Recensions

La Politique étrangère de la Croatie, de son indépendance à nos jours (1991-2006), sous la dir. de Renéo Lukic, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2006, 316 p.[Notice]

  • Vincent Rochette

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  • Vincent Rochette
    Département d’histoire, Université Laval

D’après nos recherches bibliographiques, c’est le premier livre en langue française consacré à la politique étrangère de la Croatie depuis son indépendance. Ce livre permet ainsi aux lecteurs de se familiariser avec un sujet peu recherché, ce qui vient notamment de ce que la Croatie n’est entrée dans la communauté d’États indépendants (Organisation des Nations Unies ) qu’au début des années 1990. Comme l’écrit à juste titre dans la préface l’ancien ambassadeur de France en Croatie, Georges-Marie Chenu, l’originalité de ce livre est « d’étudier les relations extérieures d’un pays, la Croatie, qui non seulement est une “petite nation”, mais qui n’est devenue un État souverain que récemment, il y a quinze ans » (p. 17). Avec brio et clarté, les collaborateurs de cet ouvrage font la lumière sur les grandes orientations de la politique étrangère de la Croatie et sur les relations que le jeune État croate a entretenues avec, d’une part, les européens qui ont été au coeur du processus de paix dans les Balkans au cours des années 1990 (Allemagne, France, États-Unis) et, d’autre part, ses voisins qui jadis étaient des républiques constituantes de la Yougoslavie communiste (RFY / Union de Serbie-Monténégro, Bosnie-Herzégovine, Slovénie). Les chapitres de cet ouvrage découpent la courte histoire de la politique étrangère de la Croatie en trois phases distinctes. Les années 1991-1992 ont d’abord été marquées par les efforts des autorités croates, dirigées par Franjo Tudjman, pour faire reconnaître par la communauté internationale les frontières de la Croatie définies par la Constitution de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (RSFY) de 1974. La reconnaissance, le 23 décembre 1991, de la Croatie par l’Allemagne a représenté « l’événement le plus important de l’histoire politique de la Croatie » (p. 23), et forcé la Communauté économique européenne (CEE) et les États-Unis à faire de même en avril 1992. Une fois la reconnaissance acquise, Tudjman s’est attaqué à recouvrer la souveraineté dans l’ensemble du territoire croate, c’est-à-dire à récupérer diplomatiquement ou par la force les régions occupées par les milices serbes de Slobodan Miloševic. Cette deuxième phase s’est achevée en 1998 quand la Slavonie orientale a été réintégrée pacifiquement au reste du territoire croate. Enfin, la troisième et dernière phase, qui s’est ouverte en 1998 et qui se prolonge toujours aujourd’hui, a d’abord été caractérisée par la mobilisation des élites croates en faveur de l’adhésion aux intégrations euro-atlantiques (Union européenne, Organisation du traité de l’Atlantique Nord, Conseil de l’Europe). Jusqu’à la fin de l’année 2000, la Croatie a fait du surplace à l’égard de cet objectif en raison de l’autoritarisme du régime Tudjman. Ce n’est qu’après le retour de la démocratie, avec l’arrivée au pouvoir du président Stipe Mesic, que ces organisations internationales ont ouvert leurs portes à la Croatie. Le cours récent des événements a fait en sorte que la Croatie est en voie d’atteindre cet objectif. Depuis décembre 2005, elle jouit du statut de candidate à l’adhésion à l’Union européenne. En outre, depuis 2000, elle s’est attachée à entretenir les meilleures relations possible avec les pays influents du système international et à normaliser ses relations avec ses voisins. Dans le premier chapitre, l’historien Jean-François Juneau analyse les relations étroites que l’Allemagne a entretenues avec la Croatie depuis 1991. Il montre comment l’Allemagne, en reconnaissant l’État croate le 23 décembre 1991 contre la volonté de presque tous les pays de la CEE, s’est positionnée dès l’indépendance de ce pays comme son « parrain européen ». Rejetant l’interprétation qui fait de la politique allemande une Machtpolitik (politique de puissance) déstabilisatrice envers les Balkans, Juneau affirme plutôt que la diplomatie de Bonn / Berlin à l’égard …