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À l’intersection du nouveau et de l’ancien, les « transitions démocratiques », par opposition aux ruptures brutales que représentent coups d’État ou révolutions, marquent le passage progressif d’un régime politique à un autre à travers des stratégies complexes de médiation et de transformation qui affectent la trajectoire d’une société donnée dans un temps et un espace eux-mêmes incertains. L’objet se dérobe dans le mouvement même qui lui donne naissance. En effet, s’il est déjà malaisé de déterminer quand s’amorce une transition systémique, il l’est encore plus d’en définir l’aboutissement, à moins de considérer qu’il existe des démocraties achevées, ce qui apparaîtrait nettement présomptueux. Les acteurs se bousculent sur la scène. Rien ne garantit d’ailleurs leur permanence puisque le jeu politique de la transition désigne une période d’ajustement structurel que d’aucuns entendent limiter alors que d’autres s’efforcent de l’accélérer. La transition est donc susceptible d’étouffer sous les contraintes ou de s’engluer dans la path dependency[2] (dépendance du sentier tracé), comme elle peut muer en cours de route pour s’attribuer de nouveaux objectifs démocratiques sous l’impact de facteurs imprévus ou par suite de l’inclusion de nouveaux joueurs. Et, d’ailleurs, quelle route prétracée pourrait bien emprunter un phénomène qui, par définition, échappe aux règles habituelles, si les fins mêmes du jeu de bascule d’un système à un autre ainsi que les contours du régime à établir restent l’objet des transactions entre des forces qui bloquent la voie du changement et d’autres, au contraire, qui relancent le processus dans des directions inattendues ?

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la prise en charge par les Alliés du remodelage du Japon et de l’Allemagne a donné naissance à une discipline nouvelle, la transitologie, fondée sur l’expertise des vainqueurs et la qualité des devis de modernisation apportés dans les bagages de l’armée d’occupation. Certes, la nécessité de composer avec le milieu s’est vite imposée, la collaboration de l’empereur du Japon par exemple ou celle des éléments « sains » de la Wermacht s’avérant une condition indispensable du succès de l’opération. Mais ce qui dominait dans les préoccupations des agences responsables du changement ordonné, c’était d’aligner la reconstruction des infrastructures des sociétés prises en charge sur les normes juridiques et sociopolitiques expérimentées à l’Ouest. Au Nord-Est, un modèle alternatif de modernisation, celui que représentait la formule socialiste de transition vers le communisme, reposait également sur la conviction de détenir, de l’extérieur, la clé du changement désiré et de pouvoir en jauger aussi bien le déroulement que la fin grâce à la maîtrise scientifique du cursus d’une transition commandée d’en haut. Mais la transitologie, telle qu’elle s’est constituée en discipline[3], concerne l’approche euroaméricaine de la fabrique de la modernité. Malgré les difficultés rencontrées sur le terrain, l’illusion de contrôle technocratique, une illusion renforcée, faut-il le souligner, par la contrainte que représentaient les pouvoirs militaires en place ou la capacité de s’appuyer sur la force de l’État, s’est projetée dans un paradigme théorique dit « scientifique » dont on prétendrait ensuite tester la validité en l’appliquant à l’ensemble des « transitions démocratiques » ouvertes par l’accès à la souveraineté de sociétés africaines ou est-asiatiques dans les années 1960 ou à l’occasion de sorties de dictature en Europe du Sud ou en Amérique latine dans les années 1960 à 1980 du siècle dernier.

D’une vague de transitions à l’autre, le modèle s’est d’ailleurs enrichi, il convient de le reconnaître[4]. Les cas des sorties de dictature de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne, en particulier, ont forcé l’attention des transitologues à se déplacer des facteurs techniques de succès d’une modernisation imitée de pratiques existantes et confiée à des experts plus souvent occidentaux vers les stratégies des agents locaux du changement, plus ou moins forcés de transiger pour avancer, ou pour survivre, selon leur position respective. Le politique reprenait ses droits. Et le souci de rendre compte de l’écart entre la maîtrise technocratique des outils de développement et l’état des rapports de force traversant l’articulation d’une population autour de projets de transformation portés par des factions forcées de composer entre elles quoi qu’il leur en coûte amenait un élargissement bienvenu des termes du paradigme central de la transitologie.

