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Du 11 mars au 26 mai 2003, le Musée des beaux-arts de Lyon a accueilli une partie de la collection Winthrop[1], léguée au Fogg Art Museum de l’Université Harvard, « afin de servir de référence constante aux étudiants et aux chercheurs »[2]. Les conditions de ce legs stipulaient que les oeuvres acquises devaient demeurer en permanence accessibles pour les recherches des étudiants et donc ne pourraient pas voyager, ce qui a « accentué […] le caractère quelque peu confidentiel de cette collection auprès du “grand public” ». Pour la première fois, une sélection de dessins et de tableaux a été exposée au Musée des beaux-arts de Lyon, puis à la National Gallery de Londres (25 juin au 14 septembre 2003), avant de terminer son périple au Metropolitan Museum de New York (20 octobre 2003 au 25 janvier 2004). C’est donc une collection qui se déplace à la rencontre d’un nouveau public, ce déplacement exceptionnel faisant de l’exposition un véritable événement[3].

Le présent article n’a d’autres prétentions que de « raconter », en forme d’itinéraire, comment a été conçue et vécue une forme particulière de médiation, en tenant compte de la nature et de l’histoire de cette collection. Parcours et regards croisés, propos échangés, émotions partagées, tels sont les mots d’ordre de cette expérience de médiation imaginée par le service culturel du musée, ces paroles et ces émotions s’inscrivant dans un parcours de découverte, sans doute métaphorique pour les étudiants et visiteurs impliqués dans l’expérience, mais aussi bien réel dans l’espace d’exposition que le musée a aménagé spécialement pour cette collection[4].

Les acteurs de la médiation

La collection Winthrop se caractérise par sa dimension critique et didactique. Il parut donc naturel de solliciter la participation d’étudiants pour l’accueil des visiteurs. À ces étudiants, inscrits dans des cursus différents (beaux-arts, histoire de l’art et sciences du langage), il était demandé de choisir une oeuvre et d’en préparer une description, qui ne devait pas relever du genre « visite guidée », donc qui excluait l’érudition pour elle-même, mais qui reposait plutôt sur le plaisir esthétique et l’émotion. Dans la rédaction de cette description, devaient être ménagés des temps de respiration, lieu possible pour engager un dialogue avec les visiteurs. Mais avant la confrontation ou la rencontre avec les visiteurs, c’est avec un autre étudiant, ayant travaillé sur la même oeuvre, mais issu d’une autre discipline, que le dialogue devait d’abord s’engager. Des tandems se sont alors constitués : deux étudiants pour la même oeuvre acceptaient de croiser leur compétence, de croiser leur regard et proposaient aux visiteurs qui s’arrêtaient devant l’oeuvre choisie de s’impliquer dans cet échange.

L’objet de la médiation

Une collection particulière, rencontre avec un collectionneur, est toujours, comme le rappelle Vincent Pomarède, « un acte créateur ». Rechercher les motivations d’un collectionneur revient souvent à rechercher le point commun partagé par tous les objets réunis, mais, en amont, « l’esprit de collection » de Winthrop relève d’ « une passion privée » et non du « rite mondain ou social » (nul désir de démonstration de pouvoir politique ou de richesse), et l’oeuvre d’art n’est pas non plus, pour ce fils de banquier, une forme de placement financier. La collection Winthrop est fondée sur le sentiment du beau et

[...] en paraphrasant Stéphane Mallarmé, qui répondait à Edgar Degas que la poésie ne se faisait pas avec des idées mais avec des mots, nous pourrions […] dire à propos de Winthrop […] [que cette] collection ne se fait pas avec des concepts mais simplement avec des oeuvres [c’est-à-dire avant tout avec des objets].

Ce sentiment de beauté, qui présidait au choix de chaque tableau, gravure ou objet, était ainsi et aussi le maître mot qui régissait la constitution de la collection comme création discursive particulière, relevant d’une forme de poétique. « Ce que nous recherchons pour la collection, écrivait Winthrop, doit posséder une musique, une poésie, un rythme propre – autrement dit, être doté de beauté ». L’éclectisme de la collection, où cohabitent des dessins d’Ingres et de Géricault, des paysages de Whistler et des oeuvres préraphaélites, des jades chinois et des bouddhas khmers, pourrait être envisagé de manière péjorative[5]. En fait, orientée vers plusieurs époques et genres esthétiques en apparence éloignés, cette diversité des choix de Winthrop manifeste plutôt des centres d’intérêt multiples, certes, mais bien définis, une « spécialisation multiple de ses goûts », écrit Vincent Pomarède. Trois grands secteurs apparaissent : la peinture et le dessin, anglais et français du xixe siècle, les arts de l’Extrême-Orient et le mobilier anglais du xviiie siècle. Cet ensemble non ordonné d’objets pourrait rappeler la « bricabracomanie » décrite par Balzac dans Le Cousin Pons.

