Recensions

Politique et syndicalisme agricoles au Québec, de Michel Morisset et Jean-Michel Couture, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2010, 452 p.[Notice]

  • Anne-Cécile Gallet

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La sortie du livre de Michel Morisset, en collaboration avec Jean-Michel Couture, apparaît à point nommé. L’agriculture décline continuellement et se polarise dangereusement, témoignant d’une conjoncture mondiale éloignée des promesses formulées par des politiques néolibérales pratiquées depuis près de trente ans. Le secteur agricole est devenu un objet de contestation croissant, proie des mouvements transnationaux. Cet ouvrage nous aide à mieux appréhender les rouages qui ont mené à l’impasse actuelle. Le cas du Québec est particulièrement intéressant puisque cette province, poche singulière au sein de l’Amérique du Nord, a défendu tout au long du vingtième siècle l’exceptionnalisme agricole, demeurant frileuse à l’ouverture internationale, avant d’accepter la nouvelle donne sans grand enthousiasme, comme en atteste la montée d’un mouvement paysan. Fort de son expérience au sein de la Fédération des producteurs de lait du Québec, de ses consultations auprès de l’Union des producteurs agricoles (UPA) ou du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, ainsi que de son bagage académique à l’Université Laval et au sein du Groupe de recherche en économie et politique agricoles (GREPA), Michel Morisset, avec la collaboration de Jean-Michel Couture, partage avec nous son expertise en matière de politiques agricoles. Ce livre est remarquablement documenté, une véritable mine d’informations sur l’histoire du jeu politique dans le secteur agricole québécois et l’évolution de son syndicalisme depuis la Révolution tranquille. En raison d’un monopole syndical, l’histoire du syndicalisme agricole au Québec se limite à l’étude de l’UPA et à la récente montée de mouvements de contestation. Morisset pénètre un domaine d’étude peu exploré. Grâce à un fin travail historiographique assis sur une méthodologie très rigoureuse, il complète un champ de recherche abordé par Jean-Pierre Kesteman, Guy Boisclair, Jocelyn Morneau et Jean-Marc Kirouac dans leur ouvrage de 1984 réédité en 2004, Histoire du syndicalisme agricole au Québec, UCC-UPA 1924-1984. Dans la recension de ce livre, Marco Silvestro (2006 : 126) précise que, pour « construire une interprétation sociologique du syndicalisme agricole québécois, il faut recadrer la recherche en fonction de deux grandes dimensions : le contexte et les dynamiques internes ». Il semble que Michel Morisset et son collaborateur aient parfaitement restitué ces dimensions et en aient offert une claire interprétation, faisant preuve d’une maîtrise du caractère conflictuel, relationnel et dialectique des enjeux politiques. Ce livre pourrait ainsi s’adresser à tout praticien ou activiste du milieu agricole et alimentaire qui souhaite comprendre les rouages et la complexité des débats contemporains, mais aussi aux étudiants et aux chercheurs en science politique. Cet ouvrage est en effet autant politique qu’historique, puisque Morisset et Couture ne se contentent pas d’une histoire froide de l’agriculture québécoise. Il s’agit toujours d’expliquer comment les agriculteurs voient et estiment le rôle qui leur est alloué dans la société et la construction du projet national. Ces essais analysent « le rapport dialectique entretenu entre la société québécoise et son agriculture », insistant sur la perception des agriculteurs représentés par leur syndicat, l’UPA, en quête d’une place et en recherche de légitimité au sein des projets de société successifs. Ainsi, l’objectif de l’ouvrage est de « faire le point sur la place qu’a occupée l’agriculture dans l’économie mais plus encore dans le champ politique et l’imaginaire québécois » (p. 1). Le premier chapitre explore la place des agriculteurs dans l’élaboration de la question nationale, dans les sillages de la colonisation puis au cours de la construction du projet souverainiste. D’abord endossé par l’Église puis par l’État à partir des années 1960, le secteur agricole s’est structuré autour d’un double objectif d’occupation du territoire et d’autosuffisance alimentaire. L’agriculture de subsistance traditionnelle devient agriculture marchande moderne et spécialisée. Les …

Parties annexes