Au terme de cette révision, intégrant au coeur du paradigme des facteurs stratégiques locaux ou internationaux aux côtés des impératifs classiques de développement économique et de régulation juridique ou législative, l’illusion prévaudra encore de pouvoir enfermer l’objet « transition » dans un cadre universel, selon un cheminement prévisible étape après étape (ouverture, percée, consolidation), régi par la conviction téléologique de pouvoir fixer le point d’arrivée du processus avec l’instauration des mécanismes de la démocratie formelle (le passe-partout des élections libres et du pluralisme des partis) et une économie dite « libre » (privatisée et libre-échangiste) [5].

Il faudra une autre vague de « transitions démocratiques », celle que déclencha la chute du mur de Berlin, pour que ce modèle prétendument standard de la transitologie soit ébranlé sous la pression de la diversité de destin des sociétés postcommunistes, confrontées à l’échec du socialisme réel et à des transformations affectant tout à la fois l’économie, la culture ou l’identité nationale et le choix des institutions politiques à réinventer pour traverser une crise d’une ampleur et d’une complexité qui échappent aux catégories analytiques de la transitologie classique[6]. Il devenait absurde de soutenir l’existence d’une séquence de cheminement unique et prévisible vers la démocratie ; le retour à des cadres théoriques plus soucieux de coller aux idiosyncrasies locales (path dependency) et à la plasticité des phénomènes observés imposait une démarche méthodologique distincte, celle de l’attention à l’ouverture et de l’intégration d’un principe d’incertitude au centre d’une démarche critique de questionnement et d’observation de phénomènes irréductibles à une théorie générale unique[7].