La mise en espace par le musée va plutôt faire ressortir un ensemble de paradigmes autour d’un genre graphique ou pictural (le portrait), d’un peintre ou d’une école (les préraphaélites), d’une thématique particulière que chaque tableau, chaque dessin, va décliner en se présentant comme un discours sur cette thématique, c’est-à-dire avec une valeur prédicative, ou comme une mise en figure particulière de cette thématique. Le problème se complique par le fait que cet ensemble est susceptible de classifications qui se chevauchent : l’ensemble Ingres croise l’ensemble orientalisme. Mais cela permettait de comparer la Salomé de Moreau avec celle de Beardsley, les illustrations de La Divine Comédie de Flaxman, celles de Blake ou des préraphaélites, de consulter un important corpus sur la représentation du nu (David, Ingres, Géricault, Burne-Jones), de suivre l’évolution d’un artiste (Géricault) ou « un très beau résumé de l’histoire du portrait de Prud’hon à Renoir, de Courbet et Rossetti à Toulouse-Lautrec ou Van Gogh ». D’où le caractère très pédagogique de la collection et son utilité didactique, accentué encore par le souci qu’exprimait Winthrop de « combler les lacunes des collections publiques existantes » et par l’accueil qu’il réservait aux étudiants. Vincent Pomarède signale que Winthrop collectionnait moins par pur plaisir égocentrique qu’en prévision de son legs à un musée universitaire, legs « qui allait permettre de donner définitivement aux ensembles qu’il avait constitués la dimension encyclopédique et didactique qui avait en fait guidé sa démarche quasiment depuis ses origines ». Il ne s’agit donc pas seulement du legs d’un ensemble d’objets mais de celui d’une mise en discours de ces objets par un collectionneur.

Dans sa maison de New York[6], Winthrop réunissait les objets, selon ces principes de cohérence paradigmatique que nous venons d’évoquer, et « spécialisait » chaque pièce en fonction d’un genre, d’un artiste, etc. Mais cette cohérence était bousculée, parasitée, par de surprenantes juxtapositions, qui pouvaient faire penser que Winthrop n’hésitait pas à faire éclater ces paradigmes. Ainsi, chaque salle était aménagée en fonction d’une série d’objets réunis par thèmes. Il y avait la salle Ingres, la salle des préraphaélites, mais Winthrop juxtaposait des jades et des bronzes chinois à des oeuvres d’Ingres et de Manet, des oeuvres japonaises ou indiennes à celles de Blake et de Burne-Jones, posait des masques précolombiens sur des tables placées sous des peintures italiennes à fond d’or et disposait des bouddhas coréens à côté de dessins français. On ne peut malheureusement plus juger, autrement que par le recours à quelques photos, des interactions que pouvaient entretenir ces objets avec les toiles ou les dessins, du rôle particulier que pouvaient jouer ces objets dans la manière de guider ou de différer le regard du visiteur vers les oeuvres accrochées au mur. L’exposition, ne réunissant qu’un ensemble de tableaux et de dessins, ne pouvait pas non plus les reconstituer ou en proposer d’inédites par une nouvelle mise en scène ou mise en espace de la collection.

Par ailleurs, dans sa maison de New York, « [c]es installations [imaginées par Winthrop] nécessitaient sans cesse d’être remodelées, affinées, pour intégrer l’afflux ininterrompu des nouvelles acquisitions »[7] et l’on sait que Winthrop, de manière obsessionnelle, passait ses journées et surtout ses nuits d’insomnie à déplacer les objets de sa collection. L’exposition n’a à traiter qu’un ensemble fini, figé. Temporaire dans le calendrier des activités du musée, elle témoigne, d’une certaine manière, d’un état permanent, définitif de la collection. La mise en espace de la collection par l’exposition fige, immobilise une mise en espace toujours renouvelée dans la maison de Winthrop. Si, pour reprendre les termes d’Eliseo Véron, faire l’étude d’une exposition revient à « analyser à la fois la “logique” conceptuelle qui avait présidé à la mise en forme du thème et les propriétés des espaces sur lesquels l’étalement du thème avait été effectué » (1989 : 32), nous nous trouvons, pour l’exposition Winthrop, face à une « logique » qui relève de l’achevé et qui se greffe sur celle du collectionneur, toujours inscrite dans l’inachevé, pour intégrer les nouvelles acquisitions. C’est par les propriétés des espaces d’étalement, qui vont parfois se faire l’écho analogique du premier lieu d’exposition qu’était la maison du collectionneur, que les concepteurs vont tenter de réduire cette fracture entre l’achevé et l’inachevé.

