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L’instauration de la démocratie libérale et du marché libre devait mener les pays d’Europe centrale vers un niveau de vie semblable à celui des pays occidentaux, selon les « experts » de la transition. Cependant, les réformes politiques et économiques qu’impliquait cette transformation ont eu de profondes répercussions sociales, y compris la paupérisation d’une strate de la société qualifiée de « perdants de la transition ». En Pologne, les femmes en font partie de multiples façons. Pour elles, la redéfinition des rapports sociaux supposait un repositionnement dans la sphère privée selon les règles définies par la libre concurrence et par la position patriarcale de la nouvelle droite[1]. Si le développement du capitalisme nécessitait le travail gratuit des femmes à l’intérieur de la sphère privée, surtout en situation de démantèlement de la majorité des services sociaux, la position de l’Église catholique a justifié moralement l’évacuation des femmes de la sphère publique. L’ingérence de l’Église, forte de sa participation à l’opposition anticommuniste et s’appuyant sur la figure du pape, a donc contribué à construire le discours patriarcal exploité dans le programme de la nouvelle droite, issue de Solidarność. En vérité, l’espoir de voir l’égalité des sexes garantie par la jeune démocratie s’est évanoui avant même l’établissement du premier gouvernement postcommuniste. La table ronde[2] annonçait déjà le caractère de la future démocratie, une « démocratie au masculin »[3]. La société polonaise postcommuniste se reconstruisait ainsi dans un contexte lourd des lois non inscrites, dans les traditions, les normes et les stéréotypes hérités du passé.

Dans ce cadre, le féminisme, associé au socialisme et donc taxé d’« étranger » à la culture et aux traditions polonaises, s’est vu automatiquement compromis au même degré que chaque personne qui se considérait comme féministe. La défense des droits des femmes ne pouvait s’appuyer que sur une nouvelle légitimité en rupture avec l’idéal socialiste de nivellement égalitaire. Ses fondements sont à reconstruire autour de l’idée d’égalité des chances de tous les individus, partie intégrante du discours libéral. Ainsi, le nouveau mouvement des femmes en Pologne se rapproche du féminisme occidental après l’ouverture du pays vers l’Occident en 1989, d’autant plus que des contacts officieux s’étaient amorcés déjà au cours des années 1980. Paradoxalement, les échanges internationaux ont aussi ouvert la voie à l’importation des courants conservateurs, basés sur le fondamentalisme religieux, en rapport avec le contre-coup des années 1980[4]. De toute manière, le nouveau mouvement des femmes en Pologne postcommuniste doit encore une fois participer à la redéfinition de la femme en dehors de la cellule familiale dans laquelle elle a été enfermée par l’histoire et les traditions nationales. Bien que l’éclosion fragile d’un mouvement indépendant de femmes n’ait pu empêcher le recul des droits des femmes durant les premières années de transition, elle a fait renaître l’activisme féministe rompu par la Deuxième Guerre mondiale et les quatre décennies communistes.

Dans cet article, nous nous appuyons sur nos recherches, menées en Pologne de février à avril 2004, ainsi qu’en juin 2003. Pendant ces périodes, nous avons réalisé plusieurs entrevues directes semi-dirigées avec les leaders du mouvement des femmes et des directrices des organisations de femmes[5]. Les sujets discutés lors des entrevues concernaient principalement les difficultés auxquelles se heurtent les femmes polonaises au sein de la sphère publique et privée depuis la chute du mur de Berlin. Également, nous avons participé à des colloques, à des réunions et à des événements portant sur l’évolution du mouvement féministe en Pologne postcommuniste au cours des quinze dernières années. Parallèlement, de nombreux travaux de chercheuses et de chercheurs, effectués depuis les années 1980, ont nourri nos observations personnelles de la vie des femmes polonaises depuis cette période.

La période précommuniste

La famille a une dimension toute particulière dans le pays, marqué par des décennies de lutte pour son indépendance. Les années de partage de la Pologne, de 1793 à 1918, marquées par les insurrections contre les occupants et la répression menée par ceux-ci, ont formé une société repliée dans la sphère privée. C’est au sein de la famille que la culture polonaise a été sauvegardée et que se déployait la vie politique d’une nation sans État. Le mythe de la Matka-Polka (Mère-polonaise) a été mis en scène par le grand écrivain polonais, Adam Mickiewicz, à cette période de la perte de l’indépendance de la Pologne. La Mère-polonaise est invitée à ce moment à prendre une place active au sein de la nation afin de protéger l’identité polonaise et de contribuer à la renaissance de l’État polonais le moment venu. Au cours des siècles, ce modèle culturel a évolué vers une formule demandant aux femmes de consacrer leur carrière et leurs ambitions aux besoins de leur famille ou du bien supérieur, tel celui de l’État.

