Recensions

La paix a-t-elle un avenir ? L’ONU, l’OTAN et la sécurité internationale, sous la direction de Stanislav J. Kirschbaum, Montréal, L’Harmattan, 2000, 247 p.[Notice]

  • Clelia Cirvilleri

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  • Clelia Cirvilleri
    École des Hautes Études en Sciences Sociales (Paris)

Le problème de la réforme de l’ONU se pose dès le début des années 1990. Après plus de quatre décennies d’immobilité forcée, l’institution qui incarne l’idéal même de la paix et de la collaboration entre les nations avait, pour la première fois, la possibilité concrète de réaliser les espoirs nés après 1945. La division du monde en deux blocs antagonistes, libéral et communiste, et la guerre froide ne s’étaient pas seulement avérées contradictoires avec la mission conciliatrice à l’origine de l’ONU, mais avaient empêché de fait le fonctionnement de ses institutions. Moulée sur le rapport de forces qui s’institue au terme de la Deuxième Guerre Mondiale, la structure décisionnelle de l’ONU apparaît déjà vide de sens après Yalta : les intérêts géopolitiques fondamentaux opposés des membres les plus influents du Conseil de sécurité, les États-Unis et l’URSS, font que le mécanisme décisionnel central de l’Organisation est paralysé par le système du veto. C’est pourquoi la fin de l’opposition Est-Ouest a représenté pour l’ONU le tournant le plus significatif de son histoire. Toutefois, l’évolution géopolitique de la scène mondiale qui a permis le « dégel » des institutions onusiennes a, en même temps, scellé la perte d’actualité du group des cinq, qui est désormais loin de représenter la réalité du pouvoir planétaire. De plus, après cette période d’immobilité prolongée, l’Organisation a dû se confronter à des guerres nouvelles et à des menaces pour la paix issues de crises régionales, dont la complexité dévoile les limites de la « culture diplomatique » de l’ONU et l’inadéquation de ses moyens d’intervention. C’est pourquoi la démarche de l’ONU dans les derniers dix ans a été marquée par des efforts d’adaptation à cette situation nouvelle, efforts qui se sont déployés autour de deux axes principaux : premièrement, autour d’interventions dans les conflits locaux en parrainage avec les organisations régionales, dont l’OTAN ; deuxièmement, autour de l’élaboration d’une culture internationaliste fondée sur le rapprochement Est-Ouest et répondant au défi des conflits régionaux. Ces deux axes, étroitement liés entre eux, nourrissent le débat autour de la réforme de l’ONU. Ce débat n’a pas jusqu’ici conduit à des progrès significatifs, en ce sens qu’il n’a ni permis la formation d’une nouvelle identité de l’Organisation et ni amélioré son efficacité dans la résolution des situations de crise. Les transformations, du reste très importantes, que les fonctions de l’ONU ont subi au fil des dernières années, sont le résultat d’une adaptation pragmatique aux conditions concrètes qui se présentaient au fur et à mesure plutôt que le produit d’une réflexion théorique globale, laquelle demeure encore très déficitaire, quant au rôle de l’ONU sur l’échiquier international. La tendance qu’on peut observer va dans le sens d’une collaboration de plus en plus étroite de l’Organisation avec les agences régionales : manquant souvent des outils opérationnels aussi bien que culturels indispensables à la gestion des crises locales, l’ONU est obligée par ses faiblesses et ses échecs de confier la gestion des interventions aux alliances militaires d’États, à l’OTAN, notamment, déjà protagonistes de la politique internationale de la guerre froide. C’est dans ce cadre que se pose la question inspiratrice du colloque organisé par l’« Association franco-canadienne d’études stratégiques », dont les travaux se sont déroulés au Collège militaire royal du Canada à Kingston, les 2 et 3 octobre 1998. L’idée du colloque, et de ce livre qui en recueille les résultats (paru en 2000, donc après l’intervention au Kosovo), était de faire le point sur le processus de transformation de l’ONU. L’ouvrage comprend quatre parties : la première (« La réforme de l’ONU ») propose directement une réflexion sur la nature de l’ONU, sur …