Recensions

La compétence civique. Comment les citoyens informés contribuent au bon fonctionnement de la démocratie, de Henry Milner, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2004, 388 p.[Notice]

  • Nadia Dillenseger-Honoré

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  • Nadia Dillenseger-Honoré
    Université Louis Pasteur – Strasbourg I

Henri Milner, fondateur de Inroads, A Canadian Journal of Opinion and Policy, est l’auteur d’un ouvrage récent de sociologie politique comparatiste sur la citoyenneté. H. Milner constate un désengagement de la population à l’égard de la politique qui se traduit notamment par une baisse générale de la participation électorale. Il estime que ce désintérêt serait notamment lié à l’affaiblissement des connaissances politiques des citoyens, raison qui ne serait que rarement invoquée. L’auteur propose une réforme des institutions politiques afin que les responsables politiques participent concrètement à l’éducation civique, à la formation et à l’information permanentes des citoyens. Il procède pour cela à une analyse comparative du niveau de compétences civiques dans quinze pays d’Europe et d’Amérique du Nord, ainsi qu’en Australie et en Nouvelle-Zélande. Le concept de compétence civique (civic literacy) introduit par H. Milner se définit comme l’habileté des personnes à acquérir et à mobiliser des connaissances qui leur permettent de comprendre les débats de société et d’effectuer des choix politiques éclairés. Ce concept serait à la fois un indicateur et un facteur explicatif de la citoyenneté. Un niveau élevé de compétences civiques est considéré comme une fin en soi (p. 241). L’ouvrage comporte quatre parties. La première présente les notions de capital social et d’engagement civique. Le capital social est une notion issue de la sociologie qui a été développée dans le domaine de l’analyse politique comparée par Robert Putnam et, plus particulièrement, dans son ouvrage Bowling Alone paru en 2000. Elle caractérise un bien public dont le développement est lié à un renforcement de l’adhésion associative et de la confiance interpersonnelle, cette dernière favorisant la participation (p. 18). Selon H. Milner, la notion de capital social serait d’un moindre recours pour expliquer les variations de la participation des citoyens aux suffrages, la confiance et l’associativité étant des indicateurs très fortement liés aux contextes culturel et institutionnel considérés. Il démontre qu’il y aurait une corrélation faible entre la participation électorale et l’adhésion associative ainsi qu’une absence de corrélation entre cette même participation et la confiance envers autrui. Ces indicateurs traditionnels de l’engagement civique ne seraient donc pas appropriés à une étude comparatiste. H. Milner choisit ainsi comme indicateur la participation moyenne aux élections locales, puisqu’il considère que les décisions politiques locales sont « les plus proches des activités quotidiennes des citoyens » (p. 15) et qu’elles sont universelles dans les pays démocratiques (p. 53). Un indice de participation accru aurait sans doute été préférable. Il serait par exemple envisageable de constituer un indicateur à partir de données relatives à des élections se déroulant à plusieurs niveaux, national et local notamment. H. Milner choisit d’axer son analyse sur l’importance des connaissances politiques individuelles et introduit la notion de compétence civique qui serait, selon lui, plus appropriée que celle de capital social. Une relation tripartite serait ainsi à l’oeuvre entre compétences civiques, institutions politiques et participation (p. 114). Cette relation structure la deuxième partie de l’ouvrage. Il s’agit d’une cartographie des sources de compétences civiques, qui passe notamment par l’étude de l’influence des institutions politiques et des médias. La proportion de citoyens compétents n’est autre que ce que H. Milner nomme le niveau des compétences civiques. Les indicateurs choisis par l’auteur pour évaluer les compétences civiques sont le taux d’alphabétisation, le niveau de scolarité, les aptitudes à la lecture et à l’écriture, le taux d’abandon scolaire, le tirage des quotidiens, le nombre d’heures passées devant la télévision, la participation aux activités d’éducation des adultes et la fréquentation des bibliothèques. L’ensemble de ces indicateurs serait mauvais pour le Canada et plus encore pour le Québec. H. Milner argue que …