La perte d’indépendance de la Pologne à la fin du xviiie siècle a projeté les femmes dans la sphère publique ou, plutôt, la sphère publique s’est déplacée dans la vie anciennement privée, mais qui, dès lors, est seule en mesure de sauvegarder la culture et la mémoire collectives. C’est à l’intérieur de la sphère privée que s’est réorganisée la vie politique de la nation sans État. La transgression des barrières entre les deux sphères a ouvert le champ à la participation des femmes aux affaires publiques. La mobilisation des femmes s’est cristallisée donc en premier lieu autour de cette obligation civique de remplir leur devoir envers la nation et même de se sacrifier pour elle (cf. le mythe de « la Mère-polonaise »).

Les femmes polonaises ne devaient pas se battre pour obtenir leur citoyenneté comme cela a été le cas des femmes en Europe occidentale et aux États-Unis. Elles l’ont reçue de l’extérieur en tant qu’un défi, un devoir moral au moment de la perte de l’indépendance de la Pologne, puis de ses partages. Quand, au début du xxe siècle, le pays entamait sa résurrection, la citoyenneté des femmes est devenue de nouveau problématique[6].

La raison d’État ou les intérêts nationaux priment sur les intérêts spécifiques de groupes sociaux, dont les groupes de femmes, repoussés régulièrement au deuxième plan[7]. Le militantisme des femmes durant la période de partages de la Pologne peut être différencié sur la base de son caractère national ou féministe. Il s’agit de la lutte patriotique pour l’indépendance du pays, d’une part, et du combat pour l’émancipation et l’amélioration du statut des femmes, d’autre part. Dans le premier cas, l’activisme des femmes est caractérisé par leur participation au côté des hommes dans la lutte pour l’indépendance[8]. Dans le second cas, il s’agit d’un mouvement féministe apparu au sein de la noblesse rurale polonaise avant de se déplacer dans la sphère de l’intelligentsia urbaine au xxe siècle. Le mouvement d’émancipation des femmes s’est donc précisé seulement à la fin de xixe siècle. Son développement était étroitement lié à la crise de la propriété terrienne à la suite des réformes agraires, notamment l’abolition du servage vers 1860. En même temps, la défaite de la révolte de 1864 et les persécutions contre la noblesse polonaise qui l’ont suivie ont obligé les femmes nobles à devenir indépendantes : « le processus de déclin social de la noblesse [...] donna lieu à une “révolte des filles” de la classe terrienne, contre le modèle familial patriarcal […][9] ». Il est caractéristique que les actrices de ce premier mouvement d’émancipation soient issues de l’élite intellectuelle, originaire elle-même de la noblesse polonaise.

Les premiers congrès de femmes ont été organisés sur le territoire polonais pour discuter des questions spécifiquement féminines à la fin du xixe siècle, ce qui a donné naissance à la première vague de féminisme. En même temps sont apparues des associations professionnelles de femmes et des organisations visant l’amélioration du statut des femmes, telles que l’Union des femmes et la Société polonaise pour les droits des femmes. Cette dernière organisation s’est engagée dans la lutte pour les droits électoraux des femmes. Or, en Pologne, cette lutte n’a jamais sombré dans des conflits et des actes de violence comme ceux qu’ont subis les femmes occidentales. La conscience des hommes de partager des intérêts politiques communs avec les femmes empêchait une division entre les deux sexes rassemblés dans leur combat pour l’indépendance du pays et pour les droits politiques[10]. En 1917, les militantes ont organisé un congrès centré sur le droit de vote ; ensuite, elles ont émis une pétition à l’adresse du maréchal Pilsudski pour soutenir leur cause[11]. Ainsi, au moment de l’acquisition de l’indépendance de la Pologne en 1918, les femmes ont obtenu les droits de vote et d’éligibilité à égalité avec les hommes.

La participation des femmes polonaises dans la vie politique a commencé donc officiellement à la fin de la Première Guerre mondiale. Les Polonaises ont gagné leurs droits électoraux en même temps que les hommes. Évidemment, ces droits n’assurent pas une participation élevée de femmes dans la vie politique ; leur présence durant la période de l’entre-deux-guerres n’a pas dépassé 2 % à la Chambre basse et 5 % au Sénat. Le petit nombre de femmes au sein des institutions publiques est généralement expliqué par le manque d’intérêt des femmes envers la politique. Elles seraient, semble-t-il, plus intéressées par les actions ad hoc que par la participation dans des structures politiques institutionnalisées et susciteraient moins de confiance que les hommes de la part des électeurs[12]. Or, cette absence des femmes de la sphère publique durant l’entre-deux-guerres est surtout liée à l’étroite définition des femmes en tant que mères et épouses, selon le modèle de la Matka-Polka. Le mythe du matriarcat polonais prend son origine dans cette fonction de protection et de gestion des affaires familiales par des femmes qui occupaient la tête de la famille pendant que leur époux préparait l’insurrection ou fuyait les persécutions. En réalité, les décisions importantes ont toujours été prises par, ou en fonction, des hommes. Les stéréotypes sociaux libéraient les hommes de la majorité des tâches domestiques et en imposaient aux femmes l’entière responsabilité, même si elles travaillaient à l’extérieur du foyer.

