Recensions

European Cities. Social Conflicts and Governance, de Patrick Le Galès, Oxford, Oxford University Press, 2002, 328 p. [Notice]

  • Bernard Jouve

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  • Bernard Jouve
    Université du Québec à Montréal

Pour tous ceux qui suivent l’actualité universitaire qui se développe autour de la gouvernance urbaine, Patrick Le Galès n’est pas un inconnu. Pour aller à l’essentiel, disons qu’il fait partie de cette jeune génération de chercheurs français qui a le plus oeuvré ces 10 dernières années à ouvrir la réflexion franco-française à des grilles d’analyse et à des notions venues d’Amérique du Nord, dont la gouvernance urbaine. Ses travaux font référence en la matière. Il n’est guère surprenant donc que le livre qu’il nous propose aujourd’hui ait reçu le prix Stein Rokkan de l’International Social Science Council. C’est dire l’intérêt que suscite cette nouvelle parution d’un auteur que l’on sait très productif. L’argument que développe l’auteur tient en peu de mots, mais qui ont une portée majeure sur l’ordre politique contemporain : les villes ouest-européennes sont en passe de devenir, du fait de la globalisation et des transformations des États-nations, des acteurs collectifs et des sociétés locales « incomplètes ». En cela, la contribution de l’auteur se situe dans le droit fil de celle de Colin Crouch qui, dans la même collection d’Oxford University Press, avait publié en 1999 un ouvrage majeur, Social Change in Western Europe. Le très célèbre sociologue avait consacré quelques pages à la question urbaine en Europe, mais il avait laissé explicitement le soin à d’autres de répondre à la question : Qu’est-ce qui distingue les villes européennes ? Y a-t-il une identité urbaine européenne ? C’est principalement à cette question, épineuse, que P. Le Galès vise à répondre dans un développement très bien argumenté, bien construit et empiriquement étayé. Après avoir précisé qu’il restreint (et c’est déjà beaucoup) son analyse à l’Europe de l’Ouest pour des raisons méthodologiques — disponibilité des sources — et d’évolution des États est-européens de 1945 à 1989, l’auteur construit son raisonnement en partant des quatre hypothèses suivantes : 1- les relations entre les États-nations et les villes occupent une place essentielle pour qui veut comprendre la double évolution des villes et des sociétés européennes ; 2- replacées sur le long terme, les évolutions les plus récentes donnent plus de poids dans l’organisation du politique aux villes qui se voient doter de davantage de marges de manoeuvre et d’autonomie mais qui, en même temps, restent confrontées au problème structurel de leur fragmentation institutionnelle ; 3- l’intégration européenne et la globalisation constituent à la fois un ensemble de contraintes et d’opportunités pour rééquilibrer l’économie des échanges entre les États et les villes ouest-européennes qui peuvent générer de nouveaux compromis entre l’intégration sociale, l’intégration culturelle et le développement économique. Les villes seraient également en passe de développer de nouvelles formes d’institutionnalisation et de territorialisation ; enfin, 4- les acteurs porteurs de ces changements ne sont pas exclusivement politiques (au sens restreint du personnel politique), ils viennent également de la société civile (firmes, associations, intérêts sectoriels). Les configurations entre ces différents types d’acteurs génèrent des modes de gouvernance différenciés entre les villes européennes. Reprenant une des thèses qu’il avait développée avec Arnoldo Bagnasco dans leur ouvrage Villes en Europe, publié en 1997, P. Le Galès avance que la compétition actuelle que se livrent les différents centres de pouvoir et d’autorité en Europe favorisent l’autonomie des villes. D’un point de vue analytique, tout l’ouvrage est construit autour de trois notions clés que l’auteur prend soin de définir très précisément : acteur collectif, société locale et gouvernance. Cinq critères sont utilisés pour définir un acteur collectif : un système collectif de décision, des intérêts communs (ou perçus comme tels), des mécanismes d’intégration, de représentation interne et externe et une capacité d’innover. La …