Le théâtre de la médiation (D’une maison-musée au musée qui veut évoquer la maison)

La solidarité entre la collection et la maison de Winthrop à New York, qui l’abritait, était si grande que les commissaires de l’exposition ont souhaité une mise en espace qui, loin de viser une certaine neutralité, comme il est de bon ton de le faire parfois, pourrait évoquer cet espace privé, véritable écrin pour tous les objets réunis par le collectionneur. Cet espace était privé, certes, mais devait relever déjà de ce que Hall (1971) appelle un espace à organisation semi-fixe : aucune pièce ne correspondait à une fonction particulière ou, plutôt, toutes les pièces étaient déjà dévolues à cette fonction d’exposition, ce qui rend la transposition au musée plus facile, ce qui permet aux concepteurs d’évoquer la maison de Winthrop en jouant sur les éléments d’ornement et non sur des éléments d’architecture relevant davantage du dispositif nécessaire. Mais avant d’évoquer le théâtre de cette exposition, il faut rappeler le rôle du temps dans l’exploration de l’espace architectural :

[…] un bâtiment, s’il n’est pas une maquette, est le plus souvent imperceptible dans sa globalité. Il faut du temps pour faire le tour de la cathédrale et, à l’intérieur, pour y déambuler aléatoirement ou selon un code processionnel.

En ce sens, l’architecture glisse vers les arts du temps. Les oeuvres les plus percutantes sont celles où le parcours est programmé. Le déambulatoire d’une église l’inscrit ainsi dans le plan, mais il en va de même des expositions dans les musées, de la circulation dans les supermarchés, etc. […]

Une autre rhétorique peut donc venir s’inscrire ici : celle qu’on retrouve dans les arts du temps comme le couplage, la rime, etc. […] le temps éprouvé par le corps au cours de son exploration ou de sa consommation du bâtiment.

Groupe μ, 1992 : 417-18

Ce sont bien des figures liées à la temporalité que nous avons retrouvées dans la mise en espace de cette collection et dans l’itinéraire que nous proposons, figures de ce que nous avons appelé « accélération », « anticipation » ou, au contraire, « ralentissement », « dilation »[8].

1. L’accès aux lieux d’exposition

Pour permettre l’accès aux salles d’exposition, le Musée des beaux-arts dispose de deux entrées, par la place des Terreaux – entrée principale – ou par la rue Edouard Herriot. L’espace réservé aux expositions temporaires est directement accessible par la rue Edouard Herriot.

Immédiatement, à gauche, on accède aux vestiaires puis à la billetterie, qui jouxte un petit espace de vente, que les visiteurs parcourent généralement en fin de visite. Cet accès direct va permettre au visiteur de faire l’impasse sur tout l’espace de transition du cloître[9], qui va de l’entrée principale, qui donne sur la place des Terreaux, aux billetteries, que ce soit celle des collections permanentes ou celle des expositions temporaires. Ce cloître, et le jardin qu’il enserre, constitue un espace public, lieu de promenade en accès libre et autonome par rapport au musée, ouvert même quand celui-ci est fermé. Mais ce jardin abrite aussi des sculptures (Rodin), ce qui en fait le jardin du musée et plus tout à fait un jardin ordinaire. Le musée affiche fortement sa double identité, religieuse et muséale, au niveau des espaces d’accueil que sont le jardin et le cloître, la billetterie et le vestiaire. Les figures du muséal, que constituent les statues et la présence des « cartels », qui est le signe d’une forme de prise en charge de cet espace par l’institution musée, s’imposent dans le jardin fortement marqué par l’isotopie religieuse en raison de la structure architecturale du cloître. Les figures du religieux animent encore, mais de manière plus discrète, les espaces d’accueil, la billetterie et le réfectoire (vestiaire), où des oeuvres majeures, par exemple L’Ascension de Pérugin, cohabitent avec un mobilier fonctionnel (vestiaire, présentoirs de prospectus, etc.) ; cohabitation qui témoigne d’une concurrence entre diverses activités : le visiteur est déjà, mais pas tout à fait encore, dans son rôle de contemplateur d’oeuvre d’art[10]. Les espaces de transition le préparent à jouer ce rôle tout en en différant, dans le temps de la visite, le moment où il l’endossera complètement, son regard tout entier porté sur des oeuvres mises en valeur par la neutralité du décor. Ainsi, de passant déambulant dans un espace urbain offrant une multiplicité d’activités possibles, il devient visiteur de musée en quête d’un seul objet, la collection, par une unique activité de contemplation, portée bien sûr par son déplacement.

Pour l’espace des expositions temporaires, il n’y a pas véritablement d’espaces de transition. Il y a bien sûr le passage obligé par la billetterie, qui fait du simple passant ou particulier un visiteur de musée, mais il rencontrera le vestiaire avant la billetterie ; s’étant séparé de certains effets personnels, il pénètre ensuite dans un lieu dont la fermeture voudrait bien suggérer le caractère privé[11]. Ainsi, pourraient se superposer les oppositions extérieur/intérieur, ville/musée, public/privé. Lieu privé, ce que le musée n’est pas évidemment, mais que l’exposition Winthrop voulait suggérer : on rendait d’abord visite à un collectionneur avant de visiter sa collection.