Avec le rétablissement de l’État polonais s’ouvrait un espace pour l’expression des intérêts particuliers des femmes qui ont été défendus par environ 80 organisations, actives durant la période de l’entre-deux-guerres. Ces organisations de femmes différaient selon leur domaine d’activités, leurs orientations politiques, leur caractère religieux ou laïc, leur implication dans des milieux urbains ou ruraux, leurs origines et leurs programmes sociaux. Bien évidemment, les organisations catholiques affichaient une adhésion très importante ; par exemple 180 000 femmes ont été membres de l’Association des filles catholiques. Également, les organisations de femmes paysannes jouissaient d’une grande popularité en raison d’une prédominance rurale en Pologne à cette époque. Les noms des militantes de cette première vague du féminisme polonais n’apparaissent que sporadiquement dans les livres d’histoire, à part quelques « femmes célèbres[13] » dont la contribution historique, scientifique ou littéraire a été reconnue. Ainsi, Narcyza Zmichowska, Paulina Kuczalska[14] et les autres activistes de cette époque, « précurseures » du féminisme polonais, sont tombées dans l’oubli avant d’être redécouvertes récemment dans les écrits des féministes contemporaines.

La période communiste (1945-1989)

Comme lors de la période précédente, en Pologne, d’après la Deuxième Guerre mondiale, la sphère privée, gouvernée et protégée par les femmes, constitue un abri face à l’ingérence de l’État autoritaire. C’est à l’intérieur de la cellule familiale que l’individu trouve refuge devant les contraintes imposées par la politique officielle ou face aux crises économiques endémiques durant la période du socialisme réel. C’est là également où s’est organisée la dissidence durant la période de la loi martiale[15]. La politique « féministe » officielle inscrite dans l’idéologie communiste assurait la participation des femmes à égalité avec les hommes sur le marché du travail. Toutefois, cette participation féminine dans l’économie dirigée s’est cristallisée dans les années 1970 en fonction de la politique de valorisation du modèle traditionnel de la famille, dans lequel la femme est en charge de la famille et des enfants[16]. En conséquence, certains avantages accordés uniquement aux femmes, tels que les congés de maternité ou des jours supplémentaires de congé payé en cas de maladie des enfants, contribuaient à figer les femmes dans le rôle de mère et d’épouse. Les femmes durant cette période pouvaient donc participer à l’économie à égalité avec les hommes, mais accédaient rarement à des postes de haute direction au sein des entreprises nationales. La féminisation des services leur a laissé la possibilité de s’imposer dans ce secteur à bas salaires où, toutefois, la majorité des postes de direction restaient occupés par les hommes, l’écart salarial entre les femmes et les hommes en Pologne socialiste montant en général à près de 35 %, un des taux le plus élevés en Europe de l’Est :

[…] cette pénétration [des femmes sur le marché du travail] se fit en quelque sorte « par défaut », dans les secteurs que les hommes tendaient à déserter, et elle s’accompagna du maintien, si ce n’est de l’accentuation, des différences salariales et de la ségrégation de l’emploi existantes – quelle que fût par ailleurs l’élévation rapide du niveau de formation des femmes dans tous les domaines[17].

Comme l’a fort bien démontré Jacqueline Heinen, les quatre décennies socialistes ont contribué à cristalliser la division sexuée des tâches domestiques[18]. L’inclusion des femmes sur le marché du travail, réalisée sans aucune contestation du modèle traditionnel de la famille, a amené une égalité illusoire entre les femmes et les hommes. Les services sociaux fournis par l’État-providence, non seulement insuffisants mais également de médiocre qualité, ont obligé les femmes à créer des réseaux informels de services échangeables[19]. En conséquence, les femmes assuraient la totalité des charges domestiques en plus de détenir un emploi salarié et de gérer l’approvisionnement de la maison en biens de consommation courants, ce qui, en période de pénurie, les lançaient dans une véritable chasse au « trésor[20] ».

Les quotas, propres au système socialiste, garantissaient la présence féminine dans la vie politique à un niveau déterminé, mais pas l’accès au pouvoir réel, monopolisé par les hommes, comme le démontre dans ses recherches Renata Siemienska. Malgré des quotas établis à 20 % durant cette période, le nombre de femmes au Parlement n’a jamais dépassé 25 % durant toute l’histoire de la Pologne populaire. En outre, les statistiques des années 1945-1989 démontrent que les femmes présentes au Parlement étaient plus jeunes et moins bien éduquées que les hommes[21]. On peut en déduire que leur fonction au Parlement a été plutôt fictive que réelle. Elles étaient d’ailleurs entièrement absentes de la direction du PZPR (Parti ouvrier unifié de la Pologne), seul organe responsable des décisions politiques de la plus haute importance, et occupaient rarement des fonctions de haute responsabilité dans les instances gouvernementales[22]. De manière générale, les femmes ont eu tendance à occuper plus de sièges au Parlement au moment où son pouvoir était plus faible et à y être quasi absentes quand il regagnait son pouvoir législatif, comme cela a eu lieu en 1956[23]. En résumé, la position subordonnée des femmes dans la vie publique durant la période socialiste résultait de l’idéologie communiste faussement émancipatrice, telle qu’elle était affichée dans les documents officiels du parti-État, sans qu’une égalité effective des femmes et des hommes ait jamais été acquise au sein de la sphère privée.

