Recensions

Le Québec au siècle des nationalités. Essai d’histoire comparée, de Marcel Bellavance, Montréal, VLB éditeur, 2004, 248 p.[Notice]

  • Raphaël Canet

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  • Raphaël Canet
    Chaire de recherche du Canada en mondialisation, citoyenneté et démocratie – UQAM

Bien des critiques pourraient voir dans cet ouvrage de Marcel Bellavance un livre de plus sur la lancinante question nationale au Québec. Un livre qui, par ailleurs, dans le contexte actuel de mondialisation, de financiarisation du capitalisme, de perméabilité des frontières, d’affirmation de flux culturels globaux, de crise du politique et de mobilisations transnationales sous la figure collective de la société civile, peut sembler en décalage avec l’évolution récente des sociétés. Ce serait là une critique facile et surtout non pertinente du travail de l’auteur. En effet, en abordant la genèse de la nation et du nationalisme au Québec au cours du long xixe siècle, si bien nommé des nationalités, M. Bellavance opère un retour averti sur les choses du passé afin d’éclairer d’un jour nouveau les agitations du présent. Il aborde de front les questions du « vivre ensemble » et du fondement de la communauté politique qui constituent, à l’époque actuelle, où nous vivons un changement d’échelle des sociétés tout comme au siècle des nationalités, des préoccupations fondamentales. Ainsi, si le Québec a effectivement participé à ce courant universel qui a marqué le siècle des nationalités, durant la phase du nationalisme canadien promu par les Patriotes, l’échec des rébellions de 1837-1838 a marqué un temps d’arrêt dans ce cheminement vers l’affirmation nationale. Là réside, selon l’auteur, la singularité du Québec qui, au moment même où allait s’opérer outre-Atlantique une restructuration de l’espace politique européen sous l’effet de deux puissantes forces historiques – l’aspiration nationalitaire des peuples et le démantèlement des empires multinationaux –, allait choisir, guidé par sa nouvelle intelligentsia issue de la coalition cléricale conservatrice, la voie du repli identitaire et de la survivance minoritaire au sein d’un ensemble fédéré demeuré fidèle à l’empire colonial. L’ouvrage est composé de cinq chapitres qui permettent à l’auteur de développer son argumentation selon trois grands mouvements, qu’il décrit de la manière suivante : tout d’abord, une perspective conjoncturelle sur le fait libéral et national qui donne toute sa force et son originalité au xixe siècle et auquel participe pleinement le Québec (chap. I) ; ensuite, une analyse théorique des concepts de nation et de nationalisme issus de l’expérience européenne qui lui permet de forger ses propres outils conceptuels (chap. II et III) ; finalement, une approche comparative qui consiste à réinterpréter les événements marquants de l’histoire nationale du Québec au cours du long xixe siècle (les rébellions patriotes, l’adoption de la Confédération et la crise de la conscription lors de la Première Guerre mondiale) à la lumière des avancées théoriques précédemment énoncées, tout en réglant au passage, par une sorte de double herméneutique, quelques comptes avec les tenants d’interprétations divergentes dans le champ de l’historiographie (chap. IV et V). L’auteur s’applique à replacer l’évolution du peuple québécois dans le courant général de l’histoire du xixe siècle. Dans cette perspective conjoncturelle, il s’adonne à une entreprise de réhabilitation de l’expérience historique canadienne, en démontrant la parfaite adéquation entre la pensée politique des patriotes et le mouvement des nationalités en vogue en Europe et qui reposait sur le double processus de libéralisation et de nationalisation des sociétés. Pour ce faire, l’auteur se penche principalement sur les deux phases du courant libéral et national dont le xixe siècle européen fut le théâtre : l’éveil des nationalités (1789-1848) et le printemps des peuples (1848-1919). Il démontre, tout d’abord, comment le libéralisme politique, en déconstruisant le pouvoir autoritaire de l’État-monarque et en revendiquant les six libertés (religieuse, d’association, de presse, d’enseignement, locale et de suffrage), en est venu à ériger la nation en nouvelle source de légitimité et à …