2. Le grand escalier

On a déjà évoqué le soin maniaque que prenait Winthrop à rechercher « le bon emplacement pour chaque pièce de sa collection […] afin d’être fondu dans un ensemble homogène et dans une présentation […] parfaitement cohérente » ; présentation qui tient donc déjà de la mise en scène muséographique dans l’espace privé de son appartement. Certains éléments de cette mise en scène, ou construction scénographique, seront repris, servis aussi par le hasard des rencontres architecturales, par l’exposition temporaire. Ce sera le cas pour le grand escalier d’accès au premier étage. Pour l’exposition Winthrop, l’itinéraire de la visite a été inversé. Elle ne commencera pas, comme habituellement, par le rez-de-chaussée pour se poursuivre au premier étage et rejoindre, par le grand escalier, l’espace librairie, de nouveau au rez-de-chaussée, mais bien au premier étage, que l’on atteindra en empruntant, dès le début du parcours, le grand escalier. Il se trouve qu’un escalier semblable et de même orientation permettait d’accéder, dans la maison de Winthrop à New York, aux différentes pièces où était installée sa collection, escalier que Birnbaum, son agent, lui suggère d’utiliser aussi à des fins d’exposition. Il écrit, dans une lettre à Winthrop le 4 août 1927 :

Ce sera très amusant de réaliser l’accrochage du « grand » escalier en octobre – toujours avec les plus beaux exemples de chacun des groupes : Blake, Daumier, Ingres, Beardsley, Delacroix, Whistler, Burne-Jones, Sargent, etc. Cet escalier sera l’emblème des trésors de la maison et en offrira un avant-goût.

Mais l’analogie s’arrête là, c’est-à-dire à l’unité architecturale que constitue l’escalier ; il ne sera pas pour l’exposition de Lyon le décor, le lieu d’une mise en espace de la collection. Il est vrai que dans les deux cas, la maison de Winthrop et le Musée des beaux-arts de Lyon, l’escalier est polarisé de la même manière : il n’est envisagé que par rapport à un mouvement ou déplacement ascensionnel[12]. La chronologie est également la même : gravir l’escalier précède toujours la visite, comme « un avant-goût », dit Birnbaum. Mais l’ascension est aspectualisée de manière différente. Au musée, elle s’inscrit dans le continu pour une découverte différée de la collection – la cage d’escalier est vide de tout élément de décor –, alors qu’elle se trouvait prise, chez Winthrop, entre accélération, anticipation et ralentissement – le décor de l’escalier le transformant en un espace de tensions contraires. Si Birnbaum est à l’origine de certaines juxtapositions d’oeuvres, du portrait de Winthrop par Albert Sterner et de celui de Victor Chocquet par Renoir, par exemple, c’est bien Winthrop qui prend l’initiative des rencontres les plus étonnantes, de la confrontation surprenante de cerfs tibétains avec une Danseuse de Degas, ces objets étant disposés sur un guéridon tout en bas de l’escalier. L’orientation des cerfs, la direction du regard de la danseuse constituent une puissante invitation à l’ascension, dans le sens de l’anticipation et de l’accélération. Mais les murs de la cage d’escalier se présentent comme un espace saturé d’oeuvres peintes ou dessinées, à découvrir à chaque degré. Cette découverte s’inscrit dans une démarche qui relève de l’itératif, mais que complique toute une négociation avec la hauteur de l’accrochage pour appréhender chaque oeuvre dans des conditions optimales. Le vide de la cage d’escalier au musée de Lyon met le visiteur en situation d’attente. La découverte ou la rencontre avec la collection est seulement différée, elle doit avoir lieu dans les salles suivantes. En revanche, dans la maison de Winthrop, la visite aurait pu s’achever en haut de l’escalier. Si Birnbaum parle d’« avant-goût », il parle aussi de l’escalier comme « emblème » de la collection, parce qu’il en réunit « les plus beaux exemples ». L’escalier se présente donc comme un échantillon, qui pourrait se suffire à lui-même. Nous avons parlé de l’escalier du musée de Lyon comme un lieu qui diffère la découverte de la collection, il relève du principe de la « dilation ». On pourrait le présenter aussi comme un lieu neutre, qui retarde non seulement cette rencontre avec l’objet de la quête qu’est la collection, mais aussi le jeu de tensions dans lequel sera pris le visiteur, entre accélération et « dilation », dans son exploration des salles.

