Recensions

Le Québec, otage de ses alliés — Les relations du Québec avec la France et les Etats-Unis d’Anne Legaré, Montréal, VLB éditeur, 2003, 328 p.[Notice]

  • Guy Lachapelle

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  • Guy Lachapelle
    Université Concordia

Il est rare que nos spécialistes des relations internationales se livrent à des analyses de stratégies politiques quant aux finalités des relations extérieures du Québec. Contrairement à la plupart des études, qui sont souvent plus descriptives que prospectives, Anne Legaré nous offre ici une réflexion originale et stimulante autant sur les mythes (neutralité américaine, américanité, américanisation) que sur les stratégies que le Québec devrait adopter face à ses deux principaux partenaires, les États-Unis et la France. Selon elle, l’adhésion continentale du Québec au cours de la dernière décennie ou ce qu’elle qualifie de « nouvelle stratégie internationale du Québec » a eu pour conséquence directe de miner nos liens privilégiés avec la France, ce qui agacerait plusieurs responsables français au Quai d’Orsay. À partir de son expérience comme présidente du Comité des relations internationales du Parti Québécois (1991-1994), puis comme « conseillère spéciale » auprès du délégué général du Québec à New York, et de séjours fréquents à Washington avant le référendum québécois de 1995 (1994-1995), elle nous propose une analyse perspicace de notre politique extérieure. Selon elle, la stratégie du Parti Québécois, entre le congrès de janvier 1991 et son élection au gouvernement en 1994, « a été infléchie par la perspective d’adoption de l’ALÉNA » (p. 22) et relève essentiellement de la tactique politique. L’appui du Parti Québécois à l’idéologie libre-échangiste et aux valeurs nord-américaines fut largement le résultat de la volonté des élites politiques de démontrer à la face du monde que le Québec est un État moderne. L’autre objectif, que l’auteure appelle « le fantasme de la neutralité des États-Unis » (p. 26), serait le résultat de la myopie des élites québécoises qui auraient été incapables de délimiter leurs véritables intérêts, surtout au moment du référendum de 1995, à cause d’une vision ludique du processus d’américanisation de la société québécoise : « Comme pour arrimer ses relations internationales à sa politique économique, à ses échanges commerciaux et à un espoir non dissimulé de reconnaissance politique des États-Unis, le choix du pôle américain s’est appuyé sur un imaginaire continental. » (p. 216) Notre « dérive continentale » (p. 192 et 208) risquerait d’ailleurs de nous emporter à nouveau avec notre soutien à la ZLÉA ou à la future zone de libre-échange panaméricaine (ALCA). La thèse centrale de cet ouvrage est la suivante : Le Québec serait donc dans une situation d’ambivalence puisque « d’un côté, le Québec cherche à plaire aux États-Unis, et que de l’autre, face à la France, il est tenté d’afficher son indépendance » (p. 181). C’est ainsi que la « nouvelle américanité du Québec » (p. 160) serait un mythe qui brouillerait nos analyses et nous ferait oublier notre relation particulière avec d’autres pays, mais surtout avec la France. L’américanité renvoie à « une option privilégiée dans les relations internationales du Québec » (p. 164). Si l’américanité était d’abord « un discours de consentement des Québécois dans l’ensemble nord-américain » (p. 162), la crainte de l’auteure est que ce concept devienne aussi un consentement à la logique géopolitique nord-américaine. Et ce qui l’inquiète grandement, c’est que les événements du 11 septembre 2001 contribuent à « l’intégration continentale militaire et sécuritaire » (p. 163) du Québec. Toutefois, et on le sent fort bien tout au long de l’ouvrage, la position adoptée tant par le gouvernement du Québec que par la rue citoyenne avant la guerre en Irak a quelque peu ébranlé les convictions de l’auteure, puisque le Québec a démontré qu’il possède « une capacité de distanciation » (p. 184). Si les militants du PQ ont adopté lors du congrès de 1991 une résolution …