Recensions

La politique étrangère des États-Unis. Fondements, acteurs, formulation de Charles-Philippe David, Louis Balthazar et Justin Vaïsse, Paris, Presses de Sciences Po, 2003, 384 p.[Notice]

  • Simon Petermann

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  • Simon Petermann
    Université de Liège

L’ouvrage publié par Charles-Philippe David, Louis Balthazar et Justin Vaïsse dans l’excellente collection des Presses de Sciences Po est remarquable à plus d’un titre. Dans un langage clair et accessible, les trois auteurs se sont attelés à analyser en profondeur les mécanismes de la politique étrangère des États-Unis. La tâche n’était pas simple. Aux États-Unis, plus qu’ailleurs, le processus d’élaboration de la politique étrangère implique une grande diversité d’acteurs, génère d’intenses débats et suppose de longs arbitrages. Les auteurs montrent très clairement qu’il faut se défier de certaines critiques qui laisseraient parfois penser que la collusion entre le pouvoir politique et la société civile aux États-Unis est telle qu’il n’y a pas de débat interne, voire que la politique étrangère résulte de sombres complots impliquant des milieux plus ou moins occultes. À lire l’ouvrage chapitre après chapitre, on s’aperçoit en effet que les États-Unis ne forment pas un bloc monolithique, mais que les mécanismes de prise de décisions sont tels que l’ensemble des termes du débat finit par converger vers la présidence, ce qui donne l’impression que les Américains ne parlent que d’une seule voix, en l’occurrence celle du président. Pour analyser le processus décisionnel, les auteurs ont divisé l’ouvrage en trois grandes parties. Ainsi, la première, que signe L. Balthazar, s’attache à reconstituer le contexte de la formulation de la politique étrangère américaine. Pour ce faire, il consacre quatre chapitres à examiner le poids des traditions politiques, constitutionnelles, culturelles et idéologiques, qui demeure très lourd. L. Balthazar montre parfaitement combien le cadre constitutionnel représente en quelque sorte l’ossature institutionnelle, définissant la nature du régime politique américain, établissant l’essence des pouvoirs et orchestrant leurs rapports. Dans un premier chapitre, il insiste sur l’héritage des Pères fondateurs, les fondements de l’Union et les institutions constitutionnelles de la politique étrangère. La répartition des pouvoirs en matière de politique étrangère prend, aux Etats-Unis, un caractère particulier par rapport à la politique interne. Elle impose en effet un mécanisme plus complexe, fondé sur la complémentarité du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. C’est ce jeu subtil entre les deux pouvoirs qui est magistralement analysé, depuis les origines jusqu’à nos jours, à travers les vicissitudes de l’histoire politique des États-Unis. L’auteur montre ensuite dans un deuxième chapitre comment la géographie et l’histoire du Nouveau Monde ont conduit les Américains à concevoir une vision particulière du monde. Ce sont incontestablement les traits de ce cadre culturel spécifique qui viennent influer sur la manière de concevoir et de conduire la politique étrangère. Dans ce chapitre, L. Balthazar cherche à identifier les éléments fondateurs du style national américain à partir d’éléments historiques (le puritanisme et l’individualisme des pèlerins du Mayflower, la philosophie libérale, le rejet de l’histoire, etc.) et d’éléments politiques (notamment l’isolationnisme et le souverainisme). Il insiste particulièrement sur le fait que ce style national s’articule autour de deux grandes tendances profondément enracinées dans l’histoire du pays. La première est la destinée manifeste qui représente un sentiment d’appartenance à un peuple investi d’une mission quasi divine. La seconde, c’est la pensée experte qui est cette propension particulièrement forte chez les Américains à recourir à la technique pour résoudre rapidement des problèmes d’ordre politique (le syndrome du quick fix). Enfin, dans les chapitres 3 et 4, l’auteur montre combien les orientations de cette politique donnent lieu à des débats intenses parmi les décideurs, les observateurs et l’ensemble des acteurs de la vie politique. Ce cadre conceptuel est l’élément déterminant du contexte dans lequel est formulée la politique étrangère et constitue le champ de débats tant dans le domaine politique que dans le milieu universitaire et celui …