Recensions

Political Science and Federalism. Seven Decades of Scholarly Engagement, de Richard Simeon, 2000, Kenneth MacGregor Lecturer, Institute of Intergovernmental Relations School of Policy Studies, Kingston, Queen’s University, 2002, 75 p.[Notice]

  • Jean-François Caron

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  • Jean-François Caron
    Université Laval

Richard Simeon constate que la plupart des travaux sur le fédéralisme canadien ont été marqués par une trop grande implication des chercheurs sur les questions politiques du moment. Dans ce cadre, ceux-ci se sont souvent trouvés au centre de grandes controverses politiques ou constitutionnelles, comme dans le cas des discussions qui ont entouré les accords du lac Meech et de Charlottetown. C’est dans cette perspective que R. Simeon affirme que « peu d’analystes du fédéralisme se sont contentés de demeurer de simples observateurs » et que « les analyses touchant le fédéralisme furent construites autour des crises qui ont affecté ce système politique » (p. 2). En analysant quatre périodes spécifiques de l’histoire politique canadienne (1930-1960, 1960-1980, 1980-1990 et 1990 à nos jours), R. Simeon entend défendre la thèse selon laquelle il n’existerait que peu de liens entre les idées étudiées à deux périodes successives, ce qui aurait empêché les chercheurs canadiens de proposer des théories générales portant sur le fédéralisme. La grande crise de 1929 a marqué le début de la première vague d’études sur le fédéralisme canadien, dont les thèses s’orientaient vers une centralisation du régime. Considérant les changements radicaux que les gouvernements devaient entreprendre pour rétablir l’économie canadienne, plusieurs chercheurs ont vu dans le fédéralisme un obstacle à la réalisation de politiques visant à développer des services sociaux essentiels au contexte de crise et l’émergence de l’État-providence. Ces critiques ont d’ailleurs été orientées en fonction de différentes approches que R. Simeon juge important de rappeler. Ainsi, Norman Rogers et F.R. Scott ont cru que les interprétations juridiques de la Constitution qui ont favorisé les provinces ont empêché le gouvernement fédéral de mettre en place les mesures nécessaires pour contrer la crise. D’autres, comme Frank Underhill, ont utilisé une approche axée sur l’économie politique et prétendu que le fédéralisme était dominé par de petits groupes qui utilisaient les arrangements fédéraux pour maintenir leurs intérêts particuliers. Ces différentes tendances ont été explorées en profondeur dans le cadre de la Commission Rowell-Sirois, dont deux des cinq membres étaient des politologues. Même si cette commission s’est montrée sensible à l’égard de l’autonomie provinciale, l’auteur mentionne que ses orientations générales tendaient vers la centralisation du fédéralisme (p. 11). La construction de l’État-providence après la Seconde Guerre mondiale n’a fait qu’accentuer cette tendance ; c’est ce qui fait dire à l’auteur que le vaste consensus qui prévalait parmi les chercheurs de cette période était que la modernisation du pays et la centralisation du système allaient de pair. Pour eux, la croissance de l’État-providence nécessitait des initiatives et des standards nationaux, largement conçus et financés par le gouvernement central (p. 13). Selon Simeon, les années 1960-1980 ont marqué une rupture radicale avec la période précédente sur le plan des préoccupations des chercheurs. En effet, alors que la période d’après-guerre avait institué des échanges de plus en plus fréquents entre le gouvernement fédéral et les provinces, ces relations sont devenues un moyen pour les provinces de manifester leurs différences et leurs revendications. Ainsi, alors que la première période n’avait touché que superficiellement aux questions des tensions régionales et territoriales, les années 1960-1980 en ont fait un thème dominant. Comme Richard Simeon le mentionne, les régionalismes et les disparités linguistiques sont devenus des thèmes dominants au cours de cette période (p. 14). Loin de voir cette tendance sous un angle archaïque, comme ce fut le cas pendant la période précédente, certains intellectuels, comme Alan Cairns, ont même écrit qu’il s’agissait d’un trait positif définissant la société canadienne. Le terme province-building a même remplacé la notion plus péjorative de « régionalisme » et l’on a accordé une …