portées par le niveau « n », à destination du niveau « n+1 ». Or, toutes les relations d’intégration entre plans d’immanence impliquent un certain nombre de contraintes qui ne sont pas nécessairement finalisantes. C’est par exemple le cas du « genre » : les marques de genre sont propres au texte et elles prédéterminent la pratique de lecture la plus appropriée, sans qu’on puisse considérer que l’appartenance à un genre est à proprement parler une « finalisation » du texte. La finalisation, en effet, a ceci de particulier qu’elle est exclusive, et que cette exclusivité est une condition axiologique et pathémique : dans la perspective de la finalisation, et non plus du seul genre, si le texte, l’objet ou la pratique sont utilisés ou mis en oeuvre à d’autres fins que celles pour lesquelles ils sont prévus, cette déviation se paie du prix de l’incongruité, du ridicule, du scandale ou du blasphème[6].

L’optimisation est une propriété complémentaire qui concerne la manipulation des compétences : au niveau « n », parmi les contraintes imposées par la finalisation de la sémiotique-objet, l’une d’elles concerne l’imposition préalable d’une compétence modale, inscrite dans le plan de l’expression de cette sémiotique-objet, et qui définit, en quelque sorte « en creux », la compétence que l’usager devra adopter au niveau de pertinence supérieur. Par exemple, le texte peut comporter des contraintes qui optimisent la compétence pratique de son lecteur ; de même, la pratique peut comporter des contraintes qui optimisent la compétence stratégique de son opérateur.

L’optimisation peut affecter chacune des principales modalités de la compétence. Dans une perspective ergonomique, elle est, elle aussi, souvent exclusive, comme la finalisation dont elle procède ; elle implique donc, dans chaque cas, à la fois un « pouvoir faire » ou un « savoir faire », d’une part, et un « devoir ne pas faire » ou un « ne pas pouvoir faire », d’autre part. Quand elle affecte le « savoir-faire », elle peut notamment contraindre l’ordre d’exécution d’une séquence d’actes : elle est alors de nature processuelle et aspectuelle et elle exclut d’autres organisations aspectuelles. C’est ainsi qu’un outil ergonomique (par exemple un marteau de vitrier) doit être finalisé (il ne peut pas servir à un autre usage) et optimisé (il ne peut être saisi que d’une seule manière et utilisé pour un seul type de geste).

Conclusion

Il reste pour finir à affronter la question qui est sans doute la plus difficile : comment constituer concrètement et méthodiquement le plan de l’expression d’une pratique ? Ce plan de l’expression est défini, en termes de pertinence, comme le recueil des agencements syntagmatiques susceptibles de renvoyer à des valeurs. Mais concrètement, quels en sont les « observables » ? On peut alors, à juste titre, se demander si l’analyse sémiotique ne doit pas commencer, dans ce cas, par un relevé ethnologique des comportements des opérateurs et acteurs de la pratique ? Jacques Theureau a répondu, pour sa part, à cette question en définissant ce qu’il appelle un « observatoire », c’est-à-dire un dispositif qui lui permet de solliciter et de recueillir les propos et commentaires des participants. Il est clair, de toutes les façons, que ce plan de l’expression ne peut pas être fourni par un « enregistrement » de la pratique, car tout enregistrement, même vidéo, convertit la pratique en texte et constitue donc un biais méthodologique.

De fait, le corpus des expressions pertinentes doit être constitué à partir de l’ensemble des manifestations épi-sémiotiques, manifestations par lesquelles les acteurs expriment leur reconnaissance ponctuelle ou durable des « bonnes formes » syntagmatiques qu’ils produisent ou qu’ils accommodent (ainsi que des « mauvaises formes »). Ces manifestations peuvent être verbales, somatiques, gestuelles et mimo-gestuelles, physionomiques, etc. Elles reposent toutes sur le principe selon lequel les acteurs sont sensibles à l’accommodation de leurs pratiques et aux valeurs qui en émergent, et qu’ils sont donc susceptibles de manifester, notamment en vue d’appréciations et d’évaluations, cette sensibilité à chacune des séquences types de l’accommodation. En d’autres termes, ces manifestations épi-sémiotiques signalent les points du parcours où s’opèrent des connexions pertinentes entre des formes d’agencement syntagmatique et des contenus axiologiques. Ce sont donc les indicateurs des zones à explorer, pour en dégager les agencements syntagmatiques qui constitueront le plan de l’expression proprement dit.