Mais attention, cela ne signifie pas que chaque transition s’effectue en vase clos et que tout renvoi de l’une à l’autre soit inconvenant. Au contraire, il est devenu manifeste en 1989 que les acteurs en cause, s’ils intervenaient localement, s’inspiraient, tout autant que les analystes attachés à dégager le sens de leur mouvement, d’expériences puisées dans le réservoir de transitions existant. C’est ainsi que, lors d’un colloque du Centre d’études et de relations internationales (CERI) de la Fondation nationale des sciences politiques de Paris portant sur la perestroïka de Gorbatchev, tenu à la veille des élections semi-libres en Pologne de juin 1989 et auquel nous assistions, Russes et Polonais, tout aussi bien, avaient sidéré leur auditoire français et québécois (!) en faisant explicitement référence aux modèles de sortie de dictature de l’Espagne de Franco et du Chili de Pinochet dont ils s’inspiraient sans honte. Qui alors se serait risqué à prévoir l’effondrement de l’URSS deux ans plus tard, la réunification allemande ou l’élargissement de l’Union européenne à moyen terme, non seulement aux pays d’Europe centrale, mais aux Pays baltes où le mouvement souverainiste commençait à peine à se manifester ? Autant de transformations à venir que rien ne permettait de planifier et qui, si elles avaient été annoncées à l’époque, auraient semblé relever de l’utopie débridée plus que d’un imaginaire politique plausible. Les buts de l’opération qui se dessinait plus clairement dans les phénomènes de reconstruction des économies d’après-guerre ou dans les sorties de dictature des années 1970-1980 échappent à la prévision en ce qui concerne les « transitions démocratiques » contemporaines. De plus, chaque transition sert non seulement de modèle ou de laboratoire à d’autres, mais peut elle-même changer de direction sous l’impact de phénomènes contemporains comme nous avons tenté de l’illustrer dans l’article que nous publions dans ce même numéro. L’approche comparative ne fonctionne plus dans la seule dimension temporelle de l’avant des politiques et de l’après des analystes ; la contagion des idées se manifeste au présent avec l’accélération des communications entre sociétés qui peuvent se situer sur des continents séparés et dont les expériences croisées se servent mutuellement de référents. Il est devenu impératif de parler de transitions au pluriel, non seulement dans une perspective comparative d’une société à l’autre, mais y compris au moment d’analyser une formation sociale particulière. Du coup, la fin de « la » transition devient un énoncé sujet à des démentis multiples. Au Chili, par exemple, un président après l’autre a prononcé la fin de la transition : Aylwin au moment de succéder à Pinochet en assumant la présidence en mars 1990 ; Frei au terme de son mandat, en constatant le retour dans leurs casernes des militaires chiliens ; Lagos[8] avec la ratification d’une nouvelle Constitution en août 2005 qui lève les dernières contraintes inscrites dans la Constitution de Pinochet, les fameuses « enclaves autoritaires » que constituaient la nomination de sénateurs à vie, l’inamovibilité du commandant en chef des forces armées, les prérogatives du Tribunal constitutionnel et les clauses limitant la participation politique de certains groupes à la vie politique. Reste que l’encre n’est pas aussitôt sèche sur la nouvelle entente constitutionnelle que la réforme du système électoral binominal qui restreint la représentation des petits partis et le débat sur l’inscription obligatoire sur les listes électorales annonce une autre étape de la transition institutionnelle, sans compter l’impact de l’arrivée prochaine d’une femme à la présidence, la candidate socialiste Michelle Bachelet, donnée gagnante dans les sondages et qui a déjà annoncé que son gouvernement serait paritaire. « Si la tendance se maintient… », une transition sociale majeure est donc en vue qui pourrait transformer la figure du corps politique chilien, sans compter que d’autres analystes pointent la nécessité de reprendre la voie de la transition à la modernité en attaquant les inégalités sociales qui entravent le développement de la société chilienne. Du côté de la Pologne, des débats semblables entourent les discussions sur les conséquences de l’entrée récente dans l’Union européenne et ouvrent de nouvelles pistes aux transitions subséquentes jugées nécessaires pour rattraper le reste du peloton et poursuivre la démocratisation d’une société tentée de se replier sur ses traditions catholiques ou conservatrices comme l’a illustré la victoire de la droite aux élections législatives de septembre dernier.

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Dans un tel contexte, il nous a paru intéressant de faire appel à des auteures et auteurs dont les points de vue sur les transitions croisées au Chili et en Pologne manifestent leur sensibilité aux conditions particulières dans lesquelles se déroule la vie politique dans un espace-temps donné, mais qui se soucient également de rendre compte de la dimension comparative ou de l’insertion de leur sujet d’étude dans un cadre théorique élargi. Les articles de Bruno Drweski et d’Alfredo Joignant ouvrent le bal par une approche critique qui démystifie les prétentions scientifiques de la transitologie classique.

En effet, Bruno Drweski démystifie l’ambition de fixer un point d’arrivée théorique aux « transitions » dans l’alignement sur le modèle de la « bonne gouvernance » capitaliste néolibérale. Pointant la nécessité d’analyser les fondements sociaux aussi bien que le caractère des mutations diverses observables à l’échelle mondiale, il utilise le cas d’école qu’est celui de la Pologne pour dénoncer un processus « d’occidentalisation » dans la course vers la démocratie de marché modèle. Il analyse en particulier comment la continuité des élites a pu marcher de pair avec un retournement géopolitique complet en servant de garant de la sécurité des changements systémiques, dans le contexte de l’intégration à l’économie-monde, ce qui n’a pas été sans provoquer une crise sociale menaçant la légitimité de l’opération ni jeter une ombre sur le verdict de « succès » associé à l’application d’un schème de modernisation capitaliste néolibéral.

