Recensions

L’intervention armée peut-elle être juste ? Aspects moraux et éthiques des petites guerres contre le terrorisme et les génocides, sous la dir. de Jean-François Rioux, Montréal, Éditions Fides, 270 p.[Notice]

  • Kathia Légaré

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  • Kathia Légaré
    Institut québécois des hautes études internationales Université Laval

Au cours des deux dernières décennies, le contexte international a favorisé un retour aux questions de souveraineté et d’intervention, notamment parce que la fin de la guerre froide a entraîné la redéfinition de la sécurité collective et du rôle joué par les organisations internationales dans la gestion des conflits. Parmi tous les événements ayant nourri ces débats, la campagne de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) au Kosovo en 1999 (sans l’aval préalable du Conseil de sécurité) aura sans doute été celui qui a le plus suscité de discussions antagonistes, représentatives des tensions qui traversent la communauté internationale au sujet de l’intervention. Si l’ingérence dans les affaires internes des États survient depuis que l’État a émergé comme forme d’organisation politique prédominante, les motifs à la base des interventions ont beaucoup fluctué, ainsi que leur légitimité auprès des autres membres du système international. À l’heure actuelle, après des décennies de prohibition officielle, l’usage de la force armée n’est plus uniquement perçu comme un comportement à bannir, mais aussi comme une façon de prévenir des maux plus tragiques encore que la guerre. L’ouvrage sous la direction de Jean-François Rioux, L’intervention armée peut-elle être juste ? Aspects moraux et éthiques des petites guerres contre le terrorisme et les génocides, se penche sur la question de la légitimité de ces actions politiques dans le cadre international actuel. Les huit courts essais du volume appréhendent ce sujet selon des perspectives disciplinaires variées, en particulier le droit, la philosophie et la science politique. Les lignes de divisions sur le sujet recoupent les divers champs, mais aussi une vaste panoplie d’écoles de pensée, qui s’affrontent à chaque fois que l’actualité remet le sujet sur le tapis. Le premier essai par Jean-François Rioux et Karine Prémont, intitulé « Diversité des positions éthiques sur les interventions armées », fait justement une synthèse éclairante des positions éthiques par rapport à l’intervention armée, allant du bellicisme au pacifisme, en passant notamment par les théories chrétienne, libérale et anti-impérialiste de la guerre juste. Les autres essais du livre sont assez diversifiés quant à l’aspect du problème examiné : certains auteurs appliquent simplement la grille d’analyse de leur discipline à la question de l’intervention humanitaire et en dégagent les forces et les limites, alors que d’autres explorent de façon beaucoup plus normative les dilemmes soulevés par un usage limité de la force à des fins humanitaires et préventives. L’essai de John Langan (« La guerre juste et le pacifisme dans la pensée chrétienne ») examine les deux principaux courants de pensée de la chrétienté et leur traitement de la question de l’intervention humanitaire, en l’occurrence celui de la guerre juste et du pacifisme. L’auteur soutient que ces deux perspectives sont la manifestation d’une « rivalité fraternelle » entre les diverses Églises et communautés chrétiennes « quant à leur rapport général avec la société politique et quant à l’utilisation de la force pour protéger cette société » (p. 70). Il argumente par ailleurs que la simplicité de la position pacifiste laisse le chrétien « dépourvu face aux dilemmes moraux du chrétien sur l’usage de la force », alors que la théorie de la guerre juste est plus à même de lui fournir les outils nécessaires à la gestion des sentiments contradictoires que génère la question de l’intervention humanitaire. Celle-ci aurait l’avantage relatif de donner une « ligne directrice quant à la façon de justifier et de limiter l’utilisation de la force dans des situations où des vies humaines et d’importantes valeurs politiques à la fois sont en péril » (p. 83). Dans son essai « L’ingérence et les droits de l’homme », …