Recensions

Le cosmopolitisme : enjeux et débats contemporains,sous la dir. de Ryoa Chung et Geneviève Nootens, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2010, 270 p.[Notice]

  • Guillaume Tremblay-Boily

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La plupart des auteurs du livre Le cosmopolitisme : enjeux et débats contemporains sont convaincus que le cosmopolitisme est en quelque sorte un idéal. Ils s’interrogent donc sur la manière de rendre cet idéal effectif, sur la forme spécifique que prendrait un ordre cosmopolite et sur les conceptions éthiques qui sous-tendraient cet ordre. Ce faisant, ils nous font réaliser qu’une fois admise l’idée d’une responsabilité commune à l’égard de toute l’humanité, de nombreuses questions restent en suspens. Au fil de ses onze chapitres rédigés par autant d’auteurs, l’ouvrage dirigé par Ryoa Chung et Geneviève Nootens aborde quelques-unes de ces questions et laisse entrevoir la diversité des points de vue sur le cosmopolitisme. Monique Canto-Sperber est l’auteure qui se montre la plus sceptique face au projet cosmopolite. Elle dénonce le projet d’une démocratie globale qui contournerait les États et qui serait en mesure de décider des affaires du monde en s’appuyant sur la société civile et sur les individus. Alors que les promoteurs d’une telle démocratie mondiale y voient un moyen d’inaugurer une ère de paix, Canto-Sperber y voit la source probable de nouveaux conflits. En effet, les États, pour elle, ne sont pas à l’origine des problèmes du monde. Au contraire, ils agissent comme force de modération de la violence pour deux raisons principales. D’abord parce que, en tant qu’expression d’une totalité politique fermée, ils ont la légitimité nécessaire pour trancher entre les intérêts et ainsi limiter les conflits. Ensuite parce que la pluralité des États permet de préserver la liberté en évitant que le pouvoir soit concentré au sein d’une seule organisation qui se déploierait à l’échelle du monde. Canto-Sperber soulève des préoccupations légitimes. On peut toutefois lui objecter que l’idée d’une démocratie mondiale faisant fi des États ne fait pas l’unanimité, même parmi les partisans du cosmopolitisme. Stéphane Chauvier essaie justement de définir un cosmopolitisme qui éviterait les écueils d’une organisation mondiale tentaculaire. Pour lui, une certaine cosmopolitisation du monde est nécessaire pour s’assurer d’un juste partage des biens d’intérêt cosmopolite. Ces biens sont ceux qui sont communs à tous les êtres humains (le climat, les ressources naturelles) ou qui ont une valeur pour tous les êtres humains (les droits fondamentaux, par exemple), par opposition à ceux dont la valeur est relative à une culture (la Légion d’honneur, un permis de conduire). Grâce à un charmant « apologue des hydrophiles », Chauvier démontre que divers mécanismes peuvent être établis pour permettre une juste allocation des biens d’intérêt cosmopolite sans pour autant sacrifier le pluralisme politique. Il propose un cosmopolitisme résiduel, en ce sens que les différentes unités politiques pourraient « continuer de réglementer la vie sociale sur la base de conventions et de valeurs locales, dès lors que cette règlementation n’a pas d’effets externes négatifs sur l’allocation des biens humains au reste de l’humanité » (p. 49). La contribution de Chauvier est sans doute une des plus intéressantes de l’ouvrage. On doit cependant noter qu’il peut être très difficile de déterminer quels biens sont d’intérêt cosmopolite et lesquels ne le sont pas. En outre, si l’on considère, par exemple, que le climat est un bien d’intérêt cosmopolite et que la quasi-totalité des activités humaines émet des gaz à effet de serre responsables des changements climatiques, la liste des objets d’intérêt cosmopolite risque de s’allonger indéfiniment. Ne se contentant pas de spécifier quels sont les devoirs des plus riches envers les plus démunis de la planète, Daniel Weinstock propose une voie originale pour faire en sorte que ces devoirs soient remplis et pour susciter l’émergence d’un sentiment de solidarité entre tous les êtres humains : celle de l’intérêt bien …