L’absence d’un mouvement des femmes, indépendant de l’idéologie officielle, neutralisait les contestations des inégalités entre les sexes[24]. En effet, le féminisme fait dorénavant partie de la politique officielle selon laquelle l’émancipation des femmes passe par leur inclusion dans la production nationale et dans les structures politiques. En réalité, le discours féministe aidait le parti-État à s’approprier le contrôle sur la fertilité et sur la productivité des femmes. Selon ce discours officiel, l’oppression des femmes, telle qu’elle se présentait en Occident, n’existait plus dans une société socialiste, donc, l’existence d’organisations de défense des intérêts des femmes n’avait plus de raison d’être[25]. Le monopole officiel de l’idéologie féministe anéantissait les revendications divergentes et permettait le maintien du mythe de l’égalité des sexes, sans que les femmes aient eu droit de se prononcer à ce sujet. Cette prétendue égalité des femmes et des hommes dans la sphère publique se traduisait en réalité par une égale dépossession des droits civiques[26]. Elle ne saurait apporter une égalité de facto sans la modification des rapports patriarcaux dominants à l’intérieur de la sphère privée. Or, ceux-ci ont été maintenus par l’endoctrinement religieux, enraciné dans les traditions nationales, mais aussi par certains « privilèges[27] » accordés aux femmes par le gouvernement socialiste. Malgré cette flagrante discrimination des femmes par le système socialiste, on n’assiste pas à une définition d’intérêts spécifiques des hommes et des femmes. La division entre les sexes aurait plutôt été nivelée par le sentiment de solidarité développé par les femmes et les hommes face à l’oppression égale des deux sexes par l’État autoritaire.

La Ligue des femmes[28], fondée en 1945 par des militantes de gauche ensuite devenues membres de son premier comité, a été l’unique organisation de femmes active durant toute la période socialiste[29]. Bien qu’elle ait regroupé plus de deux millions de membres dans les années 1950 et quatre millions dans les années 1960, elle n’était qu’une imitation du Conseil soviétique des femmes, subordonné au parti-État[30]. La Ligue a eu un impact négatif important sur la conscience politique et civique des femmes polonaises. Étant donné que les femmes ont été privées de la possibilité de véhiculer leurs intérêts au sein de cette organisation (l’existence d’une autre organisation de femmes était exclue), elles ont développé une attitude passive envers les questions politiques, en se retirant dans la sphère privée. En outre, les féministes, en raison de leur affiliation à la Ligue, se sont vues associées aux activistes du parti communiste, ce qui a discrédité le féminisme aux yeux de la population[31]. Finalement, la Ligue des femmes a figé l’image des femmes dans celle d’une masse homogène, passive et incapable de s’organiser pour défendre ses intérêts. L’homogénéisation des femmes durant cette période correspond donc à l’aplatissement des intérêts des femmes sous le rouleau compresseur de l’idéologie socialiste, selon laquelle la disparition de la propriété privée et de la division des classes équivaudrait à la suppression des sources majeures de la discrimination des femmes. Cette vision réductrice a fait obstacle au développement d’une conscience des femmes d’appartenir à un groupe exposé à la discrimination du fait de ses caractéristiques biologiques et de partager les mêmes intérêts selon ses caractéristiques sociales.

La transition

Si les réformes économiques et politiques amorcées en 1990 ont affecté à différents degrés toute la population polonaise, les changements culturels, ou plutôt un retour aux valeurs traditionnelles, désavantagent tout particulièrement les femmes[32]. Le premier gouvernement élu, majoritairement issu du mouvement Solidarność, qui représentait la nouvelle droite polonaise, a adopté une position paternaliste envers les femmes. Évoquant les traditions catholiques, en réalité le patriarcat et la ségrégation sexiste, il a tenté de modifier la perception des rôles masculins et féminins après que le modèle égalitaire communiste ait été définitivement compromis. Cette position s’est vue renforcée par l’Église catholique et par le pape, dont l’autorité auprès des Polonais croyants[33] était indéniable. Les liens entre le gouvernement de Walesa et le Vatican, entièrement opposé au contrôle des naissances autrement que par des « moyens naturels », ont provoqué la remise en question de la loi polonaise autorisant les avortements[34]. Bien qu’un débat ait enflammé l’opinion publique, dont a émergé un mouvement d’opposition au changement de la loi de 1956, en 1993, une nouvelle loi, très restrictive, a été introduite sans que les femmes puissent se prononcer sur cette question au moyen d’un référendum.