Si l’accès direct par la rue Edouard Herriot et l’initiation de la visite par l’escalier suggèrent la visite privée à un particulier, c’est sans doute parce que le motif de l’escalier, en marge de ses valeurs dénotatives purement fonctionnelles, véhicule des valeurs connotatives liées à la sphère du privé – les espaces publics ou semi-publics (magasins, restaurants, etc.) en ville se trouvant généralement au rez-de-chaussée. Il est vrai que l’accès aux collections permanentes au musée de Lyon se fait aussi par deux escaliers, l’escalier Puvis de Chavannes et l’escalier Thomas Blanchet, mais ces escaliers sont pourvus d’une identité et sont déjà des objets de visite à part entière. Bref, la découverte de la collection Winthrop semble différée par l’ascension du grand escalier. Et cette « dilation » est produite aussi par l’ambivalence du lieu où s’entrecroisent deux isotopies, celle de l’espace privé de la maison du collectionneur, mais aussi, et toujours présente, celle de l’espace public du musée. Ainsi, en haut de l’escalier, le visiteur subit l’étape ultime du rite d’entrée, son billet est contrôlé. L’isotopie « musée » se rappelle à son bon souvenir, semble expliquer le vide de cet espace de l’escalier non exploité comme espace d’exposition.

3. La première salle du premier étage

Cette salle, consacrée à Blake, ne vient pas encore rompre l’attente. Elle assume une double fonction : elle réunit certes quelques aquarelles représentatives du travail d’illustrateur du peintre, mais elle évoque plus que jamais le premier lieu d’énonciation de la collection qu’était la maison de Winthrop. Ainsi, sur le premier mur que le visiteur est amené à longer, nous découvrons une exposition de photos de cette maison et, dans la salle elle-même, des éléments de décor totalement factices pour faire écho à ceux que l’on pouvait apercevoir sur les photos (fausse-cheminée, moulures d’encadrement des fenêtres occultées par de lourdes tentures, etc.). Effet d’écho, mais aussi mise en abyme de la représentation de la maison, avec un fort degré d’iconicité pour les photos, de manière plus sélective, plus allusive par les éléments de décor. La salle de musée dit la maison de Winthrop de manière indicielle, par son décor et par le relais des photos, elles-mêmes signes indiciels de cette maison. Les oeuvres exposées dans cette salle, « exemplaires » du travail de Blake, sont également en relation indicielle avec leur auteur, mais surtout avec les deux lieux d’énonciation, que sont la maison et le musée, pour cet énoncé que constitue la collection. Ainsi, par la forme plastique et la thématique des aquarelles (La Divine Comédie de Dante), cette salle annonce celle des préraphaélites située beaucoup plus loin dans le parcours de l’exposition, elle est donc aussi figure de l’accélération, et par l’accrochage du Christ bénissant au-dessus de la fausse-cheminée, elle dit encore la maison de Winthrop. À New York, la salle Blake était une pièce voûtée, qui réunissait plus de cinquante oeuvres de l’artiste et qui

[...] baignait dans la douce clarté d’un vitrail de John La Farge, représentant les anges chanteurs […] du Livre de Job, que Winthrop avait fait poser en guise de fenêtre. Au-dessus de la cheminée, il avait placé Le Christ bénissant, de Blake.

Wolohojian, 2003

Double métonymie, cette salle, par son organisation, nous rappelle la formule d’Eliseo Véron concernant l’exposition :

Nous pouvons ainsi caractériser la spécificité du média exposition : c’est un mass-média dont l’ordre dominant, celui qui définit sa structure de base, est d’ordre métonymique : l’exposition se constitue comme un réseau de renvois dans l’espace, temporalisé par le corps signifiant du sujet, lors de l’appropriation. […] le comportement observé d’un sujet, qui sans aucun doute signifie, ne ressemble à rien : il opère par contiguïté, par glissements métonymiques. Considéré du point de vue des conditions de reconnaissance, l’ordre métonymique a pour support le corps du sujet récepteur : c’est le corps signifiant du sujet qui fonctionne comme un espace de résonance de tous les indices métonymiques d’un discours : ces indices définissent le contact du sujet avec la matérialité spatio-temporelle du discours.

1989 : 27

4. De l’interaction entre deux salles voisines

On observe un ralentissement de la visite lorsque, un peu plus loin, deux salles voisines entrent en interaction et influent ainsi sur le parcours du visiteur par le témoignage de ces classifications croisées évoquées plus haut, une même oeuvre pouvant appartenir à deux paradigmes différents. La salle Ingres présentera beaucoup de portraits, individuels ou collectifs, portraits de famille le plus souvent, à la mine de plomb sur vélin blanc, mais surtout beaucoup d’études, pour Roger délivrant Angélique, à la mine de plomb, mais aussi à l’huile sur toile. L’oeuvre achevée entre au musée du Luxembourg dès 1824. Ingres en réalise deux copies, l’une d’entre elles (1839) est à Londres (National Gallery). Le Martyre de Saint-Symphorien, qui associe huile, mine de plomb et craie rouge, se trouve une fois achevée à la Cathédrale Saint-Lazare d’Autun. Tout cela en regard de Raphaël et la Fornarina, portrait d’un peintre et de son modèle, d’un modèle qui sollicite du regard le spectateur, alors que le peintre n’a d’yeux que pour l’oeuvre en cours d’exécution, elle aussi absente bien sûr de la présente exposition, et qui relève encore du genre du portrait. L’Odalisque à l’esclave, toujours d’Ingres, se trouve dans une salle adjacente consacrée à l’orientalisme. Elle occupe, à elle seule, tout un mur et cohabite avec Théodore Chassériau et ses Cavaliers arabes enlevant leurs morts et le Combat arabe, avec Delacroix aussi, Un Turc se rendant à un cavalier grec, ces oeuvres occupant les trois autres murs.

