Recensions

Michel Foucault et le contrôle social Sous la dir. d’Alain Beaulieu, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2005, 292 p.[Notice]

  • Vincent Paris

…plus d’informations

  • Vincent Paris
    Université du Québec à Montréal

Alain Beaulieu dirige ce collectif issu d’un colloque international sur Michel Foucault et le contrôle social qui s’est déroulé à Montréal au mois de mai 2004. Il contient onze contributions en plus d’une table ronde autour du rapport entre Michel Foucault et la théorie Critique. La grande thèse, qui sert également d’armature à l’ensemble de l’ouvrage, est que le pouvoir dans nos sociétés serait passé des institutions disciplinaires et localisables pour évoluer vers une forme de contrôle qui s’exercerait maintenant de façon subtile, délocalisée, décentrée et « subjectivisée ». Jusqu’ici, rien de bien surprenant puisqu’il s’agit des « ustensiles de service » que tout convive est appelé à utiliser d’emblée, une fois attablé aux agapes du philosophe français. C’est d’ailleurs l’idée que livre d’entrée de jeu A. Beaulieu, soit celle du caractère « transversal » et même « vagabond » de la notion de contrôle chez Foucault (p. 35). Il faut d’ailleurs le souligner, bien que cette notion soit teintée de forte hybridité, de cette vision d’un pouvoir « tout-terrain » qui le distingue de la théorie Critique à la Francfort, le potentiel d’errance que produit la pensée de Foucault n’est pas toujours rassurant. Ce vagabondage mène tout de même le lecteur de Michel Foucault et le contrôle social assez loin. Du droit à la politique jusqu’à la psychiatrie ; de la médecine et de l’intervention sociale jusqu’aux pratiques de la recherche en sciences sociales et de la pédagogie ; des perspectives philosophiques jusqu’aux liens avec la théorie Critique, il faudra le redire encore une fois avec M. Foucault : le pouvoir est bel et bien partout ! Dans les circonstances, on ne peut que souligner le fait que la pensée du philosophe français se présente irrémissiblement comme une « boîte à outils » qui fournit des instruments pour une analyse aussi universelle qu’hétéroclite, plutôt qu’une véritable théorie générale du pouvoir. Ainsi, j’ai pu reconnaître au moins trois grandes tendances ou « manières » dont M. Foucault est abordé dans ce collectif. En premier lieu, on retrouve les foucaldiens de la « posologie », plus heuristiques dirais-je, qui tentent de tester la convenance des notions proposées par M. Foucault par le biais de données factuelles ou d’expériences concrètes. C’est le cas entre autres de l’apport de Denis Duez, qui retrace la manifestation des techniques du pouvoir ou du « quadrillage social » par le biais de l’émergence du discours sur la sécurité aux frontières de l’Union européenne. Le « dispositif européen », en plus de créer une nouvelle « classe dangereuse » (immigrants illégaux et clandestins), produirait dans la réalité, selon D. Duez, « de l’illégalisme plus qu’il n’en fait disparaître » (p. 23). Chez Pierangelo Di Vittorio, même inclination. Cette fois, c’est la migration du pouvoir psychiatrique vers d’autres sphères d’activités qui pose problème, notamment en transposant des catégories comme celles du normal et du déviant, de l’inoffensif et du dangereux, à des domaines qui auparavant étaient étrangers à cette typification. On retrouve là les idées canon du Foucault de L’Histoire de la folie, transposées aux défis liés à la production surchargée de pouvoir ; une critique spadassin devant le conformisme aujourd’hui légalisé et la normalisation excessive produite par l’état « bio-sécuritaire » (p. 121). Le texte de Paul Morin fait également partie de cette première catégorie. Ce dernier se sert notamment d’une étude qu’il a menée sur « l’univers des maisons de chambres » pour démontrer comment les techniques contemporaines de contrôle sont exercées sur les patients psychiatriques qui retournent dans la communauté et persuader finalement que, « encore une fois nous sommes dans l’idéologie des classes …