Le mythe de la Matka-Polka, glorifié par les forces conservatrices, ainsi qu’un modèle de femme au foyer diffusé largement par des téléséries américaines, comme Dallas et Dynastie[35], complétaient l’image traditionnelle de mère et d’épouse[36]. Ainsi, le courant conservateur revigoré assignait aux femmes une position de responsabilité au sein de la famille, dont le bonheur dépend d’elles seules selon l’enseignement de l’Église catholique, et aux hommes, une position de pourvoyeurs dont la carrière professionnelle ou politique sert avant tout les intérêts de leur famille. Il est intéressant de voir quelle résonance peut avoir le postulat féministe « le personnel est politique » dans le contexte polonais. En Pologne, la nécessité de constituer une cellule familiale qui serve d’abri devant « le politique », étranger et contraignant, contribuait à maintenir le modèle conservateur, traditionnel, de la famille[37]. En effet, cette zone de sécurité s’avérait indispensable, non seulement durant les périodes de perte ou de limitation de l’indépendance de la Pologne, mais aussi durant la transition, marquée par des crises économiques et politiques et par des bouleversements sociaux. Plus que jamais, on avait besoin de s’abriter dans un environnement sûr et amical et, plus que jamais, on avait besoin des femmes pour créer et protéger cet environnement. Avec pour résultat que l’intimité de la sphère privée prenait là une dimension toute particulière. À ce moment, les importations culturelles américaines, produites par le néoconservatisme des années Reagan, trouvaient une terre fertile dans la société polonaise. « Un message réactionnaire […], bien qu’issu d’un contexte culturel complètement différent, semblait réellement doté de sens. Il fournissait une recette pour le bonheur consistant à rejeter le politique au profit du personnel […][38]. » Les prémisses de ce courant néoconservateur s’articulent autour des aspirations de femmes polonaises pour qui la vie familiale réussie prime souvent sur une position sociale élevée ou une carrière professionnelle garante d’indépendance financière. L’obligation d’adhérer au modèle traditionnel de la famille, promu constamment par l’Église, a pour corollaire une mystification des problèmes sociaux propres aux familles polonaises. Le caractère indissoluble du mariage catholique et le message papal du devoir de chacun à « porter sa croix » laissent supposer que les épouses doivent tolérer les mauvais traitements ou les vices de leurs conjoints pour préserver le lien du mariage. Compte tenu de ses implications religieuses, historiques et culturelles pour la protection de la sphère privée, la question de la violence envers les femmes a été exclue du débat public jusqu’au milieu des années 1990.

Paradoxalement, les valeurs chrétiennes avancées par l’Église et par les forces conservatrices comme une base de l’éthique postcommuniste ne désamorcent pas cette indifférence morale de la société polonaise. Il faudrait en chercher la cause dans la superficialité de la foi religieuse qui serait « plus axée sur les rites que sur l’expérience spirituelle ou les implications morales[39] » et dans l’étanchéité de la sphère privée. La question de la violence n’a fait surface dans le débat public polonais que dans les années 1990, notamment grâce au travail des organisations de femmes et des institutions internationales. Les rapports préparés par ces acteurs non gouvernementaux ont révélé l’ampleur de la violence infligée aux femmes au sein des familles polonaises, mais aussi l’inaptitude des structures judiciaires, policières, sociales et médicales à gérer efficacement ces cas[40]. Bien que 18 % des femmes polonaises avouent avoir été victimes de violence de la part de leur partenaire, les féministes polonaises maintiennent que le nombre exact est plus élevé. Elles estiment que les femmes ont tendance à cacher le fait d’être maltraitées ou encore que certains comportements pathologiques sont occultés ou minimisés. En effet, dans les enquêtes menées dans les années 1990, 41 % des femmes divorcées avouaient avoir été battues fréquemment par leur mari. Dans des études de 2002, 43 % des Polonaises ont déclaré connaître au moins une femme victime de violence conjugale, et 17 % ont avoué en connaître quelques-unes[41]. Le phénomène de la violence envers les femmes (et les enfants) renvoie à des traditions paysannes, permissives de ce genre de comportement, qui se traduisent par un haut niveau d’acceptation sociale envers eux. Le folklore paysan a en effet joué un rôle important dans la construction des valeurs morales de la société polonaise. Si l’on considère qu’en 1931 encore 72,6 % de la population polonaise vivait à la campagne, on comprend l’impact de ces traditions sur les rapports dans les familles polonaises[42]. La Pologne, urbanisée rapidement seulement après la Deuxième Guerre mondiale quand la majeure partie de la population rurale migrait vers les villes à la recherche d’emploi, affichait un fort attachement au folklore paysan au sein de sa communauté urbaine.

