Recensions

Maladie de l’Islam, de Abdelwahab Meddeb, Paris, Seuil, 2002, 223 p.[Notice]

  • Sayed Baba

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  • Sayed Baba
    Université d’Ottawa

En consacrant son dernier livre à l’intégrisme, la maladie supposée de l’Islam, Abdelwahab Meddeb se pose, sans fausse modestie, en égal de Voltaire et de Thomas Mann. En effet, si chacun de ses deux illustres prédécesseurs s’est distingué par sa lucidité dans l’identification des causes réelles de la maladie de sa communauté et par son courage et sa détermination dans la dénonciation de celle-ci (voir de Voltaire, Traité sur la tolérance, Paris, Garnier-Flammarion, 1989 et de Thomas Mann, Journal du « Docteur Faustus », Paris, Christian Bourgeois, 1994), A. Meddeb, Tunisien d’origine musulmane, a décidé, dans la foulée des attentats du 11 septembre contre les Twin Towers, d’emprunter leur « technique » pour l’appliquer à la communauté musulmane. Il précise en effet que : « si le fanatisme fut la maladie du catholicisme, si le nazisme fut la maladie de l’Allemagne, il est sûr que l’intégrisme est la maladie de l’Islam » (p. 12). En soutenant d’emblée qu’« appeler à conduire les affaires humaines au nom de Dieu ne peut qu’engendrer des fanatiques capables de tous les désastres », il ne fait pas mystère de sa volonté de s’inviter dans le club prestigieux des « anti-cléricaux » qui ont pavé, devant leurs peuples, la voie d’une modernité jugée inéluctable. A. Meddeb paraît convaincu que le déclencheur de l’intégrisme qu’il prend pour la maladie de l’Islam est à rechercher essentiellement dans l’impasse, imposée de l’intérieur du monde musulman, qu’on y fait sur le débat et la discussion, une impasse ignorant, selon lui, la pluralité des opinions et ne ménageant aucune place au désaccord et à la différence. Il ne semble pas sous-estimer pour autant les raisons externes qui, dit-il, l’« entretiennent » et « participent à sa propagation » (p. 14). Ces raisons externes, il les répertorie, selon leur importance, de la manière suivante : « la non-reconnaissance de l’Islam par l’Occident, comme représentant d’une altérité intérieure, la façon de le cantonner dans le statut de l’exclu, la manière avec laquelle l’Occident renie ses propres principes dès que l’intérêt le réclame [et enfin] la façon qu’a l’Occident (et, de nos jours, sous la forme de l’Américain) d’exercer dans l’impunité son hégémonie selon la politique dite de deux poids deux mesures » (p. 14). Tordant le cou à un préjugé persistant selon lequel l’intégrisme serait l’apanage exclusif des couches défavorisées et incultes, A. Meddeb relève que les auteurs des attentats meurtriers du 11 septembre 2001 contre les États-Unis « par-delà leur contamination par la maladie de l’Islam, […] sont les fils de leur époque, le pur produit de l’américanisation du monde : ceux-là même qui firent du digital leur jeu d’enfant, de la télévision leur mémoire, sans avoir eu besoin de procéder à la transmutation de l’archaïsme qui habite leur esprit et leur âme » (p. 16). A. Meddeb soutient que cet état d’esprit a fait naître chez « l’Arabe comme chez le Musulman [face à l’Occident] le ressentiment » propre à l’homme qui « reçoit sans avoir les moyens de donner ni d’être affirmatif » (p. 19). D’aristocratique lorsqu’il était en position de force, « le sujet islamique », poursuit l’auteur, qui, à défaut d’analyse cohérente, objective et convaincante, n’hésite pas ici à puiser l’essentiel de son argumentation dans les manuels à la mode décrivant le frustré-type, « devint peu à peu l’homme du ressentiment, cet homme […] insatisfait, se pensant au-dessus des conditions qui lui sont faites ; comme tout semi-intellectuel, il s’avère (dans son refus et sa haine accumulés) candidat à la vengeance, prédisposé à l’action insurrectionnelle et à ce qu’elle comporte de dissimulation et sacrifice …

Parties annexes