Recensions

L’action politique des mouvements sociaux d’aujourd’hui. Le déclin du politique comme procès de politisation ? de Serge Denis, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2005, 141 p.[Notice]

  • Caroline Désy

…plus d’informations

  • Caroline Désy
    Université du Québec à Montréal

Dislocation des électorats traditionnels des partis de gauche, mise en cause de la légitimité des systèmes partisans et dévalorisation de la participation électorale ne sont que trois phénomènes de l’actualité récente illustrant la thèse du « déclin du politique ». Parallèlement sont mises en scène dans l’imaginaire politique de multiples rencontres de mouvements populaires, des actions et des questionnements récurrents, des manifestations qui traversent les frontières. Ce sont ces deux facettes contemporaines de la vie politique que Serge Denis confronte : pour ce dernier, en effet, le nouveau terrain des mouvements sociaux est balisé par la dimension politique des rapports de société. Dans cet ouvrage qui a pour objet les pratiques politiques des mouvements sociaux actuels et le sens du rapport de ces mouvements à la politique, l’auteur propose une analyse originale de cette articulation mouvements sociaux / politiques. Une certaine rigidité dans l’encadrement théorique empêche l’auteur de tenir compte de quelques données moins objectives dans l’étude des mouvements sociaux, mais qui s’avèrent essentielles dans leurs succès, tels les pratiques culturelles et des éléments de psychologie collective. L’aspect politique n’est qu’une des facettes des mouvements sociaux, ces derniers ayant d’autres fonctions. On convient généralement qu’ils jouent un rôle indispensable sur les plans de l’insertion sociale, de la solidarité et de l’innovation sociale. On comprend pourquoi S. Denis passe si rapidement sur les grands théoriciens des nouveaux mouvements sociaux lorsqu’il réexamine la thèse de la mutation profonde des sociétés occidentales dont les mouvements seraient les symptômes. Rappelons que, sur le plan des mouvements sociaux, ce passage d’un type de société vers un autre se traduirait par deux phénomènes : le passage d’un seul mouvement revendicatif important vers une diversité et une variété de mouvements qui veulent transformer la société ; le déplacement de l’enjeu central des conflits sociaux du travail et de son organisation (dominés par les industriels) vers la consommation et son contrôle (dominés par les technocrates). Alain Touraine appelle cela la société programmée et Alberto Melucci, le capitalisme postindustriel, mais, pour tous les deux, c’est la technocratie qui est la classe dominante. Or, S. Denis n’adhère pas à ces idées et il réaffirme la centralité du travail et du rapport salarial : la base de notre société est le travail salarié (p. 40). Non seulement il y a continuité entre les mouvements d’aujourd’hui et le mouvement ouvrier, mais cela est d’autant plus vrai lorsqu’on établit le néolibéralisme comme ennemi commun : adversaire des nouveaux mouvements sociaux et du mouvement ouvrier, parce qu’en contradiction avec les grandes valeurs de ces mouvements (p. 83). Le déclin du politique ne signifie pas que tous les citoyens se désintéressent de la chose publique (p. 48). En fait, ce cadre du « déclin » deviendrait l’occasion d’un positionnement récent en politique pour les nouveaux mouvements sociaux et soulèverait même l’enjeu d’un passage à la politique. Le mouvement ouvrier des dernières années porte le sentiment d’une impasse politique ; les nouveaux mouvements sociaux ont des connotations politiques et idéologiques et ils agissent sur le plan politique, mais ce ne sont pas des organisations politiques structurées. Les mouvements peuvent développer des liens et former des coalitions pour peser sur l’issue de scrutins (p. 58), mais ils ne se posent que très peu la question du pouvoir. Pourtant, la remise en cause des rapports de domination, propre à certains mouvements, est éminemment politique (pensons ici au mouvement des femmes, au mouvement des lesbiennes et des gais, aux actions antiracisme, etc.). En quoi consiste l’action politique des mouvements sociaux ? Hormis leur influence sur les plateformes des partis et les politiques gouvernementales, peu de chose. Il est …