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  • Chedly Belkhodja

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  • Chedly Belkhodja
    Département de science politique, Université de Moncton (Nouveau-Brunswick), E1A 3E9
    belkhoc@umoncton.ca

Pour de nombreux observateurs, le populisme renvoie souvent à une conception péjorative de la politique, soit la manipulation opportuniste d’un électorat, l’instrumentalisation de mythes mobilisateurs ou encore le caractère démagogique et antidémocratique de la mobilisation. D’après Pierre-André Taguieff, ceci a pour effet de stigmatiser le populisme au détriment de la lecture sérieuse d’un phénomène qui tend à se répéter dans l’histoire. Jusqu’aux années 1980, le concept de « populisme » relevait d’un usage assez précis. On l’utilisait principalement et presque exclusivement pour des évocations historiques et classiques tels le populisme des intellectuels russes de la fin du xixe siècle, le populisme des fermiers dans le Midwest américain et les Prairies canadiennes, et le populisme charismatique et autoritaire des leaders latino-américains (Vargas, Perón) et tiers-mondistes (Nasser, Sukarno) ou encore pour des expressions extrémistes tels le poujadisme en France et le maccarthysme aux États-Unis. Prisonnier d’un cadre d’analyse développementaliste, le populisme était alors défini comme une forme primitive d’expression politique appelée à disparaître avec la modernisation des sociétés politiques . Depuis une vingtaine d’années, l’évolution qui étonne le plus est cette résurgence du populisme dans l’espace politique contemporain. Pour de nombreux analystes, la reprise du populisme constitue une menace sérieuse pour les systèmes démocratiques pluralistes. En Europe occidentale, des partis politiques qualifiés d’extrême droite mais également de néopopulistes ou populistes de droite ont réussi à occuper le terrain politique en profitant de la baisse de confiance à l’égard des institutions politiques et de la classe dirigeante. Ces nouveaux acteurs ont également réussi à articuler plus librement des questions délaissées par les partis traditionnels, entre autres l’immigration, l’insécurité urbaine et le refus du multiculturalisme. Les exemples sont nombreux : le Front national en France, le Vlaams Blok en Belgique, Forza Italia et les Ligues régionales en Italie, le Parti de la liberté (FPÖ) en Autriche, les formations populistes en Scandinavie, le Reform Party-Alliance canadienne au Canada, le One Nation Party en Australie. Il faut également noter le développement de mobilisations néopopulistes en Amérique Latine et en Asie autour de personnalités fortes et médiatiques, entre autres, au Venezuela avec le lieutenant-colonel Hugo Chavez, au Pérou avec Alberto Fujimori et aux Philippines avec la vedette de cinéma Joseph Estrada. Enfin, le populisme tend à déborder les expressions partisanes pour caractériser d’autres formes de mobilisations politiques, soit celles des mouvements sociaux et des diverses initiatives citoyennes dans la défense d’enjeux particuliers le plus souvent liés à l’environnement et au territoire. Comment, dans ces circonstances, envisager l’étude de ce phénomène qui conserve selon toute vraisemblance encore aujourd’hui toute son actualité. Ce numéro spécial de Politique et Sociétés tire son origine d’un atelier organisé par Victor Armony et Chedly Belkhodja dans le cadre du congrès annuel de l’Association internationale de science politique tenu à Québec en août 2000. L’objectif était alors de réunir des chercheurs intéressés au phénomène du populisme d’un point de vue à la fois conceptuel et empirique. Par la présentation d’études de cas traçant le portrait de divers contextes nationaux, les auteurs réunis dans ce numéro réfléchissent aux différentes définitions du concept de populisme, à la pertinence de parler de « nouveaux populismes » ou de « néopopulismes », aux caractéristiques particulières de partis, de leaders ou de mouvements que l’on considère comme populistes, ainsi que sur les contrastes que l’on peut établir à cet égard entre différents espaces géographiques et culturels. Il s’en dégage une forme de géopolitique des populismes qui nous invite à considérer ses diverses expressions contemporaines. Les deux premiers articles du numéro traitent du populisme dans le contexte européen de l’après-guerre froide. D’une part, Hans-Georg Betz explore la manière dont …

Parties annexes