Une forme de violence envers les femmes, ou du moins de limitation de la liberté de décider de l’usage de leur propre corps et de leur fertilité, propre à la Pologne postcommuniste, est l’interdiction de l’avortement définie dans la loi de 1993. Cette loi interdit l’interruption volontaire de grossesse, sauf si elle constitue une menace grave pour la vie de la mère, si le foetus est endommagé ou si la grossesse résulte d’un crime. La conséquence immédiate de cette loi est la quasi-éradication des avortements pratiqués jadis dans des hôpitaux publics (151 cas sont enregistrés en 1999) et le développement des réseaux parallèles (les cliniques clandestines, le tourisme d’avortement, les autres moyens interdits par la loi et souvent dangereux pour la vie ou la santé de la femme) qui comptabilisent de 80 000 à 200 000 avortements par an selon des sources non gouvernementales[43]. L’interdiction de l’avortement a des répercussions négatives générales sur la qualité des soins spécifiques à la grossesse et à la maternité, notamment la limitation de l’accès aux examens prénataux. Plus grave encore, cette loi contient des chapitres discriminant ouvertement les femmes, qui sont pénalisées dans le cas d’une interruption de grossesse interdite par la loi et doivent se procurer des moyens de contraception souvent non remboursés par la sécurité sociale. Elles subissent également de plein fouet les conséquences de l’absence de programmes d’éducation sexuelle et de planning familial. Dans un pays où seulement un peu plus de 6 % de femmes ont recours à la pilule contraceptive[44] et où les stérilisations sont interdites, la loi anti-avortement, sous sa forme actuelle, et en dépit de l’avis favorable affiché par l’opinion publique à l’égard de la libéralisation de l’avortement[45] contribue à détériorer la condition féminine.

Le manque de volonté des pouvoirs politiques de s’attaquer à des questions étiquetées comme « privées », couplé à des stéréotypes et aux tabous nationaux, crée une zone interdite au sein de la société polonaise. Ainsi, le phénomène du trafic humain à des fins de prostitution, répandu en Pologne après l’ouverture des frontières nationales, est identifié et rendu public grâce au travail des organisations non gouvernementales (ONG) et de l’appui des institutions étrangères ou internationales[46]. Le trafic de femmes fait l’objet de la lutte des ONG comme Lastrada Polska. La Pologne, en raison de sa position géopolitique, est particulièrement exposée au trafic de femmes en vue de la prostitution, et malgré la ratification par les gouvernements polonais des conventions internationales portant sur cette question, les mesures mises en place pour prévenir et combattre ce crime sont encore insatisfaisantes. De même, les programmes d’aide et d’assistance aux victimes des réseaux, notamment à leur réinsertion dans la société, ne répondent pas aux besoins réels, selon les féministes polonaises.

Par ailleurs, les obstacles rencontrés par les femmes en quête d’une carrière professionnelle ou tout simplement d’un emploi rémunéré sont nombreux. Premièrement, les garderies, jadis nationales, sont maintenant rares et payantes, ce qui oblige à recourir aux services privés, souvent trop coûteux par rapport au salaire moyen. Deuxièmement, les avantages sociaux exigés par le mouvement Solidarność au moment des grèves générales de 1980 (il s’agit notamment des congés d’éducation d’enfant d’une durée de trois ans, accessibles aux femmes qui souhaitent s’occuper de leur enfant après le congé de maternité), accentuent encore la tendance à évacuer les femmes du marché du travail vers la sphère privée. Et surtout, associés au code du travail hérité de l’époque socialiste, ils handicapent gravement les femmes à la recherche d’un emploi après la création du marché libre, au moment des changements systémiques. Bien qu’au début de la transition les femmes quittent volontairement certains emplois faiblement rémunérés, cette tendance est rapidement freinée par les difficultés économiques apparues dès le début des années 1990. Troisièmement, la recherche d’un emploi s’accompagne de difficultés liées à la spécificité d’un marché du travail très compétitif et souvent ouvertement sexiste. Le taux de chômage zéro de la période socialiste augmente progressivement au cours de la période de transition pour atteindre 14 % de la population active en décembre 1992, baisser au milieu des années 1990 et finalement augmenter jusqu’à 20,6 % en janvier 2004[47]. Les femmes constituent plus de la moitié des chômeurs bien qu’elles soient mieux éduquées, plus actives dans la recherche d’emploi et moins exigeantes en ce qui concerne les salaires[48]. Cette tendance se maintient malgré les changements au code du travail, hérité de l’époque précédente, qui défavorisait clairement les femmes à la recherche d’un emploi salarié. Il apparaît que les stéréotypes qui enferment les femmes dans des rôles de mères et d’épouses ont pour conséquence une préférence d’embauche pour les hommes, en situation de pénurie d’emplois. Ce sont donc les femmes qui perdent en premier leur emploi dans le cadre de la restructuration des entreprises d’État, et ce sont elles qui sont les dernières embauchées dans le secteur privé, car jugées trop coûteuses et peu disponibles. Également, les femmes, fréquemment exclues des programmes de requalification et de formation, restent sans emploi plus longtemps que les hommes ; ainsi, en 2002, les femmes constituent 61,7 % des chômeurs de long terme (plus de 12 mois)[49]. Un taux élevé des femmes entrepreneures (45 %), selon les recherches d’une organisation de femmes professionnelles, peut être attribué aux difficultés pour les femmes de trouver un poste de responsabilité, et qui soit bien rémunéré, dans le secteur privé[50]. Une des causes d’exclusion des femmes des opportunités économiques au moment de l’introduction du marché libre est leur exclusion des bénéfices du processus de privatisation. D’une part, embauchées principalement dans le secteur public des services, les femmes se sont trouvées en dehors de ce processus et, d’autre part, elles ne faisaient que rarement partie des réseaux de pouvoir, c’est-à-dire des « cliques » masculines en charge des décisions politiques et économiques, deux domaines soudés sous le régime socialiste[51].