Alfredo Joignant, pour sa part, montre comment, derrière la stabilité politique remarquable du régime instauré au Chili après la défaite de Pinochet en 1990, il y a une « transition introuvable », objet de débats contradictoires et de stratégies de changement indéfiniment reformulées tant par des savants que par des politiques, sans que la démarcation entre le monde de la science et celui de l’engagement politique puisse être effectuée avec netteté. À travers l’histoire politique et intellectuelle d’une transition à la démocratie dont la finalité comme les contours temporels deviennent un enjeu de la démarche même qui prétend les fixer en tant qu’objets de recherche, Joignant dévoile comment la frontière est devenue poreuse entre problématiques politiques et théorisations scientifiques. Le chassé-croisé entre savoir et pouvoir peut devenir incestueux et place le scientifique devant le défi de développer des instruments d’analyse plus rigoureux et plus raffinés que ceux qu’offre une sociologie « naïve » ou l’expertise parfois douteuse de transitologues qui s’arrogent la « fonction de conseiller du prince ».

À son tour, Carlos Huneeus questionne l’intervalle temporel de la transition chilienne en retraçant les origines de la division du corps politique de la nation dans le conflit qui a opposé la droite et la gauche autour des modalités de transformation du monde agricole dans les années 1940 et dans le maintien, dix ans durant, de « la loi maudite » de 1948 qui interdisait le Parti communiste et tenait en échec les revendications à la syndicalisation et à l’expression politique de la paysannerie chilienne. Le mécanisme de polarisation de la société entre des zones ouvertes à la modernisation et des enclaves fermées au changement, de même qu’entre des partis représentant des classes ennemies, s’est donc mis en place bien avant l’arrivée au pouvoir de l’Unité populaire et explique l’apparition inusitée d’une importante cohorte de civils aux côtés des militaires après le coup d’État. La tentative de fonder « une démocratie protégée et autoritaire » trouve des antécédents dans la politique anticommuniste adoptée sous la présidence de Gonzalez Videla et elle persiste dans la volonté d’« enclaver » l’expression du pluralisme des forces politiques, en maintenant le verrou du système binominal par exemple, dans le Chili post-Pinochet.

Par ailleurs, notre propre article explore la résonance sur la transition chilienne de l’effondrement des régimes de type soviétique à l’Est. La commotion provoquée au sein de la gauche chilienne illustre la nécessité de dépasser l’horizon régional pour situer les transitions dans le contexte d’interactions créées par la conjoncture internationale. L’effet politique du séisme qui a secoué l’empire soviétique a engendré des déplacements importants dans la position et les rapports entre des joueurs politiques qui ont modifié en conséquence leurs objectifs et même leurs valeurs, au risque d’accentuer le caractère évanescent de l’objet « transition » sous étude. La chute du mur de Berlin est ainsi venue consommer la fracture de l’alliance historique entre le Parti socialiste et le Parti communiste chiliens, se réclamant l’un comme l’autre du marxisme-léninisme. Elle aura facilité l’abandon de l’alignement classe contre classe au profit d’une nouvelle alliance stratégique entre une gauche social-démocrate « rénovée » et une Démocratie chrétienne revenue dans le camp de l’opposition à la dictature.

Pierre Ostiguy étudie de façon détaillée la recomposition du système des partis depuis l’arrivée au pouvoir de la Concertation et la « danse entre les acteurs » qu’ont imposées l’adaptation aux mécanismes institutionnels mise en place sous la dictature de même que l’évolution des rapports de force entre les anciennes comme les nouvelles formations politiques. Il attribue la stabilité politique du régime de la transition au déplacement du centre de gravité entre les blocs de partis sur l’axe gauche-droite, toujours prédominant, vers le centre du spectre, et, surtout, au passage d’un jeu à trois entre des blocs fortement idéologisés de gauche, de centre et de droite à un jeu à deux, polarisé donc, mais dédramatisé par l’apparition de partis plus pragmatiques, à droite comme à gauche. Sur le plan théorique, Pierre Ostiguy contribue à établir l’importance de retenir la transformation des partis et du système qui les régit, de même que leurs modalités d’ancrage dans l’électorat, comme objet central d’une étude des « transitions démocratiques » susceptible d’enrichir les connaissances en politique comparée contemporaine.

