Résumés
Résumé
Nous abordons ici des enjeux que pose le partenariat entre les organismes communautaires francophones en situation minoritaire (CFSM) et l’État fédéral canadien. S’il semble répondre aux aspirations des communautés concernant la prise en charge de leur développement, en favorisant notamment une démarche fondée sur le principe de la gouvernance partagée, ce partenariat comporte malgré tout des exigences administratives qui paraissent tempérer l’autonomie et la libre gouvernance des CFSM. La participation des organismes francophones à l’élaboration et à la mise en oeuvre des politiques publiques s’accompagne d’une bureaucratisation de leurs activités communautaires et d’une réévaluation de leurs structures de représentation. Tenus de représenter plus formellement l’intérêt général de la communauté et de collaborer directement avec l’État pour lui permettre d’atteindre ses objectifs, ils sont poussés à une action qui se heurte, constate-t-on, à de nouveaux impératifs de légitimité. Ces derniers ont pour effet de remettre en question l’arrangement corporatiste qui s’est établi entre eux et l’État. C’est cet enjeu de légitimité qui pèse sur le nouveau mode de gouvernance des CFSM que nous avons voulu porter au jour dans notre recherche, dont nous présentons quelques éléments dans le présent article.
Abstract
In this article, we turn to the issues that stem from the partnership between Francophone community organizations in a minority setting and the Canadian federal state. While it seems to respond to the communities’ will of taking charge of their own development, by promoting notably a process based on the principle of shared governance, this partnership nevertheless has administrative requirements that appear to weaken autonomy and the free governance of Francophone communities in a minority setting. The participation of Francophone organizations in elaborating and implementing public policies comes with the bureaucratization of their community activities and a re-assessment of their representative structures. Because they must more formally represent the community’s general interest and must directly collaborate with the state in order to attain their objectives, they are compelled to act in a way that, we note, clashes with new legitimacy imperatives. These have the effect of questioning the corporatist arrangement that has formed between them and the state. It is this legitimacy issue that weighs on the new world of governance among FSMC that we wish to reveal in our research, a few elements of which we present in this article.
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Parties annexes
Note sur l'auteur
Éric Forgues est directeur adjoint et chercheur à l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques. Ses travaux portent plus particulièrement sur le développement et la gouvernance des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM), l’intervention étatique au sein des CLOSM, les tendances migratoires en situation minoritaire, l’intégration socioprofessionnelle des nouveaux arrivants francophones qui possèdent des compétences en santé et la vitalité des CLOSM.
Notes
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[1]
. La réflexion présentée dans cet article découle en bonne partie de nos travaux de recherche financés par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada sur les ententes Canada-communautés et le Réseau de développement économique et d’employabilité. (Éric Forgues, 2007, Du conflit au compromis linguistique. L’État et le développement des communautés francophones en situation minoritaire, Moncton, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, [http://www.icrml.ca/images/stories/documents/fr/conflit_au_compromis_linguistique.pdf], consulté le 5 octobre 2009 ; et Éric Forgues, 2008, Le développement économique des communautés francophones en situation minoritaire, Étude de cas du Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE), Moncton, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, [http://www.icrml.ca/images/stories/documents/fr/rapportrdee-31oc08.pdf], consulté le 5 octobre 2009).
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[2]
. Forgues, Du conflit au compromis linguistique, op. cit.
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[3]
. Joseph Yvon Thériault, 2007, Faire société : Société civile et espaces francophones, Sudbury, Prise de parole, p. 235.
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[4]
. Pour connaître l’analyse empirique sur laquelle nos conclusions prennent appui et le cadre théorique et méthodologique de notre recherche, le lecteur peut se référer à nos travaux susmentionnés ainsi qu’à Éric Forgues, 2004, Capital social, gouvernance et rationalisation des pratiques communautaires ; outils théoriques et méthodologiques, Moncton, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, [http://www.icrml.ca/images/stories/documents/fr/capital_social_gouvernance_et_rationalisation_des_pratiques_communautaires.pdf], consulté le 5 octobre 2009.
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[5]
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[15]
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[16]
. Id., p. 152.
-
[17]
. Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, 1994, Mémoire présenté au Comité mixte permanent des langues officielles.
-
[18]
. Cardinal et Hudon, La gouvernance des minorités de langue officielle au Canada, op. cit.
-
[19]
. Id., p. 6.
-
[20]
. Forgues, Le développement économique des communautés francophones en situation minoritaire, op. cit.
-
[21]
. Actes de la Convention 2004 de la Société acadienne du Nouveau-Brunswick, Égalité, Revue acadienne d’analyse politique, printemps 2005.
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[22]
. Commission consultative sur la gouvernance de la société civile acadienne et francophone du Nouveau-Brunswick, 2006, Vers une assemblée communautaire représentative et influente, rapport présenté au Forum de concertation des organismes acadiens, Moncton.
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[23]
. André Magord, 2008, The Quest for Autonomy in Acadia, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang.
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[24]
. Patrimoine canadien, 2005, Accord de collaboration entre le ministère du Patrimoine canadien et le secteur communautaire de la francophonie de l’Ontario, [http://www.pch.gc.ca/pgm/lo-ol/accrd/ON/cmmnt/AccordCollaboration_ON-fra.pdf], consulté le 10 décembre 2009.