Au sein de la jeune démocratie[52], la diminution du nombre de femmes au Parlement, selon les mécanismes évoqués plus haut, est consolidée par la position paternaliste de Solidarność envers les femmes. Ce paternalisme de Solidarność se manifestait déjà au moment des grèves de 1980, puis pendant les négociations de la Table ronde, en juin 1989[53]. Au moment de ces négociations, la position de Solidarność envers les femmes était explicitement discriminante, « les femmes demeuraient invisibles dans les changements bien que le réseau entier de conspiration “reposât sur leurs épaules”[54] ». En effet, une seule femme, Grazyna Staniszewska, a participé aux débats, tenus de février à avril 1989. Cette même année, la Confédération internationale des syndicats libres, un des principaux appuis étrangers du mouvement Solidarność, employait son influence pour que la question des femmes soit présente dans la politique du syndicat. En conséquence, une section de femmes fut créée au sein de Solidarność en septembre 1989. Cependant, à la suite d’un conflit avec les dirigeants de Solidarność autour du projet de loi anti-avortement initié par eux en 1990, la chef de la section des femmes, Malgorzata Tarasiewicz, ouvertement hostile à ce projet, a été forcée de démissionner. L’année suivante, en raison de l’intimidation des autres membres du réseau, la section cessait son activité, mettant fin à cette brève expérience féministe au sein de Solidarność[55].

En 1991, le résultat des premières élections libres annonce la concentration du pouvoir aux mains de la droite : les femmes perdent leur place dans la vie politique alors que le modèle traditionnel de la famille est promu par les forces conservatrices. La présence des femmes dans le premier Parlement de la iiie République de Pologne s’établit à 10 %. Une baisse similaire de la participation des femmes dans la vie politique est également observable dans les autres pays postcommunistes. Les difficultés rencontrées par les femmes polonaises sur le chemin de l’activité politique ne s’attachent pas seulement aux éléments historico-culturels mentionnés ci-dessus, mais sont également reliées aux règles électorales en vigueur et à la manière dont les partis politiques les emploient[56]. Par exemple, la manière de construire les listes électorales et de placer les candidates sur ces listes est déterminante pour le nombre de femmes élues. Or, le nombre des hommes et des femmes sur les listes de candidats n’est jamais égal ; en outre, les femmes occupent fréquemment les positions placées en bas de liste. Ainsi, aux élections de 1997, les femmes constituent seulement 16 % des candidats pour la Chambre basse et 11 % pour le Sénat. On remarque que les femmes sont placées fréquemment en bas de liste des partis qui excluent la problématique féminine de leurs programmes (Akcja Wyborcza Solidarność – AWS, Polskie Stronnictwo Ludowe – PSL), mais qu’elles peuvent occuper des positions plus avantageuses sur les listes de partis qui souhaitent se démarquer par leur politique profemmes (Stronnictwo Ludowo-Demokratyczne – SLD, Unia Pracy – UP). Ces deux derniers partis évoquent les conventions de l’Organisation des Nations Unies et les droits des femmes dans leurs programmes et introduisent avec Unia Wolnosci (UW) un quota de 30 % de candidates sur leurs listes électorales au moment des dernières élections en 2001. Résultat : après les dernières élections parlementaires, le nombre de femmes députées est le plus élevé depuis le début de la transition. Il atteint 20,2 % à la Chambre basse et 23 % au Sénat. Cette augmentation ne se traduit cependant pas automatiquement en fonctions de direction pour les femmes au sein des partis politiques. En effet, les femmes occupent très peu de postes au sein du pouvoir exécutif, ce qui réduit leur influence sur les décisions politiques, pendant que leur nombre réduit au Parlement handicape leur capacité de défendre les intérêts des femmes au moment de la formulation du nouveau cadre législatif[57]. L’établissement d’un Bureau permanent de plénipotentiaire pour le statut égal des femmes et des hommes, demandé par les milieux de femmes depuis le début de la transition, aboutit finalement en décembre 2001 après le basculement à gauche au Parlement, à la suite des élections de septembre 2001. Étant donné que l’existence et le mandat de cette instance dépendent entièrement de la volonté du premier ministre en fonction, son impact est limité par les fréquents changements d’orientation politique du gouvernement. Selon le cas, le Bureau de la plénipotentiaire modifie son nom, son statut et son champ de compétences. Au gré du gouvernement, il est le baromètre du conservatisme et parfois du sexisme présent sur la scène politique. Selon les recherches d’Urszula Nowakowska, l’impact du travail du bureau est en outre limité par sa faible position au sein de la structure du gouvernement et par son petit budget[58].

