Porto Alegre : l’espoir d’une autre démocratie de Marion Gret et Yves Sintomer, Paris, Éditions La Découverte et Syros, 2002, 135 p.[Notice]

  • Myrtô Dutrisac

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  • Myrtô Dutrisac
    École des hautes études en sciences sociales

Le livre de Marion Gret et Yves Sintomer s’inscrit dans ce nouveau mouvement de la lutte pour « une autre mondialisation ». Les auteurs s’intéressent à l’expérience particulière de la municipalité brésilienne de Porto Alegre et de son budget participatif, souhaitant en montrer les particularités afin de voir en quoi et pourquoi l’expérience peut être universalisable et servir de modèle. Réfléchir sur Porto Alegre, donc, pour réfléchir sur la démocratie contemporaine. Cette entreprise n’est pas originale, dans la mesure où l’expérience brésilienne est devenue une « réussite » bien documentée. Néanmoins, au lieu de nous proposer une réflexion théorique sur sa valeur, on nous propose ici les outils nécessaires pour bien la comprendre, c’est-à-dire une description minutieuse des différents organes et processus à l’oeuvre dans la capitale du Rio Grande do Sul. Ainsi, même si, dans l’introduction, M. Gret et Y. Sintomer parlent de « démocratiser radicalement la démocratie », de Porto Alegre en tant qu’expérience qui « réhabilite la politique », d’une « inversion des priorités » ou encore « de lutter pour une autre mondialisation » (p. 7), le livre porte davantage sur les dispositifs du budget participatif ainsi que sur les défis qu’ils soulèvent. Les auteurs décrivent d’abord le contexte d’émergence de l’expérience de Porto Alegre, permettant donc aux néophytes de se familiariser brièvement avec la situation politique brésilienne des 20 dernières années, de la fin de la dictature militaire à la Constitution fédérale de 1988, en passant par la première victoire du Parti des travailleurs (PT) aux élections municipales de Porto Alegre, la même année. Ce parti est l’architecte de la variante brésilienne de la démocratie participative et est décrit comme « l’un des produits en même temps que l’un des acteurs majeurs » de la transition du pays vers la démocratie (p. 12). Il représente aujourd’hui sa force politique principale, son leader Lula (Luis Inácio Lula da Silva) ayant remporté les élections présidentielles d’octobre 2002. C’est dans ce contexte que Porto Alegre « est devenue un bastion du PT en même temps qu’un exemple de gestion transparente et participative » (p. 16) créant « un espace public nouveau […] pour instaurer un nouvel équilibre où la démocratie directe trouve une place véritable » (p. 23). Ce qui rend le budget participatif de la ville exemplaire est, d’abord, qu’il fait en sorte que les démarches participatives ne soient pas accaparées par la classe moyenne, peu représentative du tissu social, et donc qu’elles soient « tournées matériellement » (p. 24) vers les plus démunis. De plus, les auteurs montrent que démocratie d’assemblée et gestion efficace peuvent aller de pair en s’appuyant sur des règles objectives qui favorisent la délibération. Cela permet d’effacer progressivement la forte tradition de corruption et de clientélisme concomitante de la politique brésilienne, et prouve que mobilisation politique et populisme ne sont pas toujours liés. L’expérience de Porto Alegre se présente comme une forme particulière de démocratie directe reposant sur les assemblées de quartier et dont le budget participatif met en place quatre espaces : (1) un exécutif fort, élu au suffrage universel, qui est responsable du budget ; (2) un législatif faible, élu au scrutin proportionnel direct ; (3) l’espace de la société civile, où l’on retrouve des mouvements de quartier auxquels on peut participer afin de défendre des projets ; et (4) la pyramide participative, coeur de la démocratie d’assemblée brésilienne, qui se trouve à la charnière entre l’exécutif et la société civile. Ainsi, à Porto Alegre, « le centre de gravité de la prise de décision budgétaire se déplace dans la relation entre l’exécutif et la structure participative » (p. 32), …