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[25]
. Ibid.
-
[26]
. Ibid.
-
[27]
. L’étude du cas de la Saskatchewan mériterait d’être approfondie pour déterminer la forme du modèle de gouvernance fransaskois.
-
[28]
. Patrimoine canadien, Accord de collaboration, op. cit.
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[29]
. Danièle Lochak, 1986, « La société civile : du concept au gadget », dans La société civile, sous la dir. de Jacques Chevallier et al., Paris, Presses universitaires de France, p. 63.
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[30]
. Cardinal, Lang et Sauvé, « Les minorités francophones hors Québec et la gouvernance des langues officielles », op. cit.
-
[31]
. Alain Touraine, 1993, Production de la société, Paris, Seuil, p. 52.
-
[32]
. Jürgen Habermas, 1997, Droit et démocratie. Entre faits et normes, Paris, Gallimard, p. 321 ; John S. Brady, 2004, « No Contest ? Assessing the Agonistic Critiques of Jürgen Habermas’s Theory of the Public Sphere », Philosophy & Social Criticism, vol. 30, no 3, p. 346.
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[33]
. Richard Bourhis et Rodrigue Landry, 2008, The Vitality of the English-speaking Communities of Quebec : From Community Decline to Revival, Montréal et Moncton, CEETUM et ICRML, [http://www.icrml.ca], consulté le 9 octobre 2008.
-
[34]
. Linda Cardinal, 1999, « La vie politique et les francophones hors Québec », dans Francophones minoritaires au Canada : L’état des lieux, sous la dir. de Joseph Yvon Thériault, Moncton, Les Éditions Acadie, p. 327-328.
-
[35]
. Jürgen Habermas, 1987, Théorie de l’agir communicationnel, t. 2, Paris, Fayard.
-
[36]
. Joseph Yvon Thériault, 1996, « La fin du collectif ou le collectif autrement ? », dans L’État aux orties ? sous la dir. de Sylvie Paqueront, Montréal, Écosociété, p. 149.
-
[37]
. Forgues, Du conflit au compromis linguistique, op. cit.
-
[38]
. Geoffrey Wood, 2000, « The Consequence of Neo-corporatism : A Syncretic Analysis », The International Journal of Sociology and Social Policy, vol. 20, no 8, p. 1-22.
-
[39]
. Annette Zimmer, 1999, « Corporatism Revisited – The Legacy of History and the German Nonprofit Sector », International Journal of Voluntary and Nonprofit Organizations, vol. 10, no 1, p. 37-49.
-
[40]
. Wolfgang Streeck et Lane Kenworthy, 2005, « Theories and Practices of Neocorporatism », dans The Handbook of Political Sociology, sous la dir. de Thomas Janoski, Robert R. Alford, Alexander M. Hicks et Mildred A. Schwartz, Cambridge, Cambridge University Press, p. 441-460.
-
[41]
. Ibid.
-
[42]
. Benoît Frydman, 2004, « Habermas et la société civile contemporaine », dans La société civile et ses droits, sous la dir. de Benoît Frydman, Bruxelles, Bruylant, p. 135.
-
[43]
. Id., p. 136.
-
[44]
. Estelle Ferrarese, 2003, « Le renversement du concept de compromis. Des ambiguïtés de l’intérêt particulier dans la théorie de Jürgen Habermas », dans Où en est la théorie critique ?, sous la dir. de Emmanuel Renault et Yves Sintomer, Paris, La découverte, p. 157.
-
[45]
. Ibid.
-
[46]
. Cela rejoint les analyses qu’a faites Nancy Fraser dans le cas des groupes de femmes. (Nancy Fraser, 1992, « Rethinking the Public Sphere : A Contribution to the Critique of Actually Existing Democracy », dans Habermas and the Public Sphere, sous la dir. de Craig Calhoun, Cambridge, MIT Press, p. 109-142.
-
[47]
. Rainer Rochlitz, 2002, « Philosophie politique et sociologie chez Habermas », dans Habermas, L’usage public de la raison, sous la dir. de Rainer Rochlitz, Paris, Presses universitaires de France, p. 192.
-
[48]
. Thériault, « La fin du collectif ou le collectif autrement ? », p. 147.
-
[49]
. Thériault, Faire société, op. cit.
-
[50]
. La distinction que fait Raymond Aron entre nationalité et nation rejoint le sens que donne Thériault au terme nationalitaire. Si la nation aspire à l’indépendance étatique ou la manifeste, la nationalité désigne « une collectivité qui entend perpétuer sa culture distincte » dans un projet d’autonomie culturelle. (Raphaël Canet, 2002, « Réflexion croisée sur les concepts de société civile et de communauté politique », notes de conférences, Chaire de Recherche du Canada en Mondialisation, Citoyenneté et Démocratie, [http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/Note-2002-05-08-canet.pdf], consulté le 9 octobre 2008.)
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[51]
. Il faudrait réfléchir, le cas échéant, aux communautés qui pourraient expérimenter un tel modèle de gouvernance.