Enfin, les articles de Bérangère Marques-Pereira et de Mariola Misiorowska montrent pourquoi il est impossible de déclarer achevées des « transitions démocratiques » dont les limites deviennent manifestes dès lors que leur qualité est jaugée à l’aune de l’intégration sociale et politique des femmes dans l’arène publique.

Bérangère Marques-Pereira avance les quatre critères que sont la liberté, l’égalité, l’obligation de rendre des comptes et la pratique de la délibération pour évaluer la capacité du système politique de la transition d’autoriser l’accès des femmes à l’individuation nécessaire pour exercer pleinement leur citoyenneté. Elle décortique le contexte institutionnel d’un passage à la démocratie effectué sous tutelle, celle des « enclaves autoritaires » héritées de la dictature, pour établir comment des facteurs culturels, dont le conservatisme de l’Église et les représentations sociales paternalistes et maternalistes, et des initiatives politiques, dont l’action du mouvement des femmes et la mise sur pied du SERNAM (Servicio nacional de la mujer / Bureau national de la femme), orientent la dynamique de l’intégration et de l’autonomie à l’oeuvre dans les relations complexes entre la société civile, le système politique et l’État. Dès lors, la féminisation réelle des élites ne permet pas pour autant d’atteindre une représentation équilibrée entre hommes et femmes, faute de lever des blocages institutionnels et sociaux majeurs.

Mariola Misiorowska analyse les limites temporelles de la transition polonaise. Elle examine de quelle manière le poids du passé, aussi bien pendant la période où elles étaient mobilisées pour la sauvegarde de l’identité nationale que sous un régime socialiste qui leur commandait d’intégrer les rangs de la main-d’oeuvre active, mais sans questionner le cadre traditionnel des rapports familiaux, entrave la capacité des citoyennes polonaises de lever les obstacles symboliques et institutionnels à leur intégration dans la sphère publique. Le maintien de la division sexuée des tâches dans la famille et le surinvestissement des femmes dans les responsabilités domestiques qui s’ensuit diminuent leurs moyens d’intervention, surtout dans le contexte de l’accentuation du chômage et des difficultés économiques, et tendent à marginaliser l’action des groupes de femmes qui s’efforcent de contrer l’absence de volonté des pouvoirs politiques de réaliser l’égalité entre les femmes et les hommes. L’activisme des associations de femmes polonaises intervient donc dans un cadre marqué par la tension entre les valeurs nationales et religieuses associées à l’identité polonaise traditionnelle et le combat pour l’émancipation et l’amélioration du statut des femmes, un combat amorcé à l’époque de la lutte pour l’indépendance de la Pologne, mais qui, dans sa version contemporaine, est souvent discrédité, soit par suite des stéréotypes associés au caractère « étranger » du féminisme « socialiste » ou, tout aussi bien, du « féminisme occidental ». Reste que l’auteure observe l’éclosion fragile d’un mouvement indépendant des femmes dont le dynamisme s’exprime par la croissance du nombre et l’extension du registre des activités de groupes pour qui la transition commence avec l’entrée de la Pologne dans l’espace public de l’Union européenne.

Les articles rassemblés dans ce numéro ont en commun la rigueur du traitement analytique qu’ils appliquent à des transformations inachevées. Cependant, la construction de l’objet « transition » et la périodisation retenue d’un auteur à l’autre varient selon le point de vue adopté pour évaluer telle ou telle initiative de démocratisation. La flexibilité méthodologique et l’attention à la mouvance des problématiques en cause succèdent ainsi à l’illusion téléologique de pouvoir subsumer un ensemble complexe de phénomènes politiques sous une commune adhésion à un modèle standard prédéterminé. La critique reprend ses droits et avec elle s’affirme l’intérêt d’interprétations plurielles, celles de politologues qui savent que leurs théories comme les sociétés qu’ils ou elles tentent de cerner s’inscrivent dans un climat d’incertitude face à l’avenir que leurs hypothèses mêmes contribuent à modifier en interférant dans le champ des représentations du monde imaginées ou reprises par les acteurs de transitions dont les visions se croisent et provoquent des mues inattendues dans le contexte d’un jeu politique globalisé.