La première salle, consacrée à Ingres, installe le visiteur dans une démarche plus intellectuelle, de type méta-iconique, l’entraînant dans une réflexion sur les techniques, sur les genres picturaux et plus particulièrement sur celui du portrait et de son rôle dans la genèse des oeuvres. Cette réflexion sur l’art pictural inscrit le visiteur entre l’achevé et l’inachevé. La deuxième salle, sur le thème de l’orientalisme, met en regard un seul tableau par rapport à un ensemble de tableaux. Elle prend le parti d’une opposition sémantique très forte, qu’on peut lexicaliser de différentes manières : masculin/féminin, violence/douceur, guerre/paix, etc. Entre ces oppositions sémantiques relatives à l’énoncé pictural et celles, aspectuelles, relatives à l’énonciation picturale (achevé/inachevé), ces deux salles font appel à des ressorts de la rhétorique la plus traditionnelle, le docere et le movere, qui s’articulent finalement autour d’une thématique commune, la représentation du corps, du geste et de la posture, autour également d’une autre opposition, celle de l’absence et de la présence – absence de l’oeuvre achevée, absence de l’oeuvre apparentée, dont l’écho semble faire partie de la visite[13]. Cette absence, frustrante ou stimulante, est vécue par certains comme la visite « virtuelle » d’une exposition en creux par rapport à celle qui leur était donnée de parcourir. On a ainsi une Baigneuse, à la mine de plomb, aquarelle et gouache blanche, qui est une reproduction si fidèle de La Baigneuse Valpinçon du Louvre, que l’on pourrait penser que Ingres a eu recours à un procédé mécanique[14]. La complémentarité des deux salles adjacentes en faisait une étape importante dans l’itinéraire de la visite. Si l’exposition mentionnait les références des oeuvres absentes sur les « cartels », elle ne proposait pas de reproduction de l’oeuvre absente. Il y a donc, d’un côté, le contact visuel direct avec une oeuvre présente, souvent une esquisse, souvent moins connue, et, de l’autre, une image dont le siège est la mémoire ; l’oeuvre présente se fait signe indiciel de l’oeuvre absente et l’espace d’exposition s’ouvre nécessairement à l’évocation d’autres lieux d’exposition. La mise en lien sur un support informatique, site Internet ou cédérom, et l’activation du lien par un parcours de lisibilité sur l’espace de navigation proposé mettent en fait les deux oeuvres sur le même plan d’accessibilité et de visibilité. La mise en espace par l’exposition joue plus sur le mode de l’évocation, évocation d’autant plus inconfortable ou stimulante qu’elle vient casser le mythe de la grande oeuvre comme référence unique. C’est le cas pour le Serment du jeu de paume de David, mais aussi pour la Salomé de Moreau. C’est aussi en cela que la collection est didactique.

5. L’espace Gustave Moreau ou la zone de la balustrade

Répondant aux figures de la dilation, les figures de l’accélération et de l’anticipation sont également nombreuses. On les trouve essentiellement dans une zone[15], sorte de balcon à balustrade, consacrée à Gustave Moreau[16] et au thème de Salomé, avec L’Apparition qui entre en résonance avec La Récompense de la danseuse, dessin de Beardsley pour la pièce de Wilde. Sur le mur du fond, se trouve Jacob et l’ange : par sa dimension, par la prégnance du regard de l’ange et de son auréole de lumière, le visiteur aperçoit de très loin cette grande composition de Moreau. Il anticipe ainsi visuellement sur son parcours, accélère peut-être l’exploration de l’allée et des salles adjacentes consacrées à l’école française, dont Gustave Moreau semble être le point d’aboutissement. L’appropriation visuelle de l’espace permet d’anticiper sur son exploration kinésique. Arrivé plus près du tableau, le visiteur perçoit le contraste très fort entre la pose frontale et statique de l’ange et celle, de profil et plus dynamique, de Jacob, orientée, qui plus est, vers la gauche, c’est-à-dire désignant l’escalier qui permet de rejoindre le rez-de-chaussée. Cette oeuvre vient à la rencontre du visiteur et l’invite à poursuivre sa découverte de l’exposition. C’était sans compter sur l’extraordinaire pouvoir d’attraction de L’Apparition, tableau dont le petit format amène le visiteur à s’installer dans une distance de contemplation proche de l’intime. Ce tableau suscite toutes sortes d’interrogations de la part des visiteurs qui croient se trouver devant LA Salomé de Gustave Moreau. Découvrant qu’ils se trouvent devant l’une de ses nombreuses versions, ils interrogent leur mémoire, leur voisin, les étudiants pour s’engager dans des comparaisons in absentia proches du jeu des sept erreurs. La taille du tableau ne nécessitait pas, en principe, un grand espace, mais la fascination qu’il a exercée sur le public a créé, certains jours de grande affluence, des embouteillages que les incitations du Jacob et l’ange à poursuivre la visite n’arrivaient pas à réguler. Autre figure de l’accélération et de l’anticipation, architecturale cette fois, il s’agit de la balustrade, factice comme la cheminée ou les moulures précédemment mentionnées pour évoquer la maison de Winthrop, qui fait de cette zone une sorte de balcon d’où l’on découvre, avant même d’y être arrivé, la salle en contrebas.

