Recensions

Critique de la raison sociale : L’École de Francfort et sa théorie de la société de Jan Spurk, Saint-Nicolas, Presses de l’Université Laval, Paris, Éditions Syllepse, 2001, 237 p.[Notice]

  • Koula Mellos

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  • Koula Mellos
    Université d’Ottawa

L’ouvrage de Jan Spurk, publié dans la série Sociologie contemporaine que dirige Daniel Mercure, porte, comme son titre l’annonce, sur l’École de Francfort et tout particulièrement sur les contributions de Max Horkheimer et de Theodor Adorno à la Théorie critique développée au sein de cette école. On sait que, depuis au moins trois décennies, c’est Jürgen Habermas qui prend la relève dans l’École de Francfort. Ce sont donc surtout ses contributions qui ont servi à réorienter, et servent encore à orienter, la Théorie critique — ceci d’ailleurs, dans des perspectives qui, bien probablement, n’auraient pas été tout à fait du goût ni de M. Horkheimer ni de T. Adorno. On pourrait donc, à première vue, s’étonner de ne pas retrouver dans cet ouvrage une étude de la contribution de J. Habermas, d’autant plus que cette contribution suscite un grand intérêt dans le monde anglo-américain depuis bien longtemps et dans le monde français depuis déjà quelques années. Mais on finit par comprendre que le livre se veut plutôt une chronique de la vie intellectuelle et académique de M. Horkheimer et de T. Adorno. Le choix de ces auteurs n’est certainement pas arbitraire. Pour explorer l’origine et la signification de la Théorie critique c’est sans doute à M. Horkheimer, le fondateur de l’Institut für Sozialforschung, qu’il faut revenir, tout comme il faut revenir à T. Adorno, son plus proche collaborateur pendant des années dans l’articulation de la Théorie critique. L’auteur offre un aperçu général de l’histoire de l’École de Francfort et la situe non seulement par rapport aux activités intellectuelles et universitaires de M. Horkheimer et de T. Adorno mais aussi par rapport au contexte politique allemand et aux répercussions de celui-ci hors des frontières allemandes. Il retrace ainsi les origines de l’École dans l’Institut für Sozialforschung de l’Université de Francfort en 1923, examine la période de son exil d’abord à Paris et à Genève, ensuite à New York où l’École est rouverte en 1941, son retour en Allemagne en 1950 et sa réinstallation à Francfort quand elle assume justement le nom d’« École de Francfort » pour la première fois et, enfin, son évolution dans les années 1960 et au début des années 1970. La reconstruction du contexte de cette histoire consiste, pour l’essentiel, en un bref rappel des grands événements qui ont marqué la vie de l’École, en particulier l’instabilité politique et sociale en Allemagne après la Première Guerre mondiale, l’émergence du fascisme et sa prise du pouvoir en 1933 avec l’exil des membres de l’Institut du fait aussi de leur identité juive, la Deuxième Guerre mondiale, la défaite du nazisme et le retour à l’Allemagne de quelques membres de l’Institut, y compris M. Horkheimer et T. Adorno. Quant à l’examen de l’École elle-même, l’ouvrage se borne à une synthèse de quelques contributions théoriques de M. Horkheimer et de T. Adorno dans l’ordre chronologique de leur production tout en soulignant certaines de leurs caractéristiques les plus marquantes — parmi celles-ci, l’orientation interdisciplinaire et matérialiste que M. Horkheimer a tenu à donner aux recherches entreprises dans l’Institut sous sa direction ainsi que la réactivation de l’esprit critique du marxisme. Cette réactivation, souligne encore l’ouvrage, élargit cette critique au-delà de la pratique du capitalisme pour embrasser les formes de la conscience historique, y compris celles qui s’expriment dans la métaphysique, la philosophie et les théories sociologiques afin de percer leurs rapports à la société dont elles sont issues. M. Horkheimer a aussi voulu investir la critique d’un sens pratique pour que celle-ci puisse conduire à un « dépassement par l’accomplissement », autrement dit à la …