Le nouveau mouvement des femmes, né après la chute du communisme, a dû tout d’abord engager un combat pour réaffirmer le droit des femmes de contrôler leur propre corps. Bien qu’une certaine mobilisation de la société civile ait émergé durant le débat autour de ce nouveau projet de loi anti-avortement, elle n’a pas pris la forme d’un mouvement massif qui aurait pu exercer une pression efficace sur la décision finale du gouvernement. À ce moment est née spontanément, dans le milieu universitaire de Varsovie, Profemina, une des premières organisations de femmes opposées à la limitation des droits reproductifs des femmes. Elle a formé ensuite, avec quatre autres organisations, la Fédération pour les femmes et le planning familial, dirigée par W. Nowicka, ancienne militante de Solidarność. Les femmes ont donc appris à leurs dépens que la démocratie libérale reconnaît les mêmes droits à chaque individu sans pour autant garantir l’égalité réelle pour tous. En effet, la démocratie libérale laisse aux femmes le choix d’entrer dans le jeu politique aux côtés des autres groupes de pression, à condition qu’elles sachent agir avec la force et l’habileté politique nécessaires[59], ce qui n’était pas le cas au début des années 1990. À peine sorties d’un système politique autoritaire dans lequel les droits des femmes étaient l’affaire de l’État, les femmes se heurtaient au contre-coup avant qu’un progrès dans la question des femmes n’ait été amorcé. Leur apprentissage démocratique a donc débuté dans un contexte hostile à la promotion des droits des femmes. Parallèlement, la création des organisations indépendantes de l’État au sein de la société civile devenait possible[60]. En 1991, au sein du Parlement polonais, naît le Groupe parlementaire des femmes fondé par Barbara Labuda, ancienne militante de Solidarność, qui a rejoint un parti de gauche plus favorable aux questions des femmes, afin de promouvoir des initiatives pour l’égalité des sexes et d’améliorer la participation politique des femmes.

Les autres organisations de femmes créées au début de la transition se concentrent sur les problèmes immédiats rencontrés par les femmes au début des années 1990, tels que le chômage, l’exclusion de la vie politique, le démantèlement des services sociaux et, plus généralement, la paupérisation. Le nouveau mouvement des femmes se développe donc initialement en réaction aux difficultés, héritées du passé ou survenues au moment des transformations systémiques, pour évoluer vers un véritable lobby des femmes à la fin des années 1990[61]. Son dynamisme s’exprime par la diversité et le nombre des organisations fondées durant la période de transition, qui passe d’une dizaine avant 1990 à une centaine à la fin de la première décennie des réformes. Cette variété d’organisations, d’initiatives et de groupes informels illustre le grand changement qui s’est exercé durant la transition, à savoir que les femmes qui partagent des idées et des intérêts similaires sont maintenant capables de se réunir pour faire avancer leur cause.

Depuis 2004… en guise de conclusion

L’intégration de la Pologne à l’Union européenne, une nouvelle étape dans le processus de modernisation du pays, aura inévitablement un impact sur l’avancement de la cause des femmes. À court terme, l’adhésion est comprise par le mouvement des femmes polonais comme un vecteur de progrès en raison de sa fonction mobilisatrice pour ajuster la politique d’égalité du gouvernement polonais à la norme de l’acquis social européen. À moyen terme, il est possible d’appréhender un raffermissement des positions conservatrices en Pologne en raison de la montée des sentiments xénophobes chez une partie de la société hostile à l’adhésion à l’Union européenne, notamment en raison de son caractère laïc[62]. À long terme, on peut espérer que l’amélioration du niveau de vie relatif à la croissance économique de la Pologne après l’adhésion stimulera la modernisation de la société et donc la redéfinition du contrat de genre selon le modèle prôné plus à l’Ouest. De nombreuses questions se posent toutefois par rapport à cette nouvelle étape que la Pologne a entamée le 1er mai 2004, liées notamment à la capacité de la redéfinition profonde du contrat de genre dans un pays lourd de son passé.