6. La salle des préraphaélites

Cette salle constitue sans doute le lieu et le moment le plus important de la visite : elle a été perçue par les visiteurs et les étudiants comme une véritable découverte. Anticipant sur cette découverte en l’apercevant depuis l’espace Gustave Moreau, le visiteur peut associer Moreau à Burne-Jones et Rossetti, en voir des représentants du même courant symboliste, ouvrir un paradigme fondé sur le courant pictural en cassant l’organisation séquentielle de la visite fondée sur des critères géographiques (écoles, française ou anglaise)[17]. Son regard « plongeait » sur Les Profondeurs de la mer ou sur Les Jours de la création de Burne-Jones. En empruntant l’escalier, il rencontrait Beata Beatrix de Rossetti, au regard singulièrement absent, alors qu’il était déjà fortement interpellé, depuis le premier étage, par ceux des anges de la création.

Dernière figure de l’anticipation : les couleurs de fond choisies pour les murs du lieu de l’exposition. C’est souvent en arrivant dans cette salle des préraphaélites que le visiteur se rend compte de l’effet d’écho chromatique, entre la palette des oeuvres contemplées et les murs qui en constituent le support, et de l’effet de complémentarité. Or, depuis la première salle, la salle consacrée à Blake, il déambule dans un espace rythmé par l’alternance du vert et de l’orange. Le choix de la couleur s’inscrit ici dans la linéarité de la visite, mais on pourrait aussi l’envisager dans l’instant précis de la contemplation d’un tableau en particulier, comme un débordement de l’oeuvre, laquelle franchit ainsi les limites que lui assigne son cadre pour rejoindre, par certains de ses caractères plastiques (la couleur), l’espace spectatoriel. Le visiteur est au coeur de l’exposition, au coeur de l’esthétique préraphaélite, de ses choix plastiques et thématiques. Ces effets de débordement du cadre sont d’autant plus efficaces que tous les dessins et les aquarelles étaient placés, par Winthrop lui-même, dans le même modèle de cadre, afin de créer une unité de décor et de présentation, mais surtout pour que l’on puisse voir le dessin dans son intégralité, que ne devait entamer aucun passe-partout.

Ce type d’encadrement s’était imposé comme un signe distinctif de la collection et fut surnommé emballage Winthrop […]. Les qualités esthétiques de l’emballage Winthrop sont peut-être discutables, mais, surtout, on ne peut que déplorer la disparition du contexte historique, due aux décisions radicales du collectionneur. Ainsi, le seul cadre d’un Burne-Jones dont il existe un témoignage écrit dans les comptes rendus anglais de l’époque – encadrement sophistiqué qui réunissait les six panneaux des Jours de la création – fut retiré pour que les différentes peintures puissent être accrochées séparément de part et d’autre de La Demoiselle élue de Rossetti. Cette décision de remplacer un célèbre cadre d’époque est d’autant plus regrettable qu’au dos de chaque oeuvre, on peut lire une inscription de la main de l’artiste : « Cette peinture n’est pas complète en soi, elle est le no  [X] d’une série de six aquarelles représentant les Jours de la Création, placées dans un cadre, conçu par le Peintre qui désire qu’elles n’en soient pas retirées ».

Wolohojian, 2003

7. Une fin de visite en forme de rupture stylistique

La visite s’achève sur une rupture sensible, rupture stylistique quant aux oeuvres présentées – la dernière salle accueille beaucoup de tableaux impressionnistes – et rupture stylistique de leur mise en espace : les murs sont blancs, ce que l’on peut interpréter ici aussi comme le débordement chromatique de certains tableaux sur l’espace spectatoriel[18]. Mais il faut signaler surtout, dans la même salle, le Portrait de Victor Chocquet, par Renoir, oeuvre déjà évoquée et que Birnbaum avait suggéré de placer à côté d’un portrait de Winthrop. Inlassable collectionneur comme Winthrop, Chocquet rappelle au visiteur, en fin de parcours, qu’il a aussi rendu visite à un collectionneur. Tout près de là et pour clore la visite, il y a les Nocturnes de Whistler proches de l’invisibilité, Nocturne en gris et or : neige à Chelsea et Nocturne en noir et or : la boutique du chiffonnier, Chelsea. Le regard du spectateur est pris entre le « il n’y a plus rien à voir » et une ultime et extrême sollicitation.

Conclusion

L’exposition de la collection Winthrop proposait une rencontre avec un collectionneur, qui fait de sa collection un acte d’énonciation. Création discursive d’un genre particulier, elle se laisse parcourir comme un texte. La prise en charge de la collection par un espace architectural va faire de ce texte un espace tensif ou, tout au moins, révéler ce qu’il recèle de tensions dans les parcours de lisibilité qu’il propose.

Dans la maison de Winthrop et du vivant du collectionneur, on est face à une double tension : un ensemble non fini d’objets, toujours renouvelé par les nouvelles acquisitions, et l’impression d’une mise en espace « provisoirement définitive » à chaque nouvelle réinstallation, cela dans des pièces ambivalentes, qui hésitent entre leur fonctionnalité quotidienne et la seule finalité que leur attribue le collectionneur, celle de l’exposition. L’acte d’énonciation du collectionneur se caractérise par une temporalité dont les modalités, entre l’achevé et l’inachevé, s’inscrivent dans un espace qui neutralise les valeurs fonctionnelles du privé pour développer des valeurs plus orientées vers le public et liées à la fonction d’exposition.

La mise en espace par le Musée des beaux-arts de Lyon va rendre cela par d’autres jeux de tensions : celle d’une rhétorique du tempo de la visite, prise entre anticipation et « dilation », accélération et ralentissement, et celle d’une projection paradigmatique sur le syntagme du parcours, où le principe de linéarité est constamment bousculé par des faits de chevauchement sur deux salles. Ainsi, entre la salle consacrée à l’orientalisme et celle, voisine, consacrée à l’énonciation picturale et au genre du portrait, la liaison se fait par Ingres, donc par un peintre et non par un thème, comme si les peintres à leur tour entraient comme acteurs pour guider le visiteur, l’entraînant parfois dans une exploration plus sélective et non exhaustive de la salle.

À cela s’ajoute le fait que les paradigmes présentés manifestent fortement les oeuvres absentes, comme une invitation à poursuivre la visite au-delà du parcours de l’exposition. La non-clôture de la collection, telle qu’on pouvait la découvrir dans l’appartement new-yorkais de Winthrop, se manifeste par la non-clôture de la visite de l’exposition. L’exploration de l’exposition se présente comme un parcours indiciel, en amont du premier lieu d’exposition et en aval d’un autre parcours possible, d’un musée à l’autre, à la rencontre des oeuvres absentes, mais sans cesse évoquées par la collection Winthrop. Comme si les « noeuds décisionnels », dont parle Eliseo Véron, se trouvaient moins dans l’espace réel parcouru physiquement que dans le parcours ou la démarche intellectuelle du visiteur, comme cela se produit dans les visites virtuelles proposées par les nouveaux supports multimédias grâce entre autres aux liens hypertextes.

Cette visite non exhaustive sera nécessairement moins extensive si l’on s’en tient à l’ensemble d’oeuvres présentées par l’exposition, mais plus intensive si l’on envisage l’un des paradigmes qui la constituent, extension qui sera donnée en revanche, et peut-être paradoxalement, par les ouvertures paradigmatiques et par les prolongements extérieurs qu’elle suggère tout au long du syntagme clos du parcours.

À la proposition qui lui avait été faite de léguer sa collection à la National Gallery of Art de Washington, Winthrop avait répondu :

Je reconnais qu’un plus grand nombre de personnes du « grand public » viendront à Washington qu’à Cambridge, mais je m’intéresse moins au grand public qu’à la génération des plus jeunes, que je veux toucher pendant qu’ils sont encore impressionnables, et leur montrer que l’art véritable est fondé sur les traditions et n’est le produit d’aucun pays ou siècle particulier, et que la Beauté se rencontre dans tous les pays et à toutes les époques, pourvu qu’on éduque son regard et l’y rende sensible.

La collection a quitté, le temps de cette exposition temporaire et itinérante, les salles du Fogg Art Museum, elle va à la rencontre peut-être de ce « grand public » dont parle Winthrop. Mais par la forme de médiation imaginée par le service culturel du Musée des beaux-arts de Lyon, elle a pu jouer sur les deux tableaux : celui de l’altérité et celui de l’identité du public, un public nouveau, comprenant toujours beaucoup d’étudiants ; lesquels ont sans doute servi de relais entre la collection et le grand public et m’ont guidée aussi dans le choix des oeuvres et des lieux de l’exposition